Résumé
Contexte: Les facteurs de risque de complications graves de l’infection par le SRAS-CoV-2 n’ont pas été bien établis chez les enfants. Nous avons voulu décrire les hospitalisations pédiatriques associées au SRAS-CoV-2 au Canada et identifier les facteurs de risque de maladie grave.
Méthodes: Nous avons procédé à une étude prospective nationale en utilisant l’infrastructure du Programme canadien de surveillance pédiatrique (PCSP). Les hospitalisations d’enfants ayant contracté une infection par le SRAS-CoV-2 confirmée en laboratoire de microbiologie ont été rapportées du 8 avril au 31 décembre 2020 au moyen de questionnaires hebdomadaires en ligne distribués au réseau du PCSP, qui compte plus de 2800 pédiatres. Nous avons catégorisé les hospitalisations comme suit : liées à la COVID-19, infections découvertes fortuitement, ou hospitalisations pour des raisons sociales ou de contrôle des infections, et dégagé les facteurs de risque associés à la gravité de la maladie chez les patients hospitalisés.
Résultats: Sur les 264 hospitalisations d’enfants ayant contracté le SRAS-CoV-2 au cours de la période de l’étude de 9 mois, 150 (56,8 %) ont été associées à la COVID-19 et 100 (37,9 %) étaient des cas découverts fortuitement (admission pour d’autres raisons et découverte fortuite du SRAS-CoV-2 par dépistage positif). Les nourrissons (37,3 %) et les adolescents (29,6 %) représentaient la majorité des cas. Parmi les hospitalisations liées à la COVID-19, 52 patients (34,7 %) étaient atteints d’une forme grave de la maladie, dont 42 (28,0 % des cas liés à la COVID-19) ont eu besoin d’une forme d’assistance respiratoire ou hémodynamique, et 59 (39,3 %) présentaient au moins 1 comorbidité sous-jacente. Les enfants atteints d’obésité, de maladies neurologiques chroniques ou de maladies pulmonaires chroniques, à l’exclusion de l’asthme, étaient plus susceptibles de présenter une forme grave ou critique de la COVID-19.
Interprétation: Parmi les enfants hospitalisés au Canada chez lesquels on a diagnostiqué une infection par le SRAS-CoV-2 au début de la pandémie de COVID-19, la découverte fortuite du SRAS-CoV-2 a été fréquente. Chez les enfants hospitalisés pour une COVID-19 aiguë, l’obésité et les comorbidités neurologiques et respiratoires ont été associées à une gravité accrue.
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053; voir le commentaire connexe ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.211513-f
En date du 31 décembre 2020, le Canada comptait 581 427 cas confirmés d’infection par le SRAS-CoV-21. Comme dans d’autres pays, la plupart des infections confirmées ont été diagnostiquées chez des adultes, en partie en raison des politiques de dépistage initiales, qui ciblaient les populations plus âgées et à risque, et en raison des mesures de confinement prolongées appliquées pour réduire le risque d’exposition des enfants. Même si on a signalé un moins grand nombre de cas de SRAS-CoV-2 chez les enfants que chez les adultes pendant les premières vagues de la pandémie au Canada2, les récentes hausses du nombre de cas pédiatriques en Amérique du Nord nous amènent à remettre en question l’hypothèse que les enfants seraient moins fréquemment infectés que les adultes3,4. Toutefois, la gravité de l’infection chez les enfants semble nettement moindre, puisqu’on observe un nombre total d’hospitalisations inférieur et une mortalité substantiellement plus faible comparativement aux adultes5,6.
Les facteurs de risque de complications plus graves de la COVID-19 ont été bien décrits chez les adultes7, mais moins chez les enfants8. Selon les données accumulées sur d’autres infections respiratoires virales, notamment la grippe et le virus syncytial respiratoire, des facteurs individuels peuvent accroître le risque de maladie grave chez les enfants9,10. Connaître les populations à risque de maladie grave est essentiel pour élaborer des stratégies de dépistage fondées sur des données probantes, formuler des recommandations pour réduire l’exposition (y compris des directives sur la scolarisation en personne) et prioriser éventuellement la vaccination contre le SRAS-CoV-2 chez les enfants.
À ce jour, peu de données nationales publiées ont caractérisé les hospitalisations d’enfants ayant contracté le SRAS-CoV-2. Nous avons voulu décrire les hospitalisations pédiatriques liées à l’infection aiguë par le SRAS-CoV-2 au Canada et mettre en évidence les facteurs de risque de maladie grave chez les enfants hospitalisés.
