L’Organisation mondiale de la Santé a publié la Liste de contrôle pour la sécurité chirurgicale (LCSC) en 2008 afin d’améliorer la sécurité des soins chirurgicaux et anesthésiques, et l’Institut canadien pour la sécurité des patients l’a adaptée à la pratique canadienne.
La liste de l’Institut comprend 3 étapes: « Instructions », « Pause » et « Retour sur l’intervention », chacune correspondant à des étapes importantes d’une intervention chirurgicale.
Les étapes « Instructions » et « Pause » sont rattachées à un acte clinique; par contre, l’étape « Retour sur l’intervention » n’est pas rattachée à un moment précis et n’est pas toujours prise en compte.
Dans le modèle actuel de la liste de vérification, l’étape « Retour sur l’intervention » ne permet pas d’évaluer la sécurité du réveil du patient, l’étape la plus critique de l’anesthésie.
Nous proposons d’améliorer la liste de vérification de la sécurité chirurgicale afin de prendre en compte de manière adéquate le réveil postanesthésique.
Dans le contexte de sa campagne « Une chirurgie plus sûre pour épargner des vies », l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié en 2008 la Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale (LCSC) pour remédier aux problèmes importants en la matière et au manque de communication entre les membres de l’équipe chirurgicale1. En s’inspirant de la liste de l’OMS, l’Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP) a élaboré en 2009 sa propre liste de vérification en 19 points, pour l’adapter aux normes de soins canadiennes et établir une base pour les pratiques locales2 (accessible en anglais à l’adresse https://www.patientsafetyinstitute.ca/fr/toolsresources/pages/surgicalsafety-checklist-resources.aspx). De janvier à juin 2021, cette liste de vérification a été remplie dans le cadre de 98,5 % des chirurgies réalisées en Ontario3. Les listes de vérification chirurgicales ont indéniablement amélioré la sécurité lors des interventions, mais omettent toutefois un élément essentiel du continuum chirurgical puisqu’on les remplit avant la sortie du patient du bloc opératoire. Nous proposons ici d’y ajouter un élément — le réveil postanesthésique — afin de renforcer la sécurité du patient.
Cette liste s’inspire des listes de contrôle du transport aérien remplies par les pilotes au cours des différentes étapes d’un vol: prévol, décollage, approche et atterrissage. On y retrouve donc des étapes analogues. Comme pour l’étape « Prévol », on remplit la liste de vérification « Instructions » lors de l’entrée du patient dans la salle d’opération, pour confirmer son identité, l’intervention chirurgicale et le point d’incision. L’étape « Pause » précède immédiatement l’incision. Analogue à l’étape de roulement au sol et de décollage au cours d’un aéronef, c’est la dernière occasion d’examiner le champ opératoire et l’intervention prévue et d’anticiper les événements critiques. L’étape finale, ou « Retour sur l’intervention », correspond à l’étape d’atterrissage d’un aéronef, et elle intervient avant ou pendant la sortie du patient de la salle d’opération1. Cette étape couvre différents volets: examen de l’intervention, événements peropératoires importants, gestion des fluides, décompte des instruments, étiquetage et gestion des prélèvements ainsi que plans de rétablissement, y compris ventilation postopératoire, soulagement de la douleur et température2. Trois questions finales sont alors posées: « Changements de la destination postopératoire? », « Préoccupations primordiales au sujet du suivi postopératoire et comment y remédier? » et « Aurait-on pu faire autre chose pour que cette intervention ait été plus sécuritaire ou plus efficace? »2.
Il faut remplir l’étape du retour sur l’intervention « avant que le patient ne quitte la salle d’opération1,2». Contrairement aux étapes « Instructions » ou « Pause », qui surviennent à un point précis dans le temps, il est possible de remplir cette section à tout moment précédant la sortie de la salle d’opération, y compris avant le réveil du patient. Une telle façon de faire comporte des risques en matière de communication des événements critiques pendant l’étape de réveil.
En raison de l’augmentation des risques de complications au cours de l’étape finale de l’anesthésie4,5, remplir la section de retour sur l’intervention lorsque le patient n’est pas encore complètement réveillé équivaut à confirmer un atterrissage sécuritaire alors que l’avion amorce l’approche finale. Si l’étape « Retour sur l’intervention » consiste à confirmer la sécurité de tout le parcours peropératoire du patient, il est illogique de s’interroger sur ce qui aurait pu renforcer la sécurité et l’efficacité de l’intervention2 avant le réveil du patient.
