Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.230998; voir l’article connexe (en anglais) ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221051
Le nombre d’hospitalisations pour cause de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est en hausse depuis des années au Canada, malgré la chute des taux de tabagisme et de nouvelles stratégies de traitement.
On comprend de mieux en mieux les facteurs de risque comme l’asthme traité de façon insuffisante, les infections respiratoires récidivantes, l’exposition à la pollution de l’air et aux biocombustibles, ainsi que d’autres facteurs socioéconomiques, qui contribuent au fardeau croissant de la MPOC et aux issues les plus défavorables de la maladie.
Des données probantes tendent à démontrer que, lorsque les patients atteints de MPOC reçoivent des soins cohérents et longitudinaux de leurs médecins de premier recours et de leurs médecins spécialistes, leur état de santé s’améliore et le nombre d’hospitalisations non planifiées diminue. Cependant, de nombreux patients n’ont pas accès à des soins optimaux.
Les solutions nécessiteront des approches nouvelles et multifactorielles afin qu’il soit possible d’examiner des facteurs de risque émergents de la MPOC, de remédier aux disparités en matière de sexe et de statut socioéconomique, de faciliter l’accès à des soins spécialisés et d’investir des ressources dans la prévention et la réadaptation.
Une nouvelle étude exposée dans le JAMC attire l’attention sur les taux d’hospitalisation associés à la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) au Canada, une observation qui devrait tirer la sonnette d’alarme parmi les systèmes de santé1. Les exacerbations de la MPOC constituent la deuxième cause en importance d’hospitalisation au Canada, juste derrière les hospitalisations pour les accouchements2. Au Canada, la MPOC touche une fraction impressionnante de la population adulte (10 %) et près de 1 personne sur 5 parmi celles de plus de 70 ans3. Par ailleurs, cette maladie demeure grandement sous-diagnostiquée, ce qui donne à penser que ses répercussions cliniques et économiques actuelles sont encore plus profondes4.
En évaluant une base de données sur les congés hospitaliers à l’échelle du pays, Amegadzie et ses collègues1 ont observé une augmentation moyenne de 1,2 % par année du taux d’hospitalisation pour cause de MPOC dans l’ensemble du Canada entre 2002 et 2017 et de 9,6 % au total, après normalisation selon l’âge et le sexe, alors que les taux d’hospitalisation pour toutes causes confondues diminuaient. Pour quelle raison les taux d’hospitalisation motivés par la MPOC s’accroissent-ils alors que le nombre d’hospitalisations en général diminue?
Malgré la diminution des taux de tabagisme, la prévalence de la MPOC continue de s’accroître au Canada. Que la prévalence croissante ne soit pas uniquement l’effet de la survie prolongée des patients plus âgés atteints de MPOC, mais aussi celui de l’augmentation des cas de MPOC chez les jeunes adultes est particulièrement inquiétant5. La diminution de la mortalité hospitalière observée par les auteurs de l’étude connexe semble indiquer que les nouvelles stratégies de traitement chez les patients atteints de MPOC peuvent prolonger la vie, ce qui entraîne de possibles réhospitalisations au cours de la vie. Alors que les patients âgés atteints de MPOC vieillissent, ils sont particulièrement susceptibles de souffrir de troubles concomitants additionnels, qui peuvent aussi contribuer à des consultations à l’hôpital pour des affections multifactorielles6.
Par ailleurs, on comprend de mieux en mieux que des facteurs de risque autres que l’usage du tabac — dont l’asthme traité de façon insuffisante, les infections respiratoires récidivantes et l’exposition à la pollution de l’air et aux biocombustibles — contribuent au fardeau croissant de la MPOC7. Bien que les données épidémiologiques canadiennes portant sur la MPOC chez les personnes n’ayant jamais fumé soient peu nombreuses, des estimations générales tendent à démontrer que 30 % des cas de MPOC se manifestent chez des non-fumeurs8. Compte tenu de l’aggravation des changements climatiques et de leurs conséquences sur la qualité de l’air, de la prévalence croissante de l’asthme et de l’augmentation des migrations à l’échelle mondiale, il est possible que l’accroissement du fardeau de la MPOC non liée au tabagisme contribue aussi à cette tendance.