Méthodes
Programme canadien de surveillance pédiatrique
Le Programme canadien de surveillance pédiatrique (PCSP), un projet mixte de la Société canadienne de pédiatrie et de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), est une plateforme de surveillance épidémiologique publique qui a été conçue pour soutenir des études pédiatriques prospectives nationales11. Par un système de signalement des cas en ligne, le PCSP accumule des données sur certaines maladies pédiatriques grâce à son réseau de plus de 2800 pédiatres et médecins de surspécialités pédiatriques des 4 coins du Canada, regroupant la majorité des spécialistes des soins pédiatriques au pays11,12.
En mars 2020, au tout début de la pandémie de COVID-19, un groupe d’étude du PCSP sur la COVID-19 a été mis sur pied, regroupant des représentants de centres pédiatriques universitaires et communautaires de toutes les régions du Canada. L’étude, lancée en mai 2020, visait à recueillir des données à l’échelle des patients de 3 groupes différents : enfants hospitalisés pour une infection aiguë par SRAS-CoV-2 (dont on fait état ici), enfants ayant contracté le SRAS-CoV-2 admis à l’hôpital, mais âgés de moins d’un an ou ayant une comorbidité sous-jacente, et enfants présentant un syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant associé à COVID-1913,14. Cette analyse inclut tous les cas signalés en date du 31 décembre 2020. Le protocole de l’étude, incluant les définitions de cas et les formulaires de rapport de cas, est accessible à l’adresse https://www.cpsp.cps.ca/surveillance/study-etude/covid-19 (annexe 1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content).
À partir du 8 avril 2020, les participants au PCSP ont été invités à signaler tous les cas d’enfants de moins de 18 ans hospitalisés pour une infection aiguë par le SRAS-CoV-2 confirmée en laboratoire de microbiologie rencontrés au cours des 7 jours précédents, de même que tous les cas répondant à cette définition qui n’avaient pas encore été signalés. Les participants qui signalaient un cas étaient invités à remplir un formulaire de rapport de cas incluant des données démographiques, épidémiologiques, microbiologiques et cliniques (y compris les comorbidités).
Le suivi des cas en temps réel et le nettoyage des données ont été effectués tout au long de l’étude. Au moment de signaler un cas, les médecins pouvaient accepter que le PCSP communique avec eux pour clarifier des données discordantes, manquantes ou imprécises. Si des cas étaient signalés en double, les dossiers étaient comparés et fusionnés en utilisant les données les plus complètes et précises de chaque dossier.
Classification et gravité des cas
Nous avons réparti tous les cas d’enfants atteints d’une infection aiguë par le SRAS-CoV-2 confirmée en laboratoire de microbiologie et dont on disposait des données cliniques en différentes catégories mutuellement exclusives : lié à la COVID-19 — enfant hospitalisé pour maladie clinique avérée en lien direct avec le SRAS-CoV-2 —; infection découverte fortuitement — infection par le SRAS-CoV-2 découverte chez un enfant hospitalisé pour une autre raison (p. ex., fracture) et n’ayant entraîné aucun changement dans le déroulement de l’hospitalisation; ou hospitalisation pour des raisons sociales ou pour isoler un sujet — infection par le SRAS-CoV-2 détectée chez un enfant asymptomatique ou légèrement symptomatique hospitalisé pour être placé en isolement ou pour des raisons sociales (p. ex., hospitalisation du ou des parents ou gardiens). Pour assurer l’exactitude de la classification des cas, au moins 2 membres de l’équipe de l’étude (O. D., C. M. H., S. K. M. ou F. K.) ont passé en revue toutes les données fournies sur le formulaire de rapport de cas, y compris tous les diagnostics et toutes les interventions additionnelles en cours d’hospitalisation. Toute discordance dans l’attribution d’une catégorie a été résolue au moyen d’un suivi auprès du médecin ou par voie de consensus.
