L’utilisation du protoxyde d’azote à des fins récréatives est un problème croissant dans plusieurs régions, y compris au Canada.
Même si une utilisation isolée, à court terme, entraîne rarement de graves complications, une utilisation prolongée peut engendrer une neurotoxicité qui souvent reste en partie irréversible; des cas de myélopathie cervicale, de neuropathie périphérique et d’encéphalopathie ont été décrits.
La physiopathologie des effets toxiques du protoxyde d’azote résulte d’un déficit en vitamine B12.
Des taux élevés d’homocystéine et d’acide méthylmalonique sont des marqueurs biochimiques diagnostiques potentiels, et l’imagerie par résonance magnétique et les examens de conduction nerveuse permettent de mieux cerner le tableau clinique.
L’arrêt du protoxyde d’azote est la pierre angulaire du traitement; on recommande des suppléments de vitamine B12 et de méthionine.
Le protoxyde d’azote (N2O) est devenu une drogue à usage récréatif de plus en plus populaire, mais dangereuse. Plus connu sous le nom de « gaz hilarant », il a d’abord été utilisé à des fins thérapeutiques en 1844 en chirurgie dentaire1. Même s’il s’agit d’un anesthésique faible, il est encore utilisé de nos jours, notamment en pédiatrie et en médecine dentaire2. Son utilisation à des fins récréatives est désormais reconnue comme un problème croissant dans de nombreuses régions, dont l’Australie3–5 et plusieurs pays d’Europe6, plus particulièrement au Royaume-Uni7. La prévalence exacte de l’utilisation du protoxyde d’azote à des fins récréatives au Canada est inconnue. Toutefois, selon le Rapport mondial sur les drogues 2021, ce sont 10 % de toutes les personnes répondantes et 15 % des personnes répondantes canadiennes qui ont déclaré avoir utilisé du protoxyde d’azote au cours de l’année écoulée8. Ce sondage en ligne donne un aperçu de la façon dont cette drogue est consommée, mais les personnes répondantes ne sont pas représentatives de la population générale. Même si aucune agence canadienne n’est chargée d’observer cette utilisation du protoxyde d’azote, il y a des signes d’une utilisation substantielle à Toronto et à Montréal9,10. Il est facile de se procurer du protoxyde d’azote en grande quantité sur Internet, ainsi que le matériel pour le consommer. La livraison est rapide vers les grandes villes11. La popularité de cette drogue est en partie due à son faible coût, à sa facilité d’accès et à la perception de son innocuité par rapport à d’autres drogues12,13.
L’utilisation d’une quantité importante de protoxyde d’azote dans un court délai peut, quoique rarement, entraîner la mort par asphyxie14,15, mais une utilisation ponctuelle, de courte durée, occasionne peu de complications graves16. En revanche, son inhalation régulière peut avoir des effets neurologiques importants, voire dévastateurs. Nous abordons ici l’utilisation du protoxyde d’azote à des fins récréatives, la toxicité, les modes d’utilisation, la physiopathologie, le tableau clinique, le diagnostic et la prise en charge. Nous nous inspirons de données provenant de rapports et de séries de cas, de rapports d’enquêtes et d’études mécanistes sur l’utilisation du protoxyde d’azote et ses complications (encadré 1).
Encadré 1 : Données probantes employées dans la présente revue
Nous avons interrogé le réseau PubMed de 1956 à 2022 pour recenser les rapports et séries de cas, les enquêtes et les études mécanistes sur l’utilisation du protoxyde d’azote et ses complications. Nous avons complété cette interrogation par un survol des bibliographies des articles retenus et la lecture d’un ouvrage de toxicologie (Goldfrank’s Toxicologic Emergencies16) afin de trouver les articles pertinents concernant la physiopathologie, le diagnostic et le traitement des complications liées au protoxyde d’azote.
Quels en sont les modes d’utilisation à des fins récréatives?
