Les futurs conducteurs qui suivaient des cours de conduite pendant les années 1970 devaient regarder un film qui les plaçait derrière le volant d'une automobile pour effectuer un parcours simulé dans une ville générique. Cinq minutes après le début du film, la plupart des membres de l'auditoire (et en particulier ceux dont l'espérance de vie était de 75 ans et non de 81) remarquaient une belle femme blonde qui entrait dans leur champ de vision périphérique à droite. Quelques secondes plus tard on entendait un crissement de pneus, une collision et un choc virtuel. Le message : la distraction du conducteur est cause d'erreurs et d'accidents. Gardez les mains sur le volant, les yeux sur la route, et concentrez-vous sur la conduite.
C'est pourquoi on se demande maintenant si l'utilisation du téléphone cellulaire au volant est une cause d'accidents. La question est importante : le taux des nouveaux abonnements à des téléphones cellulaires aux États-Unis dépasse maintenant le taux de natalité national1. On estime que 15 % des automobilistes de Toronto ont un téléphone cellulaire dans leur véhicule2. Ce pourcentage grimpe à 38 % en Finlande3, où 42 % des conducteurs en cause interrogés considèrent qu'ils risquent davantage une collision pendant qu'ils utilisent leur téléphone cellulaire au volant et 25 % ont déclaré porter moins attention à la route et à la circulation pendant qu'ils sont au téléphone3.
Face à de telles statistiques, la question de la sécurité routière et de l'usage du téléphone cellulaire est sans ambiguïté pour certains organismes de réglementation. Le Brésil, l'Australie, Israël et le Portugal ont adopté des lois contre l'utilisation du téléphone cellulaire au volant en se fondant sur l'opinion publique et sur des extrapolations tirées de simulations au volant. D'autres pays sont moins décisifs et s'en remettent à la science plutôt qu'à l'opinion publique.
Il est difficile de répondre à cette question pour les scientifiques et facile de s'y attaquer pour les critiques à la langue déliée et les partisans de l'industrie des télécommunications (voir page 1581). Dans ce numéro, Donald Redelmeier et Robert Tibshirani présentent un compte rendu d'une des études les plus convaincantes réalisées jusqu'à maintenant. Ils se sont servis d'une méthode d'étude de cas croisée pour étudier les dossiers de facturation des services de téléphonie cellulaire des conducteurs victimes d'accident afin de comparer leur comportement au téléphone immédiatement avant l'accident à celui qu'ils avaient pendant une période comparable avant l'accident. Le risque de collision pendant qu'on utilise un téléphone cellulaire était 4 fois plus élevé que pendant les autres périodes1. De même, une étude cas témoin d'envergure limitée pendant laquelle on a comparé l'utilisation du téléphone cellulaire chez 100 conducteurs choisis au hasard (principalement des hommes) qui avaient été impliqués dans un accident de la circulation à celle de 100 témoins qui n'ont pas été victimes d'un accident a démontré que l'utilisation du téléphone cellulaire pendant plus de 50 minutes par mois quadruple statistiquement le risque d'accident comparativement à une utilisation de 50 minutes ou moins par mois4.
Il faut réglementer pour obliger les conducteurs à faire preuve de jugement, car le téléphone cellulaire n'est qu'un début. Les ordinateurs, télécopieurs et écrans vidéos commencent aussi à faire leur apparition au tableau de bord. De toute évidence, il s'impose de réglementer l'utilisation du téléphone cellulaire et d'autres sources de distraction du conducteur.
References
- 1.
- 2.
- 3.
- 4.