Nous avons caractérisé la gravité de la maladie au moyen de la version modifiée des critères de Dong adaptée aux pratiques locales (annexe 2, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content)15,16. Nous avons défini la gravité des cas comme suit : cas asymptomatique — absence de tout signe ou symptôme, et absence d’anomalies radiographiques ou d’examens radiologiques —; maladie légère — présence de symptômes, mais sans détresse respiratoire ni anomalies radiographiques —; maladie modérée — maladie des voies respiratoires inférieures, anomalies hématologiques ou radiographiques, mais sans autres atteintes organiques ni besoin d’assistance respiratoire —; maladie grave — détresse respiratoire pouvant nécessiter une oxygénothérapie; ou maladie critique, c.-à-d., hospitalisations à l’unité des soins intensifs (USI), recours à la ventilation ou signes cliniques de choc ou d’autres atteintes organiques. À des fins d’analyse, nous avons combiné les catégories grave et critique sous le vocable grave et les catégories légère et modérée sous le vocable non grave. Pour attribuer une catégorie aux patients, les détails des anomalies radiographiques consignées au dossier ont été évalués de manière indépendante par 2 chercheurs (O. D., C. M. H., S. K. M. ou F. K.), et les radiographies ont été classées comme suit : anomalies, anomalies sans lien avec le SRAS-CoV-2, non spécifiques, ou sans anomalies. Toute discordance a été résolue par voie de consensus.
Analyse statistique
Nous avons analysé les caractéristiques démographiques au moyen de fréquences, de pourcentages, de médianes et d’éventails interquartiles. Nous avons catégorisé l’âge comme suit : nourrisson (< 1 an), âge préscolaire (1–5 ans), âge scolaire (6–12 ans) ou adolescent (13–17 ans). Les analyses primaires incluaient uniquement les hospitalisations liées à la COVID-19. Nous avons analysé les caractéristiques de cas suivantes : gravité, comorbidités, signes et symptômes, infections concomitantes, résultats d’imagerie et traitements. Pour les variables de l’âge, du sexe, de la gravité et de la prématurité, nous avons procédé à une analyse des cas complets et indiqué la proportion de données manquantes dans des notes à la suite du tableau. Pour toutes les autres variables, nous avons imputé aux données manquantes ou inconnues la valeur nulle et nous les avons incluses dans les dénominateurs. Nous avons évalué les différences entre les groupes d’âge et les catégories de gravité au moyen de tests exacts de Fisher ou tests du χ2. Nous avons utilisé un seuil de signification α = 0,05 pour toutes les comparaisons. Nous avons effectué les analyses à l’aide du logiciel Stata (version 16.1). En raison des politiques du PCSP, nous avons indiqué < 5 dans tous les cas où la fréquence était entre 1 et 4, et présenté certains paramètres sous forme d’intervalles. Dans certains cas, les résultats des analyses de sousgroupes ne sont pas montrés pour prévenir le rétrocalcul des fréquences inférieures à 5.
Approbation éthique
Le PCSP mène ses activités en vertu de l’article 4 de la Loi sur le ministère de la Santé et l’article 3 de la Loi sur l’Agence de la santé publique du Canada. L’approbation éthique a été fournie par le Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada (CER 2020-002P), l’Hôpital pour enfants malades (REB 1000070001), le Comité d’éthique de la recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (IRB MP-21-2021-2901) et les sites individuels participants, conformément aux politiques locales. Au Québec, l’étude a été réalisée sous forme d’étude multicentrique, et les données cliniques ont été recueillies par les cochercheurs de l’étude.
Résultats
En tout, ont été signalés au PCSP 757 cas distincts dont les dates de diagnostic se situaient entre le 25 mars et le 31 décembre 2020; 264 répondaient à la définition de cas pour notre étude (enfants hospitalisés atteints d’une infection aiguë par le SRAS-CoV-2) et ont été inclus dans l’analyse (figure 1). Des cas ont été signalés dans toutes les provinces; toutefois, la collecte des données complètes a été impossible pour l’Alberta en raison de retards dans la conclusion des accords de transfert des données nécessaires. Notre étude fait l’analyse de 80,0 % de toutes les hospitalisations de patients de moins de 18 ans au Canada — si on exclut l’Alberta — (246/308) signalées à l’ASPC durant la période à l’étude (données non publiées; source : information sur les cas reçue par l’ASPC de la part des provinces et territoires) et de 68,6 % de ces hospitalisations au Canada, si on inclut l’Alberta. La majorité de ces patients (toutes catégories confondues) étaient du Québec (n = 114, 43,2 %) et de l’Ontario (n = 94, 35,6 %) (tableau 1) et ils ont été hospitalisés soit entre avril et juin, soit entre septembre et décembre 2020 (figure 2). On a dénombré plus d’infections par le SRAS-CoV-2 chez les nourrissons (< 1 an; n = 97, 37,3 %) et les adolescents (13–17 ans; n = 77, 29,6 %) que chez les enfants d’âge préscolaire (1–5 ans; n = 44, 16,9 %) ou scolaire (6–12 ans; n = 42, 16,2 %). Selon les dénominateurs de population de Statistique Canada17, cela représente une incidence minimale d’hospitalisations pour infection par le SRAS-CoV-2 de 26,0, 2,3, 1,4 et 3,8 par 100 000 habitants chez les nourrissons, les enfants d’âge préscolaire et scolaire et les adolescents, respectivement. Une distribution similaire a été observée chez les sujets hospitalisés pour COVID-19 (annexe 3, tableau supplémentaire S1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content). Nous avons constaté que la gravité de l’infection par le SRAS-CoV-2 ne différait pas significativement selon le sexe, la plupart des groupes d’âge ou le lieu de résidence; toutefois, la COVID-19 grave était plus fréquente chez les enfants qui présentaient des comorbidités (p = 0,01) (tableau 1).