La plupart des gens qui utilisent du protoxyde d’azote à des fins récréatives se le procurent sous forme de cartouches de gaz comprimé utilisées dans la préparation de la crème fouettée. Parfois appelées « whippits », ces cartouches sont vendues en magasin ou en ligne, souvent pour moins de 1$ la cartouche de 8 g. Son faible coût et sa grande accessibilité expliquent en partie qu’il soit le produit par inhalation le plus souvent utilisé par les adultes. Le pic d’utilisation des produits par inhalation s’observe généralement chez les adolescents d’environ 13 ou 14 ans17, qui utilisent souvent à cette fin des surligneurs renfermant des solvants; pour sa part, le pic d’utilisation du protoxyde d’azote s’observe chez les jeunes adultes18.
Au moyen d’un distributeur de crème fouettée ou d’un simple dispositif appelé « cracker », les personnes utilisatrices transfèrent des aliquotes de gaz dans un ballon qui est ensuite utilisé pour inhaler la drogue (figure 1)19. L’inhalation se fait parfois directement à partir des cartouches ou des crackers, même si cela peut provoquer un traumatisme thermique buccal ou cutané en raison du phénomène endothermique d’expansion du gaz comprimé20,21. Plus rarement, un masque facial relié à la source de protoxyde d’azote ou un sac placé sur la tête sont utilisés, ce qui comporte un risque élevé d’asphyxie et est, en fait, la première cause de décès lié au protoxyde d’azote6,22.
Les effets de l’inhalation sont l’euphorie, l’analgésie et la déshinibition13,19,23. Or, ces effets ne durent que quelques minutes et l’utilisation à répétition est fréquente pour les maintenir. Contrairement à l’utilisation thérapeutique, qui prévoit le mélange du protoxyde d’azote avec de l’oxygène dans un environnement contrôlé24, l’utilisation du protoxyde d’azote pur à des fins récréatives comporte un risque d’hypoxie alvéolaire quand les gens veulent obtenir et maintenir les concentrations euphorisantes désirées16,25. Une consommation régulière suppose en général l’utilisation de douzaines de cartouches par jour19; certains rapports de cas font état d’une utilisation de plus de 500 cartouches par jour26,27.
Quelle est la physiopathologie des effets toxiques du protoxyde d’azote?
Les effets toxiques du protoxyde d’azote découlent principalement d’un déficit en vitamine B12 (cobalamine) et sont donc principalement de nature neurologique et hématologique. La vitamine B12 fonctionne comme coenzyme de 2 importantes enzymes : la méthionine synthase (MS) et la méthylmalonyl-CoA mutase (MCM).
Normalement, la méthionine synthase convertit l’homocystéine en méthionine et le 5 méthyltétrahydrofolate en tétrahydrofolate. Ces 2 processus sont couplés et reposent sur le transfert d’un groupe méthyle par la vitamine B12 (sous forme de méthylcobalamine; figure 2). Le protoxyde d’azote inactive la méthylcobalamine en oxydant son atome cobalt, ce qui inhibe efficacement la méthionine synthase. Cela empêche la production de méthionine et de tétrahydrofolate, qui jouent des rôles clés dans la synthèse de la myéline, des purines et des pyrimidines (figure 2). La neurotoxicité induite par le protoxyde d’azote est principalement due à une synthèse imparfaite de la myéline, tandis que l’anémie mégaloblastique et ses autres effets hématologiques témoignent du renouvellement naturellement élevé des cellules sanguines, un processus dépendant de l’ADN qui se trouve retardé par l’indisponibilité des purines et des pyrimidines en quantité suffisante24,28,29.
Une utilisation prolongée du protoxyde d’azote inhibe aussi la MCM. Dans les mitochondries, la MCM catalyse la conversion de méthylmalonyl-CoA en succinyl-CoA, qui intègre ensuite le cycle de Krebs. L’activité de la MCM requiert la coenzyme adénosylcobalamine (AdoCbl), une forme de vitamine B12 différente de celle qui est oxydée par le protoxyde d’azote. Le mécanisme exact de l’inhibition de la MCM par le protoxyde d’azote reste à élucider, mais pourrait résulter du fait que la méthylcobalamine oxydée est plus facilement excrétée, ce qui réduit les réserves globales de vitamine B12 et d’AdoCbl mitochondrial et, par conséquent, ralentit l’activité de la MCM dans les cellules nerveuses30,31. L’accumulation d’acide méthylmalonique qui en résulte peut servir de marqueur diagnostique sensible, mais on ignore dans quelle mesure l’inhibition de la MCM contribue aux manifestations cliniques du déficit en vitamine B12.
Parmi les autres hypothèses avancées pour expliquer la neurotoxicité du protoxyde d’azote, mentionnons l’antagonisme du N-méthyl-d-aspartate (NMDA)32,33, le dérèglement des cytokines et des facteurs de croissance qui régissent l’intégrité de la myéline34 et l’hypoxie causée par une utilisation prolongée de grandes quantités de protoxyde d’azote35–37.
Quelles sont les conséquences d’une utilisation prolongée du protoxyde d’azote?
Les complications à court et à long terme de l’utilisation de protoxyde d’azote à des fins récréatives sont résumées au tableau 1.
Manifestations neurologiques
Les manifestations neurologiques sont les principales conséquences de l’exposition au protoxyde d’azote; 3 tableaux cliniques sont bien décrits22,28,38–40. Le tableau le plus souvent rapporté est la myélopathie, généralement sous la forme d’une dégénérescence combinée subaiguë de la moelle épinière cervicale. Vient ensuite la neuropathie sensorimotrice périphérique qui affecte surtout les nerfs moteurs41. Le troisième tableau est une encéphalopathie, qui semble moins fréquente et passe plus souvent inaperçue, car dans bien des cas, elle occasionne des symptômes psychiatriques nouveaux.
La distinction entre la myélopathie et la neuropathie périphérique pose parfois un défi et les gens qui présentent une neurotoxicité liée au protoxyde d’azote manifestent souvent les deux. On observe alors fréquemment une paresthésie et une faiblesse bilatérales et des troubles de la marche. Les membres inférieurs ont tendance à être plus gravement affectés, et on observe une atteinte isolée des membres inférieurs chez jusqu’à 33 % des personnes39. Les signes physiques fréquents incluent une réduction de la force et de la sensibilité; les sensations douloureuses et thermiques sont plus souvent perturbées que les sensations de vibration et la proprioception, même si les 2 types d’anomalies s’observent fréquemment41. L’hypo- ou l’hyperréflexie peuvent être présentes, selon que les nerfs périphériques ou la moelle épinière sont plus ou moins touchés39. Des symptômes de vessie neurogène, comme la rétention ou l’incontinence urinaires, affectent une minorité de personnes. D’autres caractéristiques potentielles incluent l’ataxie et les signes de Romberg, de Lhermitte et de Babinski22,38,39.
Les symptômes neurologiques apparaissent souvent de façon aiguë ou subaiguë après des semaines, voire des mois d’exposition au protoxyde d’azote28. Plus rarement, des personnes consultent après une anesthésie liée au protoxyde d’azote, les symptômes apparaissant graduellement au cours des semaines suivantes, et faisant penser au tableau qui s’observe chez les utilisateurs et utilisatrices de longue date38,42. Ces malades ont tendance à être plus âgés et à avoir diverses réserves accessoires de vitamine B12 au départ, ce qui les rend plus sensibles aux effets du protoxyde d’azote43–45. Dans une minorité de cas, l’encéphalopathie s’observe avec d’autres symptômes tels que paranoïa, hallucinations, délire et modifications du comportement22,38,40,46.
Lien dose–toxicité
On sera peu surpris de constater que les complications neurologiques sont plus fréquentes après de multiples expositions. Un sondage auprès de 16 124 utilisateurs et utilisatrices de protoxyde d’azote à des fins récréatives a montré un lien étroit entre le niveau d’exposition et la présence de symptômes neurologiques47. Parmi 76 utilisatrices et utilisateurs réguliers manifestant des symptômes neurologiques, la durée médiane de l’utilisation était de 8 mois, et l’exposition médiane était de 25 cartouches par jour (éventail interquartile 8–85)38. Toutefois, des facteurs propres aux individus, comme le taux de vitamine B12 au départ, influent sur le risque de symptômes neurologiques et leur progression au fil du temp38,48,49. Même si on n’a établi aucun seuil inférieur d’exposition sécuritaire, les complications semblent extrêmement rares après une brève utilisation. Une récente revue systématique n’a fait état que de 39 cas de neurotoxicité après une anesthésie au protoxyde d’azote50,51.
Autres manifestations
Étant donné que le protoxyde d’azote rend la vitamine B12 non fonctionnelle, il peut aussi causer des anomalies hématologiques semblables à celles que cause l’anémie pernicieuse. L’inhalation de protoxyde d’azote à 50 % pendant 1 heure peut provoquer des anomalies mégaloblastiques à la biopsie médullaire chez les personnes qui y sont sensibles, des caractéristiques similaires apparaissant après 12 heures d’exposition chez les personnes ayant des réserves normales de vitamine B1216,52. L’anémie macrocytaire se manifeste chez 35 %–50 % des utilisateurs et utilisatrices à long terme38,39, tandis que d’autres caractéristiques du déficit en vitamine B12, comme la leucopénie, l’hypersegmentation des neutrophiles et la thrombocytopénie semblent moins fréquentes52–55.
On observe aussi des cas d’hyperpigmentation cutanée56, généralement à la face dorsale des doigts et des orteils, accompagnée de lésions maculopapulaires au torse57. Dans une série de 66 malades manifestant des symptômes neurologiques liés au protoxyde d’azote, des manifestations dermatologiques n’ont été observées que chez 4 personnes58.
Étant donné qu’un dérèglement de la méthionine synthase entraîne une hausse de l’homocystéine (figure 2), un facteur de risque connu de maladie vasculaire, il existe un risque théorique d’incidents thrombotiques artériels et veineux associé à l’inhalation de protoxyde d’azote59,60. Aucun effet de ce genre n’a été signalé lors du plus volumineux essai randomisé et contrôlé sur l’utilisation du protoxyde d’azote comme anesthésique51, mais on ne peut probablement pas extrapoler cette observation aux utilisateurs et utilisatrices de longue date. Une récente revue systématique a relevé 14 signalements de thromboembolie artérielle ou veineuse chez de jeunes personnes ayant utilisé du protoxyde d’azote pendant une période prolongée et ne présentant aucun autre facteur de risque thromboembolique clair61. La plupart de ces malades avaient aussi une hyperhomocystéinémie.
Quelle est l’approche diagnostique?
L’intoxication au protoxyde d’azote doit faire partie du diagnostic différentiel chez tous les personnes qui ont des signes et symptômes de neuropathie périphérique, de myélopathie ou d’encéphalopathie, particulièrement chez les personnes jeunes. Des antécédents d’exposition au protoxyde d’azote et son utilisation en grande quantité en particulier, sont nécessaires pour appuyer le diagnostic, ce qui rappelle l’importance d’une rigoureuse anamnèse concernant l’utilisation de drogues et autres substances. En présence de caractéristiques cliniques pertinentes et d’antécédents d’exposition importante au protoxyde d’azote, une analyse biochimique visant à dépister un déficit en vitamine B12 (homocystéine, acide méthylmalonique) permet de confirmer le diagnostic, comme on le voit au tableau 2. Toute anomalie neurologique doit faire l’objet d’une caractérisation plus précise au moyen d’une épreuve d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et d’examens de la conduction nerveuse28,38,50.
