Une femme de 53 ans ayant un diabète de type 2 mal maîtrisé a consulté aux urgences pour une lésion douloureuse au palais dur. Un mois auparavant, elle avait reçu un résultat positif au test de dépistage du SRAS-CoV-2, mais était asymptomatique et n’avait pas eu besoin de traitement. Huit jours après le diagnostic, la patiente a constaté le développement d’une lésion indolore au palais. Deux semaines plus tard, elle a remarqué que la lésion avait grossi, et elle a commencé à éprouver une douleur intense, qui irradiait du palais, vers le milieu du visage et la mâchoire, accompagnée d’halitose putride. Elle a consulté dans notre hôpital 22 jours après l’apparition de la lésion.
À l’examen, la glycémie à jeun de la patiente était de 9,7 mmol/L (plage normale 5,6 à 6,9). Nous avons observé une profonde lésion ulcérée au palais dur (figure 1). L’examen histopathologique a révélé de volumineux hyphes non septés présentant de fines cloisons et ramifications (annexe 1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.211026/tab-related-content). Nous avons identifié Rhizopus microsporum dans les cultures et posé un diagnostic de mucormycose. Notre équipe a procédé au débridement chirurgical de la lésion et prescrit de l’amphotéricine B liposomique, à prendre à raison de 1 mg/kg/j pendant 6 semaines. Nous avons aussi administré à la patiente de l’insuline pour son diabète. Six semaines plus tard, la lésion était disparue et la patiente ne présentait plus de symptômes.
Photographie montrant un profond ulcère à l’emporte-pièce de 3 × 2,5 × 0,5 cm sur la partie médiane du palais dur observé chez une femme de 53 ans. La lésion s’étend de la première à la quatrième crête du palais dur, exposant l’os, et présentes des rebords lobulés et enflés, avec une escarre noirâtre au milieu (flèche).
La mucormycose est causée par les champignons saprophytes aérobies Rhizopus, Rhizomucor et Cunninghamella, appartenant à l’ordre des Mucorales1. La maladie se transmet principalement par l’inhalation de spores ou l’inoculation directe sur une lésion de la peau ou d’une muqueuse, à partir de sources présentes dans l’environnement telles que la terre et les déjections d’animaux. La mucormycose peut se manifester par une atteinte rhinocérébrale, pulmonaire, cutanée, gastro-intestinale ou disséminée, et elle peut être fatale. La nécrose tissulaire, causée par une angioinvasion et une thrombose vasculaire, en est une des principales caractéristiques2. Le traitement de première intention est le débridement chirurgical et l’administration d’amphotéricine B liposomique1.
La mucormycose s’observe habituellement chez les patients immunodéprimés qui ont un diabète mal maîtrisé ou qui sont sous corticothérapie depuis longtemps, séropositifs pour le VIH ou atteints d’un cancer ou d’insuffisance rénale2. Une étude regroupant 101 patients atteints de la COVID-19 et de mucormycose, dont la plupart vivaient en Inde, a révélé que 80 % d’entre eux étaient diabétiques et que 76 % avaient pris des corticostéroïdes pour traiter l’infection au SRAS-CoV-23. Les médecins devraient songer à la mucormycose chez les patients infectés par le SRAS-CoV-2 qui ont une nécrose tissulaire, particulièrement s’ils sont également diabétiques ou ont pris des corticostéroïdes récemment.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.211026
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Les auteurs ont obtenu le consentement de la patiente.
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