Moins de 5 enfants (< 1,9 %) avaient séjourné à l’extérieur de leur province de résidence (au Canada ou ailleurs dans le monde) au cours des 12 semaines précédant le déclenchement des symptômes. On a dénombré 129 enfants (48,9 %) ayant eu un contact étroit avec un cas confirmé de SRAS-CoV-2 au cours des 8 semaines précédant le déclenchement de leurs symptômes. Les contacts étroits étaient le plus souvent les parents (n = 99, 76,7 %), la fratrie (n = 28, 21,7 %) et d’autres membres de la famille (n = 13, 10,1 %). Vingt infections (7,6 %) ont été acquises par voie nosocomiale (10 dans des établissements de soins de longue durée et 10 dans des hôpitaux). Sept enfants ont contracté la maladie auprès d’un contact connu à l’école ou à la garderie; tous ces cas sont survenus en septembre 2020 ou après.
La catégorisation des cas est illustrée à la figure 1. Après examen par les chercheurs, la cause des hospitalisations est demeurée inchangée dans 93,6 % des cas par rapport aux rapports des médecins (annexe 4, figure supplémentaire S1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content). Parmi les 264 cas, 150 (56,8 %) avaient été hospitalisés en raison de la COVID-19. Les autres (n = 114, 43,2 %) incluaient 100 enfants (87,7 %) hospitalisés pour d’autres raisons et chez qui on a découvert fortuitement une infection par le SRAS-CoV-2 lors du dépistage, 8 enfants (7,0 %) hospitalisés pour être placés en isolement ou pour un contrôle infectieux après un résultat positif au dépistage du SRAS-CoV-2 et moins de 5 enfants (< 4,4 %) hospitalisés pour des raisons sociales. Dans moins de 5 cas (< 1,9 %), la raison de l’hospitalisation n’a pas été précisée et nous n’avons pas pu catégoriser ces cas en raison de données insuffisantes. Quinze cas (5,7 %) répondaient à la fois à la définition de cas du PCSP pour l’hospitalisation en raison d’une infection aiguë par le SRAS-CoV-2 et à la définition du syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant.
Les symptômes les plus fréquents chez les 150 enfants hospitalisés en raison de la COVID-19 étaient la fièvre (70,0 %), les vomissements (34,7 %) et la toux (34,4 %) (tableau 2). Les résultats d’analyses de laboratoire qui ont été fréquemment rapportés sont la lymphopénie (20,0 %), l’anémie (14,0 %) et la neutropénie (13,3 %). Une coagulopathie a été observée chez 12,7 % des patients, une hépatite chez 11,3 % et un choc cytokinique chez 6,7 %. La fièvre était également présente chez les nourrissons et les enfants plus âgés (> 1 an), mais ces derniers étaient plus susceptibles de présenter des vomissements, de l’anémie, une pneumonie, de l’hypotension et des signes subjectifs de céphalées et de maux de gorge, tandis que les nourrissons étaient plus susceptibles de présenter des écoulements nasaux, une neutropénie ou une bronchiolite. Le tableau supplémentaire S2 de l’annexe 5 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content) fournit une description clinique des cas de COVID-19 excluant ceux qui répondaient aussi à la définition du syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant.
