Un homme marié de 25 ans, en santé et immunocompétent, s’est présenté au service des urgences pour une odynophagie grave présente depuis 5 jours, de la fièvre (pic à 40 °C) et une éruption cutanée pustuleuse dispersée. Il a déclaré ne pas avoir eu de relations sexuelles extraconjugales. L’examen physique du patient a fait état de lésions fibrineuses dispersées dans le pharynx et le larynx (figure 1; annexe 1 [vidéo], accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202183/tab-related-content) ainsi que de lésions pustuleuses sur le torse, les membres et le scrotum. Le patient ne présentait pas d’urétrite.
Un test d’amplification en chaîne par polymérase d’une pustule cutanée a révélé la présence de Neisseria gonorrhoeae, ce qui concordait avec un diagnostic d’infection gonococcique disséminée associée à une atteinte du larynx. Le dépistage du VIH, de la syphilis, de la chlamydia et de l’infection au virus herpès simplex s’est avéré négatif. Après une consultation avec notre équipe spécialisée en maladies infectieuses, le patient a été hospitalisé et a reçu des liquides par voie intraveineuse, une alimentation par sonde nasogastrique, du fentanyl et une antibiothérapie intraveineuse à la ceftriaxone. Ses lésions se sont résorbées en 9 jours. Son conjoint ou sa conjointe a obtenu un résultat négatif au dépistage de la gonorrhée et n’a donc pas reçu de traitement. Nous avons été incapables de déterminer la source de l’infection, mais nous avons conclu qu’il était plausible que le patient ait été un porteur asymptomatique de la bactérie.
L’infection gonococcique est une maladie transmissible sexuellement contractée lors d’une relation sexuelle vaginale, anale ou buccogénitale; elle affecte principalement les muqueuses et se manifeste surtout comme une infection génitourinaire localisée1. En 2017, au Canada, l’incidence de la gonorrhée était de 79,5 cas pour 100 000 personnes, soit plus du double de l’incidence mesurée en 20132.
L’infection disséminée découle de la propagation hématogène de la bactérie N. gonorrhoeae et se manifeste habituellement sous forme de paraténonite, d’arthrite, de lésions cutanées ou, très rarement, de méningite, d’endocardite ou d’ostéomyélite3. Souvent asymptomatique, l’atteinte du pharynx survient dans 3 % des cas; les relations sexuelles buccogénitales sont le facteur de risque le plus important4,5. Le diagnostic différentiel comprend l’arthrite infectieuse ou réactionnelle, une infection à herpès simplex, le VIH et la syphilis.
En raison de la résