Après 5 années litigieuses de lobbying et de révision, il semble probable qu'une déclaration des droits des patients deviendra loi aux États-Unis. Les versions démocrate et républicaine du projet de loi feront toutes deux valoir les mêmes points : les régimes d'assurance santé doivent offrir un accès rapide aux spécialistes, l'accès aux obstétriciens et gynécologues sans référence, ainsi que des soins d'urgence à l'hôpital le plus proche, même s'il n'est pas affilié avec le régime d'assurance du patient1. Le projet de loi donne aussi aux patients le droit d'intenter des poursuites aux organisations de soins de santé intégrés (les health maintenance organizations, ou HMO, américaines).
Environ 80 % des Américains adhèrent à des HMO. Les constructeurs d'automobiles des États-Unis dépensent plus en soins de santé qu'en acier. En 1995, le plus gros acheteur, General Motors, a consacré 3,6 milliards de dollars US aux soins de santé pour 1,6 million de personnes2. Les gros employeurs ne font pas que magasiner pour trouver des HMO bon marché : ils créent aussi des «partenariats» avec ces organisations et trouvent des moyens de rendre la prestation des soins de service plus efficiente. Les HMO, elles, recherchent des employeurs qui ont un effectif en bonne santé et restreignent le type et l'étendue des services qu'elles offrent. C'est bien beau pour les personnes qui ne sont pas enceintes ou âgées ou ne souffrent pas de maladie chronique. En fin de compte, c'est un contrat d'assurance et non un médecin qui peut déterminer les examens prescrits, le traitement à offrir et quand référer un patient.
La déclaration des droits des patients émane de l'insatisfaction du public face aux HMO qui, à cause des subtilités de leurs formules de demande de remboursement, de leurs exclusions discriminatoires (dans les cas de contraception, par exemple) et de leur réputation d'insuffisance et d'organisations au cœur de pierre, sont devenues les institutions les plus haïes aux États-Unis. Il se peut toutefois que le projet de loi ne soit pas beaucoup plus qu'une solution temporaire. On estime que les honoraires d'avocats et les réclamations découlant de la déclaration des droits des patients feront grimper les primes de 2,9 %3. On craint que pour maintenir les primes à un niveau moins élevé, les employeurs réduisent les avantages sociaux, refusent de couvrir les membres de la famille de leurs employés et les employés à temps partiel, imposent des délais de carence plus longs, etc. Ce qui ne fera que gonfler les rangs des 44 millions de personnes sans assurance.
Le Canada a-t-il besoin d'une déclaration des droits des patients? Chaque province est-elle simplement une grosse HMO4? La société Ford a un effectif à peu près deux fois plus gros que la population de l'Île-du-Prince-Édouard. Heureusement, il y a des différences entre les employeurs du secteur privé et le gouvernement de l'Î.-P.-É. Le gouvernement élu a, par exemple, une responsabilité envers toute la population et non seulement ses membres en bonne santé et nantis.
On invoque souvent les piliers de la Loi canadienne sur la santé comme s'ils constituaient en quelque sorte une déclaration des droits des patients. Ce n'est pas le cas, en réalité. Ces principes représentent les exigences auxquelles les provinces doivent satisfaire afin de recevoir du gouvernement fédéral des transferts en argent pour les soins de santé. Sur le plan idéologique, l'effet est le même. Jusqu'à maintenant, les Canadiens se sont rangés derrière les grands principes garantis sur le plan politique (et qui sont, par conséquent, précaires) et n'ont pas essayé de codifier leurs attentes dans une loi. Nos principes-piliers peuvent représenter tout ce dont nous avons besoin, jusqu'à ce qu'ils s'effritent au point de s'effondrer. Contrairement aux travailleurs de l'automobile des États-Unis, nous avons le droit d'élire les dirigeants de notre HMO aux 4 ou 5 ans. — JAMC