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«Un conflit d'intérêts existe quand un auteur (ou l'établissement de l'auteur), un examinateur ou un éditeur entretient des relations financières ou personnelles qui, de façon inappropriée, influencent ses actions...1»
Les principes et les énoncés de l'International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE), dont le JAMC a été un membre fondateur il y a plus de 25 ans, guident la politique éditoriale de ce journal. L'énoncé de l'ICMJE sur les conflits d'intérêts tient compte du fait que nous sommes tous susceptibles d'être influencés et, en désignant les deux sources d'influence principales dans les publications médicales (relations financières et personnelles), nous encourage à réfléchir et à divulguer tous nos intérêts divergents éventuels. Toutefois, en vertu de ce système, la plupart des conflits d'intérêts signalés par les auteurs eux-mêmes et divulgués à la rédaction du JAMC concernaient la nature des relations personnelles des auteurs avec leurs collègues, leurs concurrents scientifiques, leurs étudiants, et ainsi de suite. Les auteurs sont plus discrets quant à leurs intérêts financiers.
Pourtant, on constate de plus en plus que les auteurs qui ont des relations financières avec les fabricants de produits spécifiques (c.-à-d. médicaments, appareils) sont plus susceptibles, dans leurs écrits et dans leurs travaux de recherche, de promouvoir ces produits2. À la fin des années 90, le JAMC a révisé ses politiques plutôt générales relativement aux conflits d'intérêts pour les articles qui mentionnaient un produit commercial en posant aux auteurs des questions précises relativement à l'aide financière — frais de déplacement pour des réunions, aide à la recherche, honoraires, placements, redevances et brevets. De nombreux auteurs ont admis qu'ils recevaient une telle aide mais qu'ils ne l'avaient pas déclarée car ils ne considéraient pas que cela pouvait influencer leurs décisions de façon inappropriée. Les divulgations sont publiées sous la déclaration «intérêts divergents» à la fin des articles. Dans un même état d'esprit, nous avons commencé à publier régulièrement des énoncés de divulgation concernant les conflits d'intérêts éventuels des rédacteurs du JAMC (www.cmaj.ca/misc/competing_interests_main.shtml).
Mais la divulgation est-elle suffisante? Dans quels cas les conflits d'intérêts d'ordre financier sont-ils si importants que même lorsqu'ils sont divulgués, une publication doit être refusée? Sur cette question, les lignes directrices de l'ICMJE sont muettes, mais certaines publications commencent à en parler ouvertement.
En ce qui concerne la possibilité de partialité, nous croyons qu'il est utile de distinguer entre les différents genres de manuscrits. Les recherches originales, qui sont presque toujours financées par des entreprises privées, des fondations ou un gouvernement, possèdent intrinsèquement plus de protection contre la partialité (méthode scientifique, examen par les pairs, comités de révision déontologique) que les analyses critiques et les commentaires. Ces articles et commentaires comportent des références et des interprétations choisies par leurs auteurs; la possibilité de partialité dans ces articles est toujours présente et souvent difficile à déceler.
Différentes publications se sont efforcées de tracer une ligne entre les conflits d'intérêts financiers acceptables et inacceptables. Certaines publications ont tenté de ne retenir que les analyses critiques et les commentaires d'auteurs sans lien financier avec des commanditaires commerciaux, mais ces efforts ont généralement été vains, car la plupart des chercheurs œuvrant dans des domaines qui ont un potentiel commercial ont des liens les uns avec les autres. D'autres journaux, comme le Lancet, ont adopté une politique qui empêche la publication de commentaires et d'articles de quiconque «au cours des trois dernières années a détenu auprès d'une entreprise ou d'un concurrent pertinent des actions ou un contrat d'emploi, occupé un poste désigné au conseil de l'entreprise; détenu un brevet pertinent, ou a reçu des honoraires d'une organisation autre que le Journal (...) pour écrire, être nommé ou soumettre» le manuscrit3». La politique du Lancet n'exclut pas les auteurs qui ont d'autres liens financiers avec des commanditaires commerciaux : honoraires, frais de conférencier, subventions de voyage, postes d'expert-conseil, et ainsi de suite.
Le New England Journal of Medicine a choisi de définir les intérêts financiers importants qui pourraient empêcher une publication et de préciser une limite supérieure pour un tel soutien financier (10 000 $US par entreprise par année)4.
La nouvelle politique du JAMC (voir l'encadré) est un amalgame des deux politiques ci-dessus. Elle nous a déjà aidé à prendre la décision de refuser une série d'articles de critique parce que l'auteur, même s'il est une autorité reconnue sur le plan international dans son domaine, est un actionnaire important et copropriétaire d'une entreprise qui développe et met en marché certains des produits mentionnés dans les articles.
De toute évidence, il n'existe pas qu'une seule bonne façon de résoudre ce problème. Nous continuerons de modifier nos politiques sur les conflits d'intérêts à mesure que nous prendrons de l'expérience, que nous nous mettrons à l'écoute des commentaires et des critiques de nos lecteurs, que nous échangerons nos réflexions avec les autres éditeurs et suivront l'évolution rapide des activités de recherche dans ce domaine. — JAMC