En analysant leurs données selon l’âge et le sexe, Amegadzie et ses collègues1 ont recueilli des indices importants sur les personnes pouvant contribuer aux hospitalisations pour cause de MPOC. Les taux d’hospitalisation étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes en général, mais un accroissement des hospitalisations a aussi été observé chez des patients plus jeunes (âge < 65 ans) atteints de MPOC, peu importe le sexe, alors que le nombre d’hospitalisations n’a augmenté que chez les femmes parmi les patients plus âgés. La prévalence de la MPOC est équivalente chez les hommes et chez les femmes au Canada, malgré l’impression générale selon laquelle la MPOC est une maladie d’hommes ayant fait usage du tabac9. Des éléments de preuve de plus en plus nombreux semblent indiquer que les femmes sont davantage prédisposées à des manifestations précoces de la MPOC10, qu’elles présentent des symptômes plus graves au cours de leur vie11 et qu’elles sont moins susceptibles de se voir poser le bon diagnostic ou d’être orientées vers des soins spécialisés, ce qui peut contribuer à un traitement insuffisant et à une prise en charge inadéquate des symptômes12.
L’importance des déterminants sociaux de la santé sur le fardeau croissant de la MPOC ne doit pas être ignorée. Les données provenant de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) démontrent que les taux d’hospitalisation étaient 5,7 fois plus importants chez les patients atteints de MPOC situés dans le quintile du revenu le plus faible que chez ceux situés dans le quintile du revenu le plus élevé, entre 2011 et 2015, un écart qui s’élargit avec les années13. Un statut socioéconomique moins élevé a été associé avec un taux accru de réhospitalisation en lien avec la MPOC14. L’observation peut être le reflet de différences liées à l’usage du tabac, à des expositions professionnelles, à l’accès aux soins de santé et aux coûts des traitements de la MPOC, car un faible statut socioéconomique a aussi été associé avec un nombre moindre d’ordonnances d’inhalateurs à action prolongée15. Des données portent aussi à croire que les patients dont la maîtrise de l’anglais est limitée font face à des obstacles pour obtenir une prestation de soins adéquate; en effet, une étude canadienne a démontré que les patients atteints de MPOC ayant une maîtrise limitée de l’anglais étaient plus susceptibles d’être hospitalisés de nouveau16. Bref, en matière de soins contre la MPOC, les systèmes de soins de santé au Canada ne répondent pas aux besoins des personnes les plus vulnérables de la société.
Certaines nouvelles sont quand même encourageantes: des études tendent à démontrer que, lorsque les patients atteints de MPOC reçoivent des soins cohérents et longitudinaux de leurs médecins de premier recours et de leurs médecins spécialistes, leur état de santé s’améliore et le nombre d’hospitalisations non planifiées diminue17. Cependant, de nombreux patients n’ont pas accès à un médecin de famille ou éprouvent des difficultés à accéder à des soins en temps opportun. De plus, une étude portant sur l’ensemble des patients atteints de MPOC en Ontario a démontré que seuls 10 % d’entre eux ont été orientés vers un pneumologue18. Parmi un sous-groupe de patients hospitalisés pour cause de MPOC, 70 % d’entre eux n’ont pas obtenu de consultation avec un médecin spécialiste.
Le manque de ressources à l’échelle du système demeure un obstacle à la prestation de soins de qualité en lien avec la MPOC. Malgré les recommandations des comités consultatifs provinciaux sur la qualité des soins, les interventions non pharmacologiques qui ont fait leurs preuves pour améliorer la qualité de vie et diminuer les taux de réhospitalisation — dont des programmes d’abandon du tabac et de réadaptation pulmonaire — ne disposent pas des ressources nécessaires pour répondre à la demande de la patientèle actuelle au Canada.
Les observations présentées dans l’étude ici exposée sont importantes. À mesure que la prévalence de la MPOC augmente parmi les populations au Canada, le fardeau que représente cette maladie pour les hôpitaux ira en s’accroissant si une profonde mutation de la prestation des soins liés à la MPOC n’est pas mise en place. Les solutions nécessiteront des approches nouvelles et multifactorielles afin qu’il soit possible d’examiner des facteurs de risque émergents de la MPOC, de remédier aux disparités en matière de sexe et de statut socioéconomique, de faciliter l’accès à des soins spécialisés et d’investir des ressources dans la prévention et la réadaptation. Sans des actions soutenues et coordonnées, les systèmes de santé ne pourront toujours pas répondre aux besoins des patients atteints de MPOC au Canada.
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été commandé et n’a pas été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Alina Blazer et Matthew Stanbrook ont contribué à l’élaboration et à la conception du travail. Alina Blazer a rédigé le manuscrit. Les 2 auteurs ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important du manuscrit; ils ont donné leur approbation finale à la version à publier et ils endossent l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Avis de non-responsabilité: Matthew Stanbrook est rédacteur adjoint du JAMC, mais il n’a pas participé au processus de prise de décision relatif à l’article.
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