Cinquante-neuf enfants (39,3 %) présentaient au moins 1 comorbidité (tableau 3). Les plus fréquentes étaient l’encéphalopathie chronique avec handicap neurologique grave (11 ≤ n ≤ 14), l’obésité (11 ≤ n ≤ 14), l’asthme (10 ≤ n ≤ 13), les maladies pulmonaires chroniques (à l’exclusion de l’asthme) (10 ≤ n ≤ 13), l’épilepsie (10 ≤ n ≤ 13) et les troubles neurodévelopementaux (7 ≤ n ≤ 10). Neuf des enfants épileptiques étaient atteints d’une deuxième comorbidité neurologique ou neurodévelopementale, dont 5 cas de paralysie cérébrale. On n’a signalé aucune hospitalisation en raison de la COVID-19 chez les enfants atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin, ayant subi une greffe de moelle osseuse ou atteints d’un trouble psychiatrique. L’âge chronologique médian des enfants prématurés hospitalisés (9 ≤ n ≤ 12) était de 0,9 an (écart interquartile [EI] : 0,0–2,6 ans) et leur âge gestationnel médian à la naissance était de 30 semaines (EI : 28–34 semaines). Les hospitalisations liées à la COVID-19 étaient plus probables que celles non liées chez les enfants asthmatiques (6,7 %–8,7 % c. < 4,5 %, p = 0,03) ou atteints d’une maladie métabolique (4,0 % c. 0,0 %, p = 0,04), et moins probables chez les enfants prématurés (6,5 %–8,6 % c. 18,7 %, p = 0,03) ou atteints d’un trouble psychiatrique (0 % c. 4,5 %, p = 0,01) (annexe 6, tableau supplémentaire S3, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.210053/tab-related-content).
Au total, 75 enfants (50,0 %) ont été placés dans la catégorie des formes non graves de la maladie et 75 (50,0 %), dans la catégorie des formes graves (tableau 4). La proportion de nourrissons hospitalisés en raison de la COVID-19 qui répondaient aux critères de maladie grave était inférieure à celle des enfants de plus d’un an (33,4 % c. 62,8 %; p = 0,001) (tableau 4). Trente-deux patients (21,3 %) ont été admis dans une USI (dont < 5 à l’USI néonatale) et 9 ont eu besoin de ventilation mécanique. Moins de 5 cas signalés au PCSP se sont terminés par un décès. Les enfants gravement malades hospitalisés (tableau 3) étaient plus susceptibles de présenter une comorbidité sous-jacente que les enfants présentant une forme non grave de la maladie (52,0 % c. 26,7 %; p = 0,001). Ceux qui présentaient une maladie grave étaient également plus susceptibles de présenter plusieurs comorbidités sousjacentes (c. 0 ou 1 comorbidité, n = 19, 25,3 %) que les patients présentant une forme non grave de la maladie (n = 6, 8,0 %; p = 0,005). Finalement, les enfants présentant une maladie grave étaient plus susceptibles d’être atteints d’épilepsie (c. non épileptiques; 12,0 % c. < 6,7 %; p = 0,03), d’encéphalopathie chronique avec handicap neurologique grave (c. sans encéphalopathie; 13,3 % c. < 6,7; p = 0,005), d’obésité (c. non obèse; 13,3 % c. < 6,7 %; p = 0,04), ou d’une maladie pulmonaire chronique (MPC) (à l’exclusion de l’asthme; c. sans MPC; 12,0 % c. < 6,7 %; p = 0,009). On n’a noté aucune différence quant à la gravité de la maladie chez les enfants immunosupprimés comparativement aux enfants immunocompétents (< 6,7 % chacun; p = 1,00).
Environ 1 patient sur 4 a reçu des corticostéroïdes systémiques, et 7 (4,7 %) ont reçu du remdésivir, de l’hydroxychloroquine, de la chloroquine ou d’autres immunomodulateurs, y compris des agents biologiques (tableau 5). Quatre-vingt-un enfants (54,0 %), dont 40,7 % étaient des nourrissons, ont reçu des antibiotiques systémiques, et 6, soit 2 %, étaient atteints d’anémie falciforme. Aucun patient n’a reçu de plasma de convalescents du SRAS-CoV-2 ni d’anticorps monoclonaux, et aucun enfant n’a été inscrit à un essai clinique sur un traitement pour la COVID-19. Les enfants qui présentaient une maladie grave étaient plus susceptibles d’avoir reçu de l’azithromycine, des corticostéroïdes, des immunoglobulines et des anticoagulants (tableau 5).
Interprétation
Nous avons décrit les manifestations cliniques, les caractéristiques, la gravité de la maladie et le traitement de la plupart des enfants atteints d’une infection au SRAS-CoV-2 hospitalisés au Canada entre le 25 mars et le 31 décembre 2020. Même si le signalement au PCSP était volontaire, la participation des pédiatres canadiens a permis de recueillir des données concernant environ 70 % de tous les enfants qui avaient contracté le SRAS-CoV-2 au moment de leur hospitalisation.
