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Une frite avec votre angioplastie?» Ce n'est malheureusement pas aussi invraisemblable qu'on pourrait l'imaginer. Même si les hôpitaux sont aux premières lignes de la prestation des soins médicaux, de la promotion de la santé et de l'éducation, la nourriture qu'ils vendent est souvent constituée de versions génériques de malbouffe ou, encore pire, de malbouffe de marque. En dépit du rôle incontestable de la nutrition parmi les plus importants déterminants de la santé1, les appels à la réforme des cafétérias d'hôpital font souvent face à la résistance des administrateurs et même de certains membres des professions paramédicales.
Au cours de dialogues avec des administrateurs d'hôpitaux, nous avons entendu 3 arguments principaux contre la réforme de leurs cafétérias. Tout d'abord, ils affirment qu'ils ne sont pas la «police de l'alimentation». L'hôpital n'a pas à jouer un rôle de contrôle : il doit plutôt être un chef de file des soins de santé. En termes simples, la vente de malbouffe conjuguée à l'absence de solutions de rechange nutritives mine le rôle de l'établissement dans la promotion de la santé. Même si nous ne proposons pas d'obliger les hôpitaux à rendre compte des choix alimentaires qu'ils offrent, nous sommes d'avis qu'ils ont une grande obligation sociétale de prêcher par l'exemple.
Deuxièmement, le public et les établissements sont d'avis que les adultes sont responsables de leurs propres choix alimentaires. Par conséquent, on se demande s'il faudrait obliger les hôpitaux à vendre seulement des aliments bons pour la santé. Même si cet argument a un certain mérite, ce qui est indiscutable, c'est l'obligation de l'hôpital de responsabiliser les consommateurs en fournissant l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés. Malheureusement, la nourriture de restaurant est loin d'être un choix éclairé. Les consommateurs sous-estiment d'un facteur de 2 à 4 la teneur en gras saturés, calories et sodium de la nourriture ordinaire de restaurant2. La présentation d'information exacte sur la nutrition au point de vente améliore toutefois considérablement les choix des consommateurs2. Dans la situation actuelle, comme l'information sur la nutrition disponible à l'hôpital est limitée ou nulle et comme, souvent, on n'offre pas de solutions de rechange nutritives, les hôpitaux ne facilitent pas les choix éclairés.
Il y a enfin la question d'argent. Même si les hôpitaux canadiens comptent moins de comptoirs de restauration rapide que les établissements américains3, la transformation de leurs services de cafétéria en centres de profit pour l'établissement est évidente. Nous avons même entendu prédire que certains programmes des hôpitaux pourraient être menacés si les aliments meilleurs pour la santé ne se vendaient pas. Cet avertissement alarmiste oublie 2 des rôles les plus importants d'un hôpital : sa mission, qui est de promouvoir la santé, et son obligation morale de prêcher par l'exemple. Il y a lieu de mentionner que dans son rapport annuel de 2007, Compass Group, un des chefs file mondiaux du marché des services d'alimentation au détail, y compris dans les hôpitaux, attribue une partie de la montée de ses bénéfices à sa nouvelle convergence sur les programmes d'alimentation santé4.
Même s'il n'y a pas de critères établis pour les bonnes cafétérias d'hôpital, il existe des initiatives santé. L'Hôpital Sutter General de Californie permet de faire des choix éclairés en affichant à l'entrée de la cafétéria de l'information nutritionnelle sur les plats de la semaine. D'autres établissements offrent des choix santé et des menus surtout végétariens, et il existe des programmes «de la ferme à l'hôpital» au Texas, au Vermont, en Caroline du Nord et en Iowa5. Le sondage réalisé par le projet lancé récemment sur les cafétérias d'hôpital bonnes pour la santé au Canada, qu'un de nous (R.S.) a contribué à mettre au point, vise à trouver des exemples canadiens d'initiatives de cette nature6.
Pour nous attaquer au problème, il faudrait qu'il se produise un virage au niveau des valeurs et de la pensée semblable à celui qui s'est produit lorsque les hôpitaux ont cessé de vendre des cigarettes et interdit le tabac sur leur propriété. Aujourd'hui, la majorité de notre population adulte souffre d'embonpoint ou est obèse. Dans cette lutte, notre environnement alimentaire constitue le nouveau champ de bataille. La malbouffe est le nouveau tabac. Maintenant plus que jamais, nous avons l'obligation éthique et médicale de veiller à ce que les hôpitaux jouent un rôle de premier plan en servant des aliments qui reflètent une nutrition fondée sur des données probantes.
C'est pourquoi nous demandons à tous les hôpitaux d'offrir sur-le-champ, en tant que chefs de file des soins de santé dans la communauté, des choix santé et éclairés dans leur cafétéria. Ils devraient à cette fin veiller à offrir des plats savoureux sans gras trans et à faible teneur en calories, sodium et gras saturés, indiquer sur les menus et afficher aux points de vente de l'information nutritionnelle sur tous les aliments. Ces premiers pas dans la réforme des cafétérias aideront les hôpitaux à se recentrer sur la santé et à mettre fin à l'hypocrisie de la grande friture.
Footnotes
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Traduit par le Service de traduction de l'AMC.
Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Paul C. Hébert MD MHSc, Rajendra Kale MD, Matthew B. Stanbrook MD PhD, Barbara Sibbald BJ, Ken Flegel MDCM MSc, Noni MacDonald MD MSc, Amir Attaran LLB DPhil)
Intérêts concurrents : aucuns déclarés pour Yoni Freedhoff ou Rob Stevenson. Voir www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml pour les déclarations des membres de l'équipe de rédaction de l'éditorial.
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