Chez les adultes âgés, l’insuffisance rénale chronique (IRC) peut résulter à la fois d’un déclin physiologique de la fonction rénale lié à l’âge, de facteurs de risque rénovasculaires et cardiovasculaires et de déclencheurs externes.
La prise en charge des facteurs de risque de l’IRC devrait être individualisée et prévoir des cibles moins strictes chez les patients fragiles présentant un risque de polypharmacie.
Le score de risque rénal (SRR) est un outil qui facilite le suivi et le traitement continus de l’IRC, tant par les omnipraticiens que par les néphrologues.
Les médecins devraient avoir des discussions franches avec leurs patients âgés atteints d’IRC au sujet de leurs objectifs de soins et des avantages et inconvénients potentiels d’un traitement de remplacement rénal.
Véritable épidémie mondiale, l’insuffisance rénale chronique (IRC) chez les adultes âgés touche près de 40 % des personnes de 65 ans et plus1. Aux États-Unis, l’IRC est plus fréquente chez les personnes de 65 ans et plus (38 %) que dans toute autre catégorie d’âge1. Depuis 4 décennies, les personnes de plus de 75 ans sont le groupe où le nombre de nouveaux patients dialysés augmente le plus1. Au Canada, plus de la moitié des personnes qui commencent une dialyse ont 65 ans ou plus2. L’insuffisance rénale chronique s’accompagne d’une importante morbidité et mobilise un fort volume de ressources en santé1. Peu de lignes directrices fondées sur des données probantes abordent spécifiquement la prise en charge de l’IRC chez les adultes âgés, dont beaucoup sont fragiles et atteints de multiples comorbidités3. Les médecins devraient donc faire preuve de circonspection lorsqu’ils extrapolent des lignes directrices qui s’appliquent à l’ensemble de la population adulte. Nous discutons ici des causes et des conséquences de l’IRC d’un point de vue gériatrique et nous résumons les principes de pratiques optimales. Les données qui sous-tendent cette revue sont résumées dans l’encadré 1.
Encadré 1: Données probantes employées dans la présente revue
Nous avons procédé à une interrogation ciblée de la banque de données MEDLINE pour trouver des articles de recherche originaux et les articles de synthèse sur l’insuffisance rénale chronique chez les adultes âgés publiés de janvier 2000 à mars 2022. Les termes de recherche incluaient: « elderly », « geriatrics », « advance care planning », « chronic kidney disease », « blood pressure » et « management ». De plus, nous avons passé en revue les lignes directrices européennes, américaines et canadiennes en vigueur portant sur la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique et de l’hypertension, y compris celles du groupe de recherche KDIGO (Kidney Disease: Improving Global Outcomes), d’Hypertension Canada (2017) et du programme de néphrologie gériatrique de l’American Society of Nephrology.
Quelles sont les causes de l’insuffisance rénale chez les adultes âgés?
Chez les patients de plus de 65 ans4, on parle d’insuffisance rénale chronique lorsque le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe)4 est inférieur à 60 mL/min/m2. Notons toutefois qu’un déclin physiologique du DFG d’environ 8 mL/min par décennie commence vers la quarantaine5. L’IRC physiologique ne conduit habituellement pas à l’insuffisance rénale terminale (IRT), définie par des symptômes urémiques ou par le recours obligé au traitement de remplacement rénal. L’un des signes distinctifs du déclin de la fonction rénale lié à l’âge est l’absence de protéinurie6, qui laisse présager un pronostic favorable. La vitesse du déclin du DFGe peut aussi être révélatrice: la plupart des patients âgés ont tendance à avoir un DFGe stable7 — ceux dont le DFGe décline lentement (< 2 mL/min/an) et dont la protéinurie est minime (rapport albumine-créatinine [RAC] < 3 mg/mmol8) sont peu susceptibles de développer une IRT7.
Les adultes âgés présentent un risque accru d’insuffisance rénale aiguë (IRA) en cas de prise de médicaments néphrotoxiques, d’hypovolémie, d’obstruction des voies urinaires ou de maladies aiguës, comme le sepsis ou certains incidents cardiovasculaires aigus9. La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est un facteur de risque d’IRA et d’IRC10. Le choix d’AINS topiques moins puissants serait plus sûr chez les personnes atteintes d’IRC, même s’il peut y avoir une certaine absorption systémique chez les personnes âgées fragiles qui ont une masse musculaire faible11. Enfin, certaines maladies systémiques peuvent causer une insuffisance rénale, notamment les dyscrasies plasmocytaires (p. ex., myélome multiple), la néphrite interstitielle d’origine médicamenteuse et la vascularite auto-immune à anticorps cytoplasmiques antineutrophiles, le type de glomérulonéphrite le plus courant chez les adultes âgés12.