Selon notre étude, le tableau clinique et la gravité de la maladie causée par le SRAS-CoV-2 ont été différents chez les enfants et les adultes au cours de la première partie de la pandémie de COVID-19 au Canada. Bien qu’il ait été récemment démontré que les enfants présentent la séroprévalence la plus élevée d’anticorps anti-SRAS-CoV-2 parmi tous les groupes d’âge au Canada (3,3 %), le nombre relativement faible d’hospitalisations pédiatriques vient confirmer que l’infection est moins grave chez les enfants que chez les adultes, même si elle peut être plus fréquente chez les enfants18. De nombreux enfants ayant contracté le SRAS-CoV-2 au Canada n’ont probablement pas reçu de diagnostic parce qu’ils étaient asymptomatiques, et ils ont été sous-représentés dans les tests de dépistage positifs signalés dans les différentes provinces19,20. Notre observation que près de la moitié (43,8 %) des enfants hospitalisés qui avaient contracté le SRAS-CoV-2 s’étaient retrouvés à l’hôpital pour d’autres raisons médicales, pour des raisons sociales ou pour un contrôle infectieux vient étayer cette hypothèse. La moitié des enfants hospitalisés en raison de la COVID-19 (50,0 %) avaient une forme grave de la maladie, 21,3 % ont dû être admis dans une USI et 13,3 % ont eu besoin d’une assistance cardiaque ou respiratoire plus au-delà d’une simple oxygénothérapie à faible débit.
Nous avons observé un degré de gravité différent comparativement à de précédentes études pédiatriques. Une étude descriptive de 2020 menée en Italie sur 130 enfants hospitalisés en raison de la COVID-19 a révélé que 15,4 % présentaient une forme grave ou critique de la maladie21. Les différences de classification des patients asymptomatiques (infection par le SRAS-CoV-2 découverte fortuitement pendant notre analyse) pourraient expliquer ces discordances. Le taux d’admission à l’USI dans notre étude était plus élevé que celui rapporté dans une revue systématique de 202022, mais similaire à celui d’une étude de cohorte observationnelle multicentrique prospective volumineuse menée au Royaume-Uni23. Des différences régionales dans les approches cliniques tôt au cours de la pandémie, y compris la tendance à admettre les patients dans une USI pour une surveillance étroite plutôt que pour une assistance cardiaque ou respiratoire, pourraient expliquer les différences entre les résultats des études.
Comme c’était le cas dans plusieurs études publiées, les décès attribuables à la COVID-19 ont été rares dans notre échantillon24. Nos observations concordent avec celles de quelques études8,21,25 et d’une méta-analyse26 récentes, selon lesquelles les enfants présentant certaines comorbidités seraient plus susceptibles de présenter une forme grave de la COVID-19.
Nous avons également constaté, comme dans d’autres études, que la plupart des enfants hospitalisés en raison d’une COVID-19 aiguë n’avaient besoin que de soins de soutien, et que seuls quelques-uns ont reçu un traitement ciblé pour la COVID-19, par exemple l’administration de remdésivir, d’hydroxychloroquine, de chloroquine, d’agents biologiques, d’anticoagulants, de corticostéroïdes ou d’immunoglobulines27. Bien que cela puisse être dû à la nature moins grave de la maladie chez les enfants, l’évolution des données probantes associées à ces interventions chez les enfants peut aussi avoir joué un rôle. Fait à noter : aucun des enfants de cette étude n’a été inscrit à l’un ou l’autre des essais cliniques accessibles aux enfants atteints de la COVID-19 au Canada, ce qui vient souligner la difficulté de procéder à des essais cliniques chez les enfants et explique, en partie, le volume insuffisant de données probantes pour orienter les soins pédiatriques.
Nos résultats suggèrent une distribution bimodale selon l’âge avec des maximums chez les nourrissons et les adolescents. L’incidence minimale plus élevée des hospitalisations pour COVID-19 chez les nourrissons, combinée à des proportions moindres de cas de maladie grave, pourrait s’expliquer par 2 facteurs. Premièrement, les médecins qui voient ces patients peuvent avoir été plus prudents (en optant pour l’hospitalisation à des fins d’observation plutôt que pour un congé à domicile). Deuxièmement, dans plusieurs établissements, la pratique veut que l’on hospitalise tout enfant âgé de moins de 6 à 12 semaines qui présente de la fièvre24,28,29. Ces facteurs peuvent aussi expliquer pourquoi nos observations diffèrent de celles d’autres études, selon lesquelles les nourrissons (< 1 an) présentaient un risque plus élevé de maladie grave21,22. La proportion plus élevée de cas chez les adolescents pourrait indiquer que la maladie est plus grave dans ce groupe d’âge; il se pourrait aussi que ce groupe soit exposé à un risque accru de contracter l’infection comparativement aux enfants plus jeunes24,30.
