Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221652; voir les articles connexes ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202384-f, www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220604-f et www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220789-f
Les diagnostics génétiques chez les adultes sont souvent retardés, parfois d’une dizaine d’années ou plus.
Un diagnostic génétique doit être soupçonné dès que l’un des facteurs suivants est présent : multiples visites à l’hôpital et épreuves diagnostiques ne révélant aucune pathologie unificatrice, réponse atypique à un traitement classique, multiples diagnostics en apparence sans lien avec les antécédents personnels ou familiaux, maladie inhabituelle chez un patient appartenant à un groupe démographique donné, ou absence des facteurs de risque habituels dans un tableau clinique donné.
Diagnostiquer une maladie génétique est désormais plus facile grâce à l’accessibilité accrue de tests génétiques remboursés par les régimes publics et aux équipes de première ligne qui peuvent prescrire des analyses ciblées avec l’appui des lignes directrices ou de spécialistes en génétique.
La disponibilité croissante des traitements et les modes de prise en charge ciblés soulignent la nécessité de créer un cadre viable pour les services génétiques afin de mieux servir la patientèle porteuse de troubles génétiques non diagnostiqués au Canada et aideraient à remplir la promesse d’une médecine personnalisée.
Les adultes atteints de troubles génétiques non diagnostiqués attendent en moyenne 19 ans avant de recevoir une explication à leurs symptômes et un traitement ciblé1. Récemment, 3 rapports de cas concernant des maladies génétiques rares publiés dans le JAMC ont illustré ce problème : porphyrie aiguë intermittente2, oedème de Quincke héréditaire3 et fièvre méditerranéenne familiale4. Ces rapports de cas mettent en lumière 5 situations cliniques clés qui devraient inciter les médecins à demander des analyses génétiques.
Il faut soupçonner une maladie génétique dès que l’on observe l’un ou l’autre des éléments suivants : multiples visites à l’hôpital et épreuves diagnostiques ne révélant aucune pathologie unificatrice, réponse atypique à un traitement classique, multiples diagnostics en apparence sans lien avec les antécédents personnels ou familiaux, maladie inhabituelle chez un patient appartenant à un groupe démographique donné, ou absence des facteurs de risque habituels dans un tableau clinique donné.
Les 3 cas présentés ont consulté à plusieurs reprises le service des urgences et d’autres milieux de soins, sans qu’une pathologie unificatrice ne puisse être dégagée2–4. Dans 2 des cas, une hospitalisation a été nécessaire3,4, dont l’une a duré plus de 2 mois4. La réponse au traitement classique a été sous-optimale et les symptômes ont persisté jusqu’à ce que le diagnostic correct soit posé2–4. Même s’il est parfois compliqué de distinguer les troubles génétiques des troubles fonctionnels pour lesquels les épreuves diagnostiques ne seraient pas concluantes, la présence de signes cliniques anormaux et persistants, comme des signes vitaux anormaux, des marqueurs cliniques inexpliqués et la persistance de signes objectifs à l’examen physique peuvent faciliter cette distinction2–4.
Il faut particulièrement soupçonner un diagnostic génétique sous-jacent chez l’adulte qui a des antécédents de diagnostics apparemment distincts affectant plusieurs systèmes et organes, et encore davantage quand la personne appartient à un groupe démographique chez lequel une maladie particulière est atypique ou en l’absence des facteurs de risque habituels1–4. Dans l’un des cas présentés, des diagnostics initiaux erronés d’appendicite, de pancréatite et de cholécystite auraient été posés alors qu’il n’y avait pas de facteurs de risque4. Des résultats atypiques à l’imagerie ou aux analyses de laboratoire et l’absence de pathologies prévisibles viennent étayer la possibilité d’un diagnostic génétique unificateur. En outre, avec le diagnostic préexistant de syndrome d’Ehlers–Danlos de type hypermobile4, il aurait été raisonnable d’instaurer une évaluation génétique complète, compte tenu des fièvres récurrentes atypiques de la patiente.