Comment les cliniciens devraient-ils aborder le diagnostic de l’insuffisance rénale?
Une ligne directrice canadienne à jour (2018) recommande l’évaluation annuelle du DFGe et du RAC pour dépister la néphropathie chez les populations à risque élevé; par exemple, les personnes atteintes d’hypertension, de diabète de type 2 ou d’une maladie cardiovasculaire13. Le dépistage n’est pas recommandé chez les personnes âgées sans facteurs de risque13.
En présence d’une insuffisance rénale d’apparition récente ou qui s’aggrave, d’autres tests devraient être prescrits, selon le cas (tableau 1). Ces tests peuvent inclure l’analyse d’urine et l’échographie abdominale. Les médicaments potentiellement dommageables devraient être cessés (tableau 2), particulièrement en cas d’hypotension relative9. Une consultation en néphrologie s’impose si l’on ne trouve pas de cause facilement réversible de l’IRA ou de l’IRC.
Chez les patients âgés, il faut distinguer l’IRC physiologique de l’IRC découlant de pathologies systémiques (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension, maladies auto-immunes), ou de déclencheurs externes. Un déclin subit et rapide du DFGe (p. ex., augmentation de plus de 1,5 fois du taux de créatinine par rapport à la valeur de référence en quelques jours ou semaines), surtout en présence d’hématurie et de protéinurie, pourrait être un signe de glomérulonéphrite. L’hyponatriurie est un excellent indicateur d’hypovolémie9; notons toutefois le risque de faux négatif chez les patients qui prennent des diurétiques. Le taux de créatinine sérique, le DFGe, le RAC et le taux d’électrolytes devraient être mesurés régulièrement chez les patients ayant un diagnostic d’IRC (tableau 1). La fréquence des analyses dépend du stade et de la stabilité de l’IRC.
Peut-on prédire l’apparition d’une IRT?
Le défi pour les médecins est de dépister les patients présentant un risque d’IRC progressive qui bénéficieraient d’une prise en charge vigoureuse de leurs facteurs de risque. Le stade de l’IRC (encadré 2) seul a une faible valeur prédictive en ce qui concerne le potentiel de progression. Le DFG estimé par la créatinine selon l’équation du groupe de recherche CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration)15 comporte des lacunes, puisque la formule est affectée par l’âge, le sexe et la masse musculaire15. Comme elle inclut aussi un coefficient racial, un modèle recalibré et indépendant de la race plus précis sera appelé à remplacer cette équation16, le concept de race étant de plus en plus reconnu comme une construction sociale plutôt que biologique16.
Encadré 2: Stades de l’insuffisance rénale chronique, catégories d’albuminurie et composantes du score de risque rénal (SRR)
Stades de l’insuffisance rénale chronique selon l’évolution du DFG (mL/min/1,73 m2)
D1 ≥ 90
D2 60–89
D3a 45–59
D3b 30–44
D4 15–29
D5 < 15
Catégories d’albuminurie selon le taux d’albumine urinaire (mg/mmol)
A1 < 3
A2 3–30
A3 > 30
(Les stades plus avancés d’insuffisance rénale chronique, surtout en conjonction avec des taux supérieurs de protéinurie, sont associés à un risque accru d’insuffisance rénale terminale8.)
SRR
Le score de risque rénal, ou SRR (accessible ici: https://kidneyfailurerisk.com/) aide à établir le pronostic par le calcul du risque d’insuffisance rénale terminale à 2 et à 5 ans à partir des 4 variables ci-dessous. Il est important de préciser si le test a été effectué en Amérique du Nord ou ailleurs14.
Âge
Sexe
DFGe
RAC
Remarque: A = albuminurie, RAC = rapport albumine-créatinine, D = DFG, DFG = débit de filtration glomérulaire.
L’ajout du RAC au DFGe facilite l’établissement du pronostic15 et a entraîné un changement de paradigme dans la foulée d’un nouveau modèle de prédiction du risque validé à l’échelle internationale, le score de risque rénal (SRR, ou KFRE en anglais)14. Le modèle de SRR prédit le risque d’IRT à 2 et 5 ans à partir de 4 variables: âge, sexe, DFGe et RAC (outil de calcul en ligne accessible à l’adresse https://kidneyfailurerisk.com/). Les généralistes peuvent utiliser le SRR pour dépister les personnes atteintes d’IRC présentant un risque accru de progression et qui devraient être adressées en néphrologie. Par exemple, selon le Réseau rénal de l’Ontario, les personnes qui présentent un SRR à 5 ans supérieur à 3 % à 5 % pourraient bénéficier d’une consultation en néphrologie17.