Le nombre d’enfants présentant certaines comorbidités ici à l’étude était faible, mais l’absence de cas chez les enfants immunosupprimés (p. ex., atteints de cancer, receveurs de transplantation ou sous traitement immunosuppresseur) pourrait donner lieu à un optimisme prudent, quoiqu’un nombre relativement important d’enfants atteints de problèmes neurologiques ait été rapporté. Il faudra approfondir la recherche sur les caractéristiques de ce groupe hétérogène pour déterminer si certaines populations (p. ex., enfants atteints de paralysie cérébrale ou de troubles neurodévelopementaux) sont exposées à un risque plus grand en raison de la complexité de leur état de santé sous-jacent, à des risques d’exposition particuliers (p. ex., multiples intervenants médicaux à la maison, à l’école ou dans un établissement de soins de longue durée) ou aux 2 facteurs31. À mesure que les données s’accumuleront, il sera important de suivre l’évolution clinique des enfants présentant des facteurs de risque de maladie grave associés à d’autres virus respiratoires, par exemple les enfants prématurés ou atteint d’asthme et d’autres maladies respiratoires chroniques et d’étudier d’éventuelles différences de gravité associées aux divers variants de SRAS-CoV-2.
Limites de l’étude
Notre étude est limitée par la nature volontaire des signalements au PCSP. En outre, il n’a pas été possible d’obtenir de rapports de cas complets de l’Alberta. Étant donné que les protocoles de dépistage du SRAS-CoV-2 ont varié d’une province à l’autre et tout au long de la période de l’étude et qu’ils se limitaient durant les premiers mois de la pandémie uniquement aux enfants symptomatiques, le nombre total d’enfants hospitalisés pour une infection découverte fortuitement pourrait avoir été sous-estimé. Nous sommes incapables de discuter de la gravité des comorbidités sous-jacentes rapportées, et les nombres de cas rapportés pour chaque comorbidité et facteur de risque nous ont empêchés de procéder à des analyses de régression multivariées afin de tenir compte de possibles facteurs de confusion. Bien que nous ayons décrit la distribution des cas par groupes de population, nous n’avons pas pu tirer de conclusions parce que cette variable n’a pas été rapportée par les familles. Finalement, nous avons réalisé cette étude à un moment où des mesures sanitaires strictes, y compris de distanciation physique, étaient en place partout au pays, et avant l’arrivée au Canada de variants sous surveillance du SRAS-CoV-2. La modification des pratiques de distanciation physique et l’évolution du virus pourraient entraîner des changements dans l’épidémiologie de la COVID-19 chez les enfants. Néanmoins, notre étude a permis de mettre en évidence les causes d’hospitalisation et de faire la distinction entre la découverte fortuite du SRAS-CoV-2 à la suite d’une hospitalisation et les hospitalisations liées à la COVID-19 chez les enfants au Canada.
Conclusion
Nous avons constaté que le nombre total d’enfants atteints d’une infection par le SRAS-CoV-2 hospitalisés au Canada était faible, et que près de la moitié des infections recensées avaient été découvertes fortuitement. À mesure que la pandémie évolue, il faudra surveiller de manière circonspecte tout changement potentiel dans l’épidémiologie de l’infection par le SRAS-CoV-2 chez les enfants. Il est important de mieux comprendre le portrait global de la maladie et de sa gravité chez les enfants, et de déterminer quels groupes d’enfants sont à risque, de manière à pouvoir planifier le déploiement de la vaccination contre le SRAS-CoV-2 et établir les priorités dans ce groupe d’âge.
Remerciements
Les auteurs remercient les pédiatres, les médecins de surspécialités pédiatriques et les autres professionnels de la santé qui ont accepté de répondre aux questionnaires du Programme canadien de surveillance pédiatrique (PCSP). Ils remercient également le Dr Jim Kellner pour ses conseils et son appui, de même que les membres et la direction du Réseau de recherche en pédiatrie hospitalière pour les cas soumis et leur pleine participation au projet du PCSP. Les auteurs aimeraient exprimer leur gratitude envers le personnel du PCSP pour son dévouement, son empressement et son engagement envers cette étude. Enfin, les auteurs remercient le Comité scientifique directeur du PCSP, qui assure la gouvernance du programme.
