Même avant que Tim Berners-Lee propose, en 1989, le projet d'hypertexte global maintenant appelé World Wide Web, l'échange électronique de renseignements scientifiques avait déjà commencé à se développer. (Certains d'entre nous se rappelleront même avoir utilisé «gopher».) Lorsqu'en 1993, Berners-Lee et son employeur de l'époque, le CERN, ont mis leur logiciel de liens hypertexte gratuitement à la disposition de tous les utilisateurs, l'échange d'information a explosé. La circulation des bits et des octets s'est accélérée pour atteindre les centaines de milliards de gigaoctets : l'ère de l'Internet était née.
Beaucoup de gens, y compris le rédacteur actuel du journal, ont pris du temps à reconnaître les vastes répercussions de la technologie web et la possibilité qu'offrait un accès «ouvert et gratuit» de transformer les habitudes et les attentes de l'édition scientifique. La distribution de nouveaux résultats peut maintenant être instantanée et mondiale, et l'étendue de la collaboration et de l'enrichissement mutuel, sans limite. Les mesures de l'influence changent aussi. Ce n'est pas seulement ce que vous publiez et où vous le faites qui compte dans une carrière scientifique : ce sont la diffusion et l'adoption rapides des résultats par un collectif de chercheurs de plus en plus mondialisé.
Il existe des revues et journaux critiqués par les pairs depuis les années 1660 (Philosophical Transactions de la Royal Society a été le premier journal scientifique de langue anglaise). Pendant presque trois siècles et demi, les méthodes de publications savantes n'ont essentiellement par changé : les journaux paraissaient à divers intervalles, étaient distribués à un nombre limité d'abonnés et de bibliothèques, et lus par ceux qui en avaient les moyens. À l'aube du XXIe siècle, 75 % des journaux savants étaient toutefois disponibles en ligne et sur support papier, et plus de 1000 journaux critiqués par les pairs étaient publiés uniquement en ligne1. Principal moyen de trouver des publications en sciences de la santé, MEDLINE est devenu ouvert et gratuit en 1997. Le JAMC a commencé à publier une version en ligne au milieu de 1995, même si elle contenait une partie seulement du journal imprimé. En 1999, le JAMCél, «copie» intégrale, consultable et dotée d'hyperliens de la version imprimée, a été affiché en ligne et mis gratuitement à la disposition de tous les utilisateurs. Nous avons maintenant rebaptisé cette version électronique JAMC.ca, même si ce n'est pas sans nostalgie que nous voyons disparaître le petit «él» de la fin enthousiaste des années 1990.
Les versions imprimée et électronique ont commencé presque dès le début à diverger sur le plan du contenu, du lectorat et (compte tenu de la capacité d'affichage rapide) de la fréquence de publication. La version papier est envoyée par la poste à quelque 65 000 destinataires et 90 % des particuliers abonnés sont membres de l'AMC. Environ 250 000 «hôtes distincts» — terminaux d'ordinateurs qui comptent un ou plusieurs utilisateurs — produisant de 1,5 à 2 millions de «pages visualisées» (visites) par mois consultent JAMC.ca. Environ le tiers de nos lecteurs en ligne sont Canadiens et les autres nous consultent de 113 différents pays. Seulement 31 % de nos lecteurs en ligne sont médecins.
Nous avons décrit les modifications de la version imprimée du JAMC dans l'éditorial du dernier numéro2. Même si la version électronique ne contenait qu'une partie de la version imprimée il y a 10 ans, sont contenu dépasse maintenant celui de la version imprimée. C'est particulièrement vrai dans le cas des articles de recherche, dont la version électronique comprend une section détaillée sur les méthodes, des tableaux et des graphiques supplémentaires, des annexes et divers documents additionnels se rapportant aux données, offerts en ligne seulement, comme des questionnaires de sondage, des clips vidéos, des éléments graphiques animés et du matériel audio.
Au cours de la prochaine année, nous prévoyons que les modifications des versions imprimée et électronique se poursuivront : nous rendrons la version imprimée plus facile à lire et à parcourir. Il sera plus facile d'effectuer des recherches dans la version électronique, d'en extraire les documents et de suivre des hyperliens vers d'autres sources. Nous augmenterons modestement les effectifs de la rédaction pour relever ces défis (voir page 1210).
La version électronique du JAMC améliorera aussi les services que la rédaction offre aux auteurs. L'adoption d'un système de suivi des manuscrits en ligne a évidemment encouragé plus d'auteurs à présenter des communications et a aussi ramené à 31 jours à peine le temps écoulé entre la présentation et la première décision sur le manuscrit (ce qui comprend l'examen critique par les pairs). Au cours des 12 prochains mois, outre le suivi rapide de toutes les études contrôlées randomisées, nous publierons en ligne, avant l'édition imprimée, autant d'articles que notre personnel et nos budgets nous le permettront, ce qui raccourcira l'intervalle écoulé entre l'acceptation des articles, la publication et l'affichage dans PubMed.
Ces changements ont d'importantes répercussions commerciales. Même si une version électronique coûte moins cher comme ajout à la version imprimée, les coûts moyens qu'entraînent pour la rédaction le traitement, la sollicitation et la révision des textes ne sont pas moindres. Pour le moment, ces coûts sont payés presque exclusivement par la publicité qui paraît dans le journal imprimé (annonces de sociétés pharmaceutiques et petites annonces). Même si nous ne prévoyons pas que le lectorat de la version imprimée diminuera à court terme, nous devons trouver d'autres modèles économiques pour la publication électronique à accès libre, comme les abonnements, les frais imposés aux auteurs et aux établissements, les dons philanthropiques, les subventions gouvernementales et une combinaison de tous ces moyens.
Suivre le rythme de l'évolution des nouvelles technologies de communication scientifique n'est pas une mince affaire, mais il s'impose de le faire, sinon l'obsolescence nous guette. — JAMC