Le SRR aide les généralistes à trouver l’équilibre entre la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires et le risque de polypharmacie. Il favorise une approche individualisée chez les personnes fragiles; en présence d’un SRR indiquant un risque faible, la maîtrise de la tension artérielle, des lipides et de la glycémie axée spécifiquement sur la néphroprotection n’est pas nécessaire, ce qui pourrait permettre de réduire la polypharmacie, le risque de chute et certains effets indésirables des médicaments, comme l’IRA.
Le SRR a par contre ses limites: sa valeur prédictive est moindre chez les patients atteints de glomérulonéphrite et de maladies héréditaires ou structurales, comme la polykystose rénale14. Cela dit, ces affections sont moins fréquentes chez les populations âgées. Il faut éviter d’utiliser le SRR chez les personnes atteintes d’IRA ou dont le DFGe fluctue14.
Quels sont les facteurs de risque de l’IRC progressive?
Les facteurs associés au déclin accéléré du DFG incluent l’hypertension, l’hyperglycémie, les maladies cardiovasculaires athéroscléreuses, le tabagisme et des antécédents d’IRA18.
La maîtrise de la tension artérielle (TA), des lipides et de la glycémie est au cœur de la prise en charge de l’IRC18. La maîtrise de la tension artérielle et la réduction de l’albuminurie exercent un effet néphroprotecteur; la prise d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) et du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) contribue efficacement à l’atteinte de ces objectifs19. Toutefois, les lignes directrices ne s’entendent pas sur les cibles tensionnelles chez les patients âgés. Hypertension Canada (2020) recommande une cible tensionnelle inférieure à 130/80 en présence d’IRC et de diabète sucré, et inférieure à 120/80 en présence d’IRC sans diabète sucré, peu importe l’âge19. Ces recommandations découlent principalement de l’analyse de l’étude interventionnelle sur la tension systolique SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial), qui incluait des patients âgés, et de l’étude sur l’hypertension chez les adultes très âgés HYVET (Hypertension in the Very Elderly Trial), qui regroupait des patients de plus de 80 ans20,21. Les lignes directrices sur l’hypertension de 2021 du groupe de travail international KDIGO (Kidney Disease: Improving Global Outcomes) préconisaient un abaissement intensif de la TA (systolique < 120 mm Hg), peu importe le statut diabétique et l’âge22. Cependant, la prudence est de mise chez les patients âgés; ces lignes directrices reconnaissent les limites des données concernant l’abaissement de la TA chez les patients de plus de 75 ans22. Les personnes très fragiles, exposées à un risque accru d’hypotension posturale et de chute, bénéficieraient de cibles de TA moins strictes20,21. L’analyse post hoc de l’essai SPRINT a fait état d’un risque d’effets indésirables accru chez les patients ayant une TA diastolique plus basse23.
De même, la maîtrise glycémique doit être adaptée aux caractéristiques des patients. Les lignes directrices de Diabète Canada de 2018 recommandent d’ajuster les cibles d’hémoglobine glyquée (HbA1c) en fonction du degré de fragilité: viser une HbA1c de 7,1 % à 8,5 %, en évitant les valeurs glycémiques extrêmes, chez les personnes atteintes de démence est une stratégie envisageable24. Pour la plupart des autres patients âgés, l’objectif devrait être une HbA1c de 7,5 % à 9,0 %25.
La prise de statine réduit le nombre d’incidents cardiovasculaires et la mortalité chez les patients âgés, mais cet effet se trouve atténué, voire annulé, après 85 ans26. En cas de myopathie, il faut envisager de réduire la dose de statine26. Étant donné le risque d’effets indésirables musculosquelettiques qui leur sont attribués, il est prudent de retarder les statines chez les patients dénutris présentant déjà un risque de sarcopénie et de chutes26.
Considérations particulières pour les adultes âgés atteints d’IRC
Prise en charge des électrolytes
L’hyperkaliémie est un problème important chez les personnes âgées atteintes d’IRC, surtout si elles prennent des inhibiteurs du SRAA. Un taux de potassium de 6,0 mmol/L ou plus justifie une évaluation et une intervention urgentes27. Si le taux de potassium se maintient entre 5,4 et 6,0 mmol/L de façon chronique, le médecin devrait envisager une évaluation de l’apport alimentaire en potassium, un ajustement des doses d’inhibiteurs du SRAA et, ultimement, la prescription de chélateurs du potassium oraux27. On utilise depuis longtemps le sulfonate de polystyrène sodique pour réduire le taux de potassium, mais il est associé à un faible risque de nécrose intestinale, particulièrement s’il est pris avec du sorbitol28. Récemment, de nouveaux chélateurs du potassium (cyclosilicate de zirconium sodique et patiromer) ont fait leur entrée sur le marché canadien. Il a été démontré que ces agents sont plus sûrs et efficaces pour la prise en charge du potassium, en plus de permettre le maintien des inhibiteurs du SRAA et de lever les restrictions alimentaires27.