Même si les antécédents familiaux ne sont pas toujours informatifs, l’identification des membres de la famille qui ont des problèmes cliniques similaires peut non seulement orienter le diagnostic génétique, mais aussi permettre un dépistage chez les autres membres à risque de la famille. Les antécédents familiaux n’ont pas été fortement invoqués dans les rapports de cas relatifs à l’oedème de Quincke héréditaire3 ou à la fièvre méditerranéenne familiale4, même s’il s’agit de maladies autosomiques dominantes, mais ils ont joué un rôle central dans le cas de porphyrie aiguë intermittente, alors qu’un des grands-parents présentait des troubles urinaires distinctifs2. Pour les familles atteintes ou présumées atteintes de troubles génétiques, GeneReviews (https://genereviews.org/) offre des résumés détaillés concernant une grande variété de ces troubles, y compris de l’information sur le diagnostic et la prise en charge.
La découverte de la cause génétique des 3 cas rapportés a permis d’améliorer leur prise en charge et de réduire le recours aux soins de santé en plus de fournir l’immense avantage d’un diagnostic confirmé. Diagnostiquer une maladie génétique chez l’adulte est à présent plus facile grâce à l’accessibilité croissante des analyses génétiques remboursées par les régimes publics. Les médecins de première ligne peuvent souvent demander des analyses ciblées, comme des panels de séquençage, plus accessibles. Les options de séquençage à l’échelle du génome (p. ex., exome ou génome entiers) sont de plus en plus proposées face à des cas complexes5, même si les critères d’admissibilité varient d’une province à l’autre. Le type approprié d’analyse génétique (c.-à-d., analyse ciblée ou à l’échelle du génome) dépend du tableau clinique. Si les critères cliniques orientent vers un diagnostic génétique ou si des caractéristiques typiques coïncident avec un syndrome reconnaissable (p. ex., cardiomyopathie hypertrophique, petite stature, troubles d’apprentissage évocateurs d’un syndrome de Noonan), des analyses génétiques ciblées sont plus appropriées. En l’absence d’un syndrome reconnaissable ou pour lequel des épreuves ciblées n’ont pas permis d’arriver à un diagnostic, un séquençage génétique du génome entier est à privilégier6.
Avec la popularité croissante du séquençage du génome entier au Canada, les compétences des spécialistes de la génétique (généticiens et généticiennes ou conseillers et conseillères en génétique) portent désormais sur l’interprétation des résultats et la complexité de la prise en charge6. Les équipes de première ligne planifient de plus en plus des analyses génétiques ciblées, avec l’appui de conseillers et conseillères en génétique ou en appliquant les lignes directrices appropriées pour le cancer du sein, de l’ovaire, de la prostate, du pancréas et du côlon ou pour chercher les causes d’un retard de développement7,8. Cela permet de poser plus de diagnostics et les spécialistes en génétique peuvent ainsi se concentrer sur la prise en charge des cas complexes.
Les causes génétiques se doivent d’être considérées chez les adultes qui présentent l’une ou l’autre des situations cliniques clés résumées ici et une consultation auprès d’un service de génétique s’impose pour déterminer quelles sont les étapes suivantes lors de consultations formelles ou virtuelles9. En cas d’incertitude, on peut se tourner vers le site Online Mendelian Inheritance of Man (https://omim.org/) pour rechercher les diagnostics génétiques potentiels selon les résultats des épreuves d’imagerie et des analyses cliniques et pour étayer la demande de consultation. D’autres ressources en ligne, comme le Centre d’éducation en génétique canadien — Connaissances organisées (https://geneticseducation.ca/), offrent des renseignements sur les maladies génétiques courantes et une liste complète des centres de consultation en génétique au Canada où il est possible de consulter.
Un séquençage proactif du génome aurait permis de poser un diagnostic définitif dans les cas présentés ici, mais appliquer d’emblée ce type d’approche nécessiterait une refonte des modèles de soins et plus d’investissement dans les infrastructures de médecine génétique pour intégrer les analyses, mesurer leur rendement et accroître la littératie génétique des autres disciplines10. La disponibilité croissante des traitements et les modes de prise en charge ciblés soulignent la nécessité de créer un cadre viable pour les services génétiques afin de mieux servir la patientèle porteuse de troubles génétiques non diagnostiqués au Canada et aideraient à remplir la promesse d’une médecine personnalisée.
Footnotes
Intérêts concurrents : Aucun déclaré.
Cet article a été commandé et a été révisé par des pairs.
Contributeurs: Les 2 autrices ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; elles ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
This is an Open Access article distributed in accordance with the terms of the Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0) licence, which permits use, distribution and reproduction in any medium, provided that the original publication is properly cited, the use is noncommercial (i.e., research or educational use), and no modifications or adaptations are made. See: https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/