Footnotes
Intérêts concurrents : Krista Baerg déclare avoir reçu du financement du Chronic Pain Network. Elle a été présidente sortante de la section de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie et membre du conseil d’administration de la Saskatchewan Pain Society; elle a reçu des droits d’auteur de Brush Education. Kevin Chan est président du Comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie. Elizabeth Donner est présidente du comité de recherche scientifique et administratrice d’Épilepsie Canada. Elle est aussi membre de Partners Against Mortality in Epilepsy et de comités consultatifs pour Cardiol, Pendopharm et Stoke Therapeutics. Catherine Farrell est présidente du comité directeur scientifique du Programme canadien de surveillance pédiatrique, ancienne présidente du Comité de spécialité en pédiatrie du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, ancienne présidente de la Société canadienne de pédiatrie, présidente du Comité d’éthique et membre du conseil d’administration de la Société canadienne de soins intensifs. Elle a reçu un remboursement de frais de déplacement de la Société canadienne de pédiatrie et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Elle a aussi reçu des honoraires pour une présentation lors d’un symposium de formation continue à l’Université de Sherbrooke. Sarah Forgie est présidente de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada. Fatima Kakkar a reçu des honoraires pour des présentations données à l’Association des pédiatres du Québec. Thuy Mai Luu est directrice du Réseau canadien de suivi néonatal. Charlotte Moore Hepburn est directrice de Santé mentale pour enfants Ontario et directrice des affaires médicales pour la Société canadienne de pédiatrie et le Programme canadien de surveillance pédiatrique. Shaun Morris a reçu des honoraires de GlaxoSmithKline pour des conférences. Il a été membre d’un comité consultatif ad hoc pour Pfizer Canada. Jesse Papenburg a reçu des honoraires de consultation d’AbbVie et des honoraires d’AbbVie et de Seegene, et il a bénéficié de fournitures pour des tests de dépistage de virus respiratoires remis par Seegene pour son établissement. Il a participé à des réunions de comités consultatifs ad hoc pour AbbVie et il est membre ayant droit de vote du Comité consultatif national de l’immunisation. Rupeena Purewal est consultante pour Verity Pharmaceuticals. Manish Sadarangani est membre du comité consultatif d’Astra Zeneca. Marina Salvadori est une employée de l’Agence de la santé publique du Canada. Aucun autre intérêt concurrent déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs : L’étude a été conçue par Olivier Drouin, Charlotte Moore Hepburn, Daniel Farrar, Fatima Kakkar et Shaun Morris. Olivier Drouin a rédigé la première version du manuscrit. L’analyse a été menée par Daniel Farrar. Tous les auteurs ont contribué à la collecte et à l’interprétation des données et ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important du manuscrit; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement : Elizabeth Donner a reçu une subvention de l’Institut ontarien du cerveau. Catherine Farrell a reçu une subvention de Santé Canada. Olivier Drouin, Jesse Papenburg, Thuy Mai Luu et Fatima Kakkar bénéficient de l’appui d’une Bourse pour chercheurs-boursiers cliniciens du Fonds de recherche du Québec – Santé. Shaun Morris a reçu une subvention de recherche indépendante de Pfizer Canada. Jesse Papenburg a reçu des subventions (versées à son établissement) de MedImmune, Sanofi Pasteur et AbbVie. Manish Sadarangani a reçu des subventions (versées à son établissement) de GlaxoSmithKline, Merck, Pfizer, Sanofi Pasteur, Seqirus, Symvivo et VBI Vaccines. Il a aussi reçu un soutien financier par l’entremise de bourses salariales de la Fondation de l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, du Programme canadien de cliniciens-chercheurs en santé de l’enfant et de la Fondation Michael Smith pour la recherche en santé. Karina Top a reçu des subventions de GlaxoSmithKline. Le Programme canadien de surveillance pédiatrique bénéficie de l’appui de l’Agence de la santé publique du Canada (Morris) pour cette étude sur la COVID-19.
Partage des données : Les données anonymisées qui ont servi à la détermination des résultats rapportés dans cet article (texte, tableaux, figures et annexes) et qui sont conformes aux politiques de protection de la vie privée du Programme canadien de surveillance pédiatrique et de l’Agence de la santé publique du Canada seront mises à la disposition des chercheurs dont le protocole d’analyse secondaire des données a été approuvé par un comité d’éthique de la recherche indépendant. Les propositions doivent être adressées à shaun.morris{at}sickkids.ca; pour accéder aux données, les demandeurs devront signer une entente à cet effet.
- Accepted August 17, 2020.
Il s’agit d’un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0), qui permet l’utilisation, la diffusion et la reproduction dans tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l’utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.-à-d., recherche ou éducation) et qu’aucune modification ni adaptation n’y soit apportée. Voir : https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/.