Les travaux portant sur l’amélioration de la qualité démontrent que, parmi les 3 étapes de vérification de la sécurité, c’est lors du retour sur l’intervention que la conformité est la plus déficiente6,7. Le personnel, fréquemment pris par d’autres priorités cliniques, ignore souvent le moment et le lieu où faire ce retour6,7. Pour renforcer l’observance et la fiabilité et éliminer l’ambiguïté quant au moment approprié, le Réseau universitaire de santé de Toronto — le plus important réseau d’organismes de recherche en santé et d’hôpitaux universitaires du Canada — a récemment apporté des changements à sa propre liste de vérification. Au lieu d’exiger le retour sur l’intervention avant la sortie du bloc opératoire, la nouvelle liste définit le moment clinique pour le réaliser, soit avant la suture de la plaie. Néanmoins, une telle modification fait fi des événements indésirables lors du réveil, réduisant ainsi l’intérêt de la liste en tant qu’outil de saisie et de communication systématiques d’informations essentielles tout au long du parcours chirurgical d’un patient.
Pour saisir les données concernant le réveil postanesthésique, 2 modifications de cette liste sont à évaluer. La première consiste à étoffer la liste pour inclure une quatrième et dernière étape, la « Conclusion », qui survient après le réveil du patient, au moment où les équipes chirurgicales, d’anesthésie et de soins infirmiers peropératoires sont à même d’évaluer la sécurité de toute l’intervention. Les réponses aux questions portant sur le réveil et la sécurité globale seront alors précises et fiables. L’ajout d’une quatrième étape à la liste de vérification complexifie cependant le processus et risque d’être considéré comme une surcharge de travail, ce qui pourrait nuire à l’adhésion du personnel du bloc opératoire6,8. Néanmoins, cet ajout — qui prévoit un bilan avec le chirurgien ou la chirurgienne, le personnel infirmier de bloc et l’anesthésiste dans l’unité de soins postanesthésiques — a été associé à des améliorations en matière d’observance, de présence des membres de l’équipe et de participation active9. Pour atténuer l’impression de fardeau, il est possible de simplifier les questions de cette étape. Les formulations qualitatives exigées par une question ouverte requièrent en effet une discussion ciblée, susceptible de rebuter le personnel10. Si on reformule la question « Préoccupations primordiales au sujet du suivi postopératoire et comment y remédier? » pour demander « Le suivi postopératoire pose-t-il un problème? », une réponse par oui ou par non suffit à résumer la situation en matière de sécurité.
La deuxième option consiste à associer l’étape de retour sur l’intervention à un événement précis. Pour ce faire, on a étudié plusieurs points d’ancrage cliniques, notamment le premier comptage des écouvillons et des instruments11, pendant ou immédiatement après la fermeture de la plaie12, avant la suture finale13 ou après le transfert du patient de la table d’opération à la civière9. Cependant, le moment du réveil n’a pas été considéré comme possibilité d’ancrage pour le retour sur l’intervention. Le report de cette étape après le réveil risque certes de retarder la rencontre du chirurgien avec la famille du patient. Toutefois, le délai entre deux interventions est souvent suffisant pour accomplir cette tâche parmi d’autres.
La mise en œuvre de la liste de vérification de la sécurité chirurgicale et l’observance par les fournisseurs de soins dépendent en fait de divers facteurs, notamment le contexte organisationnel, la culture et le milieu. L’ajout d’une étape de conclusion après l’intervention, la réalisation du retour sur l’intervention au moment du réveil ou l’adoption de toute autre approche concertée alignée sur les pratiques locales contribueront à la sécurité globale. Autrement, il demeure impossible d’évaluer le succès de l’opération de manière fiable et précise ni d’obtenir des données de sécurité réellement valides à partir de la liste de vérification.
Remerciements
Les auteurs remercient M. Mohamed Salem pour son aide précieuse dans la préparation des informations contextuelles pertinentes pour le présent manuscrit.
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Tous les auteurs ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Braeden Page bénéficie du soutien des Instituts de recherche en santé du Canada par l’intermédiaire de la Bourse d’études supérieures du Canada au niveau de la maîtrise (BÉSC-M) – BÉSC Frederick Banting et Charles Best. Richard Brull bénéficie d’un soutien pour du temps de recherche en tant que titulaire de la chaire Evelyn Bateman Cara d’anesthésie ambulatoire et de santé des femmes à l’Hôpital Women’s College, ainsi que du programme Merit Award, Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur, Toronto, Ont.
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