Analyses biochimiques
Un taux faible de vitamine B12 s’observe chez 54 %–72 % des personnes qui ont des complications neurologiques à la suite d’une exposition au protoxyde d’azote22,38,39 et est fort probable chez ceux qui ont des symptômes après des expositions plus brèves, ce qui témoigne probablement d’une plus grande sensibilité38. Chez les utilisateurs et utilisatrices de longue date, un taux faible de vitamine B12 peut être un signe d’élimination rapide31,34. L’homocystéine et l’acide méthylmalonique s’accumulent par suite d’un ralentissement de l’activité enzymatique (figure 2) et au moins 1 des 2 est élevé chez plus de 90 % des personnes38,62,63. Ces marqueurs sont donc plus sensibles que les taux de vitamine B12 qui restent normaux chez une proportion substantielle d’utilisateurs et d’utilisatrices, malgré la neurotoxicité. Certaines personnes peuvent prendre des suppléments de vitamine B12 pour tenter de prévenir la neurotoxicité, ce qui risque de fausser les résultats du dosage des biomarqueurs et rassurer à tort les médecins, sans prévenir entièrement les complications neurologiques du protoxyde d’azote64–66.
Imagerie
L’IRM de la colonne vertébrale est la modalité à privilégier pour identifier la myélopathie; elle révèle des hypersignaux en T2 chez jusqu’à 66 % des personnes qui ont des symptômes neurologiques38,39. Un trait caractéristique de la dégénérescence combinée subaiguë de la moelle épinière est un signe en « V » inversé correspondant à des zones médullaires d’hypersignaux bilatéraux et symétriques en T2 (figure 3). Cela s’observe surtout au niveau de la colonne cervicale, mais parfois aussi au niveau de la colonne thoracique, dans les cas graves38,39.
Même si l’IRM du cerveau est souvent normale, la matière blanche est parfois altérée chez les personnes qui ont des symptômes neuropsychiatriques et l’atteinte implique en général les lobes frontaux67,68. Dans une série de 110 cas de symptômes associés au protoxyde d’azote à usage récréatif, une démyélinisation au niveau du lobe frontal était présente chez 3 malades sur 11 soumis à une IRM cérébrale39.
Examens de conduction nerveuse
Les examens de conduction nerveuse sont anormaux chez la plupart des personnes symptomatiques22,28,39. Les anomalies les plus fréquentes sont la dégénérescence axonale, avec ou sans démyélinisation, et une démyélinisation isolée est présente chez une minorité de personnes. Comparativement aux personnes qui ont un déficit quantitatif en vitamine B12 non causé par le protoxyde d’azote, qui sont davantage sujets à des anomalies sensorielles, les personnes qui utilisent le protoxyde d’azote ont souvent une dysfonction motrice plus prononcée41.
Quel traitement faut-il administrer?
Le traitement repose principalement sur l’arrêt de l’exposition au protoxyde d’azote. Il faut également administrer des suppléments de vitamine B12, parfois en association avec la méthionine, même si les données probantes sur leur efficacité sont limitées (encadré 2)16. Étant donné leur profil d’innocuité favorable, nous suggérons des injections intramusculaires ou sous-cutanées quotidiennes de 1000 μg de vitamine B12 pendant 1–2 semaines, suivies de doses hebdomadaires de 1000 μg par voie parentérale ou des doses quotidiennes de 2000 μg par voie orale jusqu’à résolution des symptômes16,69,70. Nous suggérons en outre des suppléments oraux de 1 g méthionine 3 fois par jour (pendant au moins 4–6 semaines ou jusqu’à amélioration significative des symptômes); cette mesure est également sécuritaire40,48,67,71. Des suppléments de folate sont peu susceptibles d’être utiles et ne doivent pas être administrés avant la normalisation des taux de vitamine B12 en raison d’un risque d’exacerbation des symptômes et de retard du rétablissement29,48,72. Dans certains cas, il faut prévoir une réadaptation physique et un soutien psychosocial.
