Roy Romanow a ajouté son rapport d'étape sur l'avenir des soins de santé à la pile de documents déjà publiés par les commissions provinciales Fyke, Clair et Mazankowski. [On trouvera des liens vers tous ces rapports et d'autres documents dans nos pages du JAMCél sur la commission Romanow, à l'adresse www.cmaj.ca]. La commission Fyke de la Saskatchewan, berceau de l'assurance-maladie, propose le plus de fermetures d'hôpitaux et de réformes majeures, y compris la création de réseaux de soins primaires dont les budgets seraient intégrés aux districts régionaux de planification de la santé. Au Québec, la commission Clair propose de créer de nouveaux budgets publics pour les soins à domicile, ainsi que des coentreprises entre le régime provincial d'assurance-maladie et l'industrie privée, afin d'améliorer la capacité technologique. En Alberta (tombeau de l'assurance-maladie?), la commission Mazankowski est d'avis qu'il faut ouvrir le «monopole non réglementé» des soins de santé. (Les médecins de l'Alberta pourraient en avoir long à dire au sujet de ce monopole supposément non réglementé. Nous doutons qu'il existe un programme public plus réglementé que la médecine.) Et M. Romanow, qui se dit fédéraliste depuis longtemps et l'est maintenant devenu véritablement, a proposé (on nous pardonnera d'avoir soudain envie de bailler) «des méthodes de gouvernance nouvelles et fondées davantage sur la collaboration».
Il n'aurait peut-être pas fallu nous attendre à des surprises dans ces rapports dont les thèmes — frais d'utilisation, main-d'œuvre professionnelle, soins primaires, listes d'attente, technologie, médicaments — font l'objet d'un martelage presque continu, même depuis la période qui a précédé la publication du rapport de la commission Hall en 1964. Il y en a toutefois eu quelques-unes. M. Mazankowski laisse entendre que l'Alberta (principal producteur de bœuf du Canada) «devrait prendre l'initiative de mettre à jour le guide alimentaire du Canada» — semble-t-il parce que la version actuelle accorde peu d'attention à «la consommation optimale d'aliments comme la viande». (Suit une digression, brève dieu merci, sur la peau de poulet.)
Mais une surprise plus importante, c'est que M. Romanow n'est pas disposé à divulguer ses réflexions provisoires sur ce qui constitue sûrement la partie la plus importante de son mandat, soit le rôle futur du gouvernement fédéral dans l'assurance-maladie. Il est clair que les provinces s'éparpillent dans toutes les directions. Le gouvernement fédéral devrait-il avoir un rôle à jouer dans les soins de santé? Le cas échéant, lequel, et comment la commission Romanow peut-elle créer la volonté politique de le maintenir?
Nous avons déjà indiqué1 que le rôle du gouvernement fédéral, qui a relativement plus les moyens et a accès à la dette, consiste à créer des mécanismes de financement stable. Ainsi, sans compter qu'il garantit les paiements de transfert aux provinces démunies — rôle fédéral que la plupart des Canadiens voudront sûrement préserver — le gouvernement fédéral pourrait créer un fonds d'assurance- maladie afin d'assurer un financement stable en période de ralentissement de l'économie.
L'assurance-maladie a vu le jour au Canada dans un climat d'inquiétude politique énorme. Or, on a oublié depuis tellement longtemps cette inquiétude que nous considérons le régime public d'assurance-maladie universelle comme une expression — en fait, l'expression la plus claire — des valeurs sociales qui nous définissent. Il faut bien entendu nous rappeler que M. Romanow a été un des principaux artisans de l'accord constitutionnel issu de la nuit des longs couteaux en 1981. C'est un négociateur qui cache peut-être son jeu sur l'assurance-maladie pour le moment.
Il sait certainement que sa tâche principale ne consiste pas à résoudre les problèmes des frais d'utilisation, du coût des médicaments ou des listes d'attente : il doit plutôt comprendre les valeurs canadiennes et les formuler de façon à donner à peu de politiciens — provinciaux, fédéraux ou séparatistes — l'envie d'en débattre. — JAMC
Référence
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