Un homme de 22 ans a été dirigé vers notre service d’ophtalmologie pour une enflure graduelle de la paupière droite et un écoulement purulent jaune depuis 10 jours. Onze jours plus tôt, il avait reçu un diagnostic de conjonctivite virale, qui avait été traitée par l’administration de stéroïdes et de lévofloxacine sous forme de gouttes oculaires. À la première consultation du patient à notre service d’ophtalmologie, l’examen au moyen d’une lampe à fente a révélé une hyperémie conjonctivale importante et un écoulement abondant, accompagnés d’une perforation cornéenne nasale et d’une incarcération de l’iris (figure 1A). Le patient a déclaré avoir eu des relations sexuelles avec une travailleuse de l’industrie du sexe 10 jours avant l’apparition des symptômes. Une culture de l’écoulement oculaire et un test de réaction en chaîne de la polymérase sur un échantillon d’urine ont révélé une infection à Neisseria gonorrhoeae. Nous avons réalisé des examens visant à déterminer la présence d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS), conformément aux lignes directrices des Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis; aucune autre ITS n’a été détectée par les analyses urinaires et sanguines1. Après 2 semaines de ceftriaxone en solution intraveineuse ainsi que de cefménoxime et d’érythromycine topiques, l’infection s’est résorbée, et nous avons réalisé une greffe cornéenne pour corriger la perforation (figure 1B).
A) Examen à la lampe à fente de l’œil droit d’un patient de 22 ans à sa première consultation clinique. On observe une hyperémie conjonctivale importante et un écoulement purulent abondant, 2 caractéristiques de la kératoconjonctivite gonococcique. Une perforation cornéenne nasale et une incarcération de l’iris sont également visibles. B) Examen avec lampe à fente au suivi post-opératoire de 8 mois. Une kératoplastie thérapeutique a été réalisée en utilisant la cornée saine. Aucun signe ou symptôme de récurrence de l’infection n’était présent.
La kératoconjonctivite gonococcique s’accompagne généralement d’une hyperémie importante et d’un écoulement purulent abondant. Elle découle d’un contact avec des sécrétions infectieuses au cours de relations sexuelles2–4. Il est important de la diagnostiquer tôt, car elle peut rapidement progresser vers une perforation cornéenne2–4; son diagnostic est difficile non seulement en raison de sa faible incidence (0,19 cas sur 1000 personnes consultant en urgence pour un trouble oculaire), mais aussi parce que les patients sont souvent réticents à parler de leurs antécédents sexuels2–4. À ses débuts, l’infection peut ressembler à une conjonctivite virale avec un léger écoulement, ce qui peut mener au diagnostic erroné de kératoconjonctivite épidémique2,3. Or, le traitement par l’administration de stéroïdes sous forme de gouttes peut entraîner une aggravation importante de la conjonctivite bactérienne, étant donné l’immunosuppression locale qu’il provoque, et l’administration de quinolone en gouttes peut être inefficace, N. gonorrhoeae étant de plus en plus résistante à ce médicament1–3. Si une kératoconjonctivite est accompagnée d’écoulement purulent abondant, il faut envisager la possibilité d’une infection gonococcique, en particulier chez les jeunes sexuellement actifs.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200506
Intérêts concurrents: Takeshi Soma a reçu une subvention de recherche scientifique de la Société japonaise pour la promotion de la science (KAKENHI; subvention no JP18K09407), ainsi que des honoraires personnels de Hoya Vision, de Santen Pharmaceutical, d’Otsuka Pharmaceutical, de Nitto Medic, de Pfizer, de Senju Pharmaceutical et d’Alcon. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Les auteurs ont obtenu le consentement du patient.
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