Une cause fréquente et traitable d’hyperkaliémie chez les adultes âgés est la constipation29. Les laxatifs osmotiques, comme le lactulose et le polyéthylène glycol, sont sûrs lorsqu’on les administre avec circonspection chez ces patients, et peuvent faciliter l’excrétion du potassium, avec ou sans chélateurs29. Les lavements à base de sorbitol et de phosphate sont à éviter, et les laxatifs à base de magnésium doivent être utilisés avec prudence, compte tenu du risque d’hypermagnésémie27. Les agents plus récents, comme les agents sécrétagogues (linaclotide et lubiprostone), sont moins souvent utilisés, mais ils sont sûrs et efficaces pour les personnes atteintes d’IRC et peuvent également faciliter l’excrétion du phosphate27.
Des stratégies comme la restriction du potassium alimentaire et la prise de diurétiques peuvent avoir d’importants effets indésirables chez les personnes âgées. Les régimes restrictifs peuvent entraîner une malnutrition, et les diurétiques accroissent le risque d’IRA par hypovolémie et dérèglement des électrolytes, par exemple l’hyponatrémie. Chez les patients fragiles, on peut envisager d’arrêter les inhibiteurs du SRAA plutôt que d’ajouter des médicaments si l’on veut rectifier l’équilibre électrolytique.
Anémie et IRC
L’anémie est fréquente chez les personnes atteintes d’IRC avancée (stades 4 et 5). L’anémie liée à l’IRC est causée par une carence relative en érythropoïétine; il s’agit d’un diagnostic d’exclusion30. Les symptômes de l’anémie, comme la fatigue, la dysfonction cognitive et la baisse de la tolérance à l’effort, peuvent être particulièrement marqués chez les patients âgés31. La carence en fer, due à une piètre absorption et à la malnutrition, est également fréquente. Le diagnostic de carence en fer repose sur une interprétation nuancée des résultats du taux de ferritine et du pourcentage de saturation de la transferrine (tableau 1). Précisons que les taux de ferritine sont souvent élevés chez les personnes atteintes d’IRC, et qu’il s’agit d’un paramètre de faible sensibilité s’il est question d’écarter une carence en fer32. Des suppléments de fer devraient être prescrits si nécessaire. Les néphrologues peuvent prescrire un agent stimulant l’érythropoïèse pour atteindre un taux d’hémoglobine de 100 à 110 g/L32. Des cibles plus élevées peuvent être fixées chez les patients dont la survie est limitée; il faut alors composer avec un risque faible de thrombose et d’AVC.
Ostéoporose et santé osseuse
Il est important de tenir compte de la santé osseuse chez les patients âgés atteints d’IRC. Les personnes atteintes d’IRC de stade 5 présentent souvent une hyperparathyroïdie secondaire, ce qui accroît le risque de fractures de fragilité33. Les données ne permettent pas de déterminer avec certitude la meilleure méthode de supplémentation de la vitamine D34. L’hyperphosphatémie est fréquente en présence d’IRC, mais le bien-fondé de la réduction du taux de phosphate chez les patients âgés ne fait pas consensus. Limiter l’apport en protéines peut entraîner une dénutrition et aggraver la fragilité35. Quant aux chélateurs du phosphate oraux (p. ex., carbonate de calcium), ils peuvent permettre de lever les restrictions alimentaires, mais leur prescription accroît le fardeau pharmacologique, et ils peuvent causer de la constipation. La prise d’un médicament antirésorptif, comme les bisphosphonates ou le dénosumab, est relativement contre-indiquée et ne doit être envisagée que moyennant un ajustement des doses, après discussion avec des spécialistes de la néphrologie et de l’ostéoporose36.
Objectifs de planification des soins
Les patients et leurs proches devraient être bien renseignés au sujet des avantages et inconvénients de la dialyse et participer à une prise de décision partagée. Face à l’IRT, les objectifs des soins doivent tenir compte des valeurs et des préférences des patients37.