Encadré 2 : Traitement des effets toxiques du protoxyde d’azote
Arrêt de l’exposition : Envisager une demande de consultation en toxicologie et en psychiatrie, en plus d’offrir un soutien psychosocial
Vitamine B12 (cobalamine) : 1000 μg par voie intramusculaire tous les jours pendant 1–2 semaines, suivis de doses hebdomadaires de 1000 μg par voie parentérale ou quotidiennes de 2000 μg par voie orale jusqu’à résolution des symptômes
Méthionine : 1 g par voie orale 3 fois par jour pendant au moins 4–6 semaines ou jusqu’à amélioration significative des symptômes
Autre : Réadaptation pour les anomalies neurologiques
Autre : Ne pas administrer de folate avant les suppléments de vitamine B12
Pronostic
Même si le pronostic est variable, la plupart des personnes (de 95 %–97 %) manifestent au moins une amélioration partielle, mais plus du tiers des personnes hospitalisées ont des séquelles neurologiques, même après des mois de traitement22,39,40. L’amélioration se fait parfois graduellement, les changements étant minimes, voire inexistants durant le premier mois de traitement, et s’intensifiant au cours des mois suivants, ce qui rappelle l’importance de continuer à éviter toute exposition au protoxyde d’azote28,39.
Prévention
Les mesures mises de l’avant par la santé publique pour contrer l’utilisation du protoxyde d’azote excèdent la portée de la présente revue6. Mais, les médecins peuvent en adopter certaines pour limiter les complications à court et à long terme. Pour réduire les risques à court terme liés au protoxyde d’azote, nous suggérons aux médecins de mettre leur clientèle concernée en garde contre les modes d’utilisation susceptibles de mener à l’asphyxie (p. ex., masques et sacs sur la tête)22 et l’inhalation directe à partir des cartouches20,21 afin de réduire les risques d’asphyxie et les traumatismes thermiques, respectivement. Son utilisation durant certaines activités plus délicates, comme la conduite, est évidemment à proscrire.
La prévention des complications à longue échéance repose sur l’arrêt ou au moins la réduction de l’utilisation du protoxyde d’azote. En plus de l’information, certaines personnes utilisatrices pourraient tirer profit d’une aide formelle en toxicologie et d’une forme quelconque de soutien psychosocial ou d’entraide. En cas d’utilisation importante, lorsque le protoxyde d’azote n’est pas rapidement cessé, les médecins pourraient suggérer des suppléments de vitamine B12 à titre prophylactique. Cela peut retarder le déclenchement des symptômes et laisser aux personnes le temps de remettre en question cette habitude ou de se faire traiter pour toxicomanie48. Le cas échéant, il faut comprendre que la neurotoxicité est bien décrite malgré l’utilisation de suppléments de vitamine B12 et la seule façon fiable de prévenir la morbidité est l’arrêt du protoxyde d’azote73,74.
Conclusion
Le faible coût et la facilité d’accès du protoxyde d’azote font de ce dernier une drogue récréative populaire, particulièrement chez les jeunes. Il peut provoquer un déficit en vitamine B12, une cause méconnue d’anomalies neurologiques comme, plus généralement, la myélopathie, la neuropathie périphérique ou l’encéphalopathie, parfois accompagnées d’anomalies hématologiques. Les médecins doivent s’informer de l’utilisation du protoxyde d’azote chez les personnes qui présentent des signes de déficit en vitamine B12 ou d’autres symptômes neurologiques pertinents. Les questions pour les recherches futures sont présentées dans l’encadré 3.
Encadré 3 : Questions sans réponses
Quelles sont les doses et la durée optimales des traitements par vitamine B12 et méthionine pour la neurotoxicité due au protoxyde d’azote?
Peut-on prédire le risque individuel de neurotoxicité après une exposition à court et à long terme?
Quels processus physiopathologiques sous-tendent le déficit quantitatif en vitamine B12 et l’inhibition de la méthylmalonylcoenzyme A mutase lors d’une exposition prolongée au protoxyde d’azote?
Remerciements
Les auteurs remercient Steven Curry pour ses commentaires constructifs sur une version préliminaire du manuscrit.
Footnotes
Intérêts concurrents: David Juurlink a reçu un remboursement de ses frais de déplacement pour des présentations et des congrès scientifiques des Instituts de recherche en santé du Canada, de l’Université Stanford et du Centre des sciences de la santé de l’Université Texas Tech. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Les 2 auteurs ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
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