Les personnes atteintes d’IRT développent des symptômes associés à l’urémie comme la fatigue et la surcharge volémique38. La transplantation rénale s’accompagne d’avantages substantiels sur le plan de la survie chez les patients âgés39, mais n’est pas toujours une option viable pour les patients fragiles qui ont une espérance de vie limitée. Même si la dialyse peut améliorer la survie et soulager les symptômes, ses avantages sont modestes chez les personnes âgées et fragiles, sans compter qu’elle peut être associée à une réduction considérable de leur autonomie et de leur qualité de vie40. Au Canada, les personnes atteintes d’IRT âgées de plus de 70 ans ont une probabilité de survie à 1 et 5 ans de 76 % et de 28 %, respectivement41. Les personnes sous dialyse éprouvent des symptômes importants: fatigue, douleurs, crampes musculaires, insomnie et atteintes cognitives42. Les patients âgés et fragiles pourraient mieux tolérer certaines modalités administrées à domicile, comme la dialyse péritonéale, associée à un risque moindre d’hypotension comparativement à l’hémodialyse et accessible avec le soutien d’une équipe de soins infirmiers à domicile42.
Une prise en charge conservatrice de l’insuffisance rénale, sans dialyse, est envisageable chez les patients atteints de multiples comorbidités et présentant un degré élevé de fragilité43. Les objectifs sont de prendre en charge les symptômes et d’éviter des traitements effractifs ou causant de l’inconfort qui n’améliorent pas significativement la survie (tableau 3)43. L’utilisation d’outils pronostiques comme les échelles de fragilité permet de repérer les personnes les plus susceptibles de bénéficier d’une telle prise en charge (encadré 3)43. Des partenariats avec les services de soins palliatifs peuvent faciliter la transition vers les soins de fin de vie à mesure que les symptômes d’urémie s’aggravent43.
Encadré 3: Approche de prise de décision partagée chez les adultes âgés atteints d’insuffisance rénale chronique avancée
Explorer les objectifs de soins pour l’insuffisance rénale chronique37
Nommer une personne mandataire
Explorer les objectifs, les souhaits et les valeurs
Explorer les limites
Explorer le contexte culturel
Utiliser des outils pronostiques
Identifier les patients qui pourraient bénéficier d’une prise en charge conservatrice
Échelle de fragilité clinique de Rockwood44
Échelle de rendement palliatif45
Index de performance de Karnofsky46
Question surprise: Est-ce que cela vous surprendrait si la personne malade était toujours vivante dans 6 mois37?
Donner de l’information sur le pronostic aux patients peu susceptibles de bénéficier de la dialyse (réduction de la qualité de vie, avantage de survie limité)37
Intégrer les objectifs et les valeurs des patients dans leur plan de traitement
Transplantation
Dialyse
Options à domicile, comme l’hémodialyse et la dialyse péritonéale
Hémodialyse en centre
Prise en charge conservatrice de l’insuffisance rénale
Conclusion
L’insuffisance rénale chronique chez la population âgée est associée à une morbidité substantielle1. L’adoption d’une approche centrée sur la personne est nécessaire pour atteindre un équilibre entre les avantages d’une optimisation cardiovasculaire et les risques d’effets indésirables et de polypharmacie. L’outil pronostique SRR peut aider les médecins à cibler les personnes présentant un risque élevé qui ont besoin d’une prise en charge plus intensive14. Chez les patients âgés, la prise en charge doit intégrer des compétences gériatriques. Lorsqu’ils comprennent mieux comment les patients âgés vivent l’IRC, les médecins de premier recours et les néphrologues peuvent appliquer une approche thérapeutique nuancée et holistique qui respecte les objectifs et les valeurs des patients43. La recherche future devra parfaire les connaissances sur les objectifs tensionnels, la prise en charge des symptômes et le traitement optimal des personnes âgées atteintes d’insuffisance rénale terminale qui décident de renoncer à la dialyse (encadré 4).
Encadré 4: Questions sans réponses
Quels sont les seuils et les objectifs tensionnels optimaux chez les adultes âgés atteints d’insuffisance rénale chronique? Quels antihypertenseurs devraient être administrés en première intention chez ces patients?
Le calcul du score de risque rénal (SRR) est-il valide chez les adultes de plus de 90 ans?
Quelles options sont sûres et efficaces pour la prise en charge des symptômes chez les patients âgés atteints d’insuffisance rénale chronique (p. ex., douleurs, prurit, troubles du sommeil, fatigue, dépression)?
Comment l’équipe soignante (médecins de famille, gériatres, spécialistes des soins palliatifs) peut-elle prendre soin optimalement des patients atteints d’insuffisance rénale terminale qui optent pour des objectifs de soins conservateurs?
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Les 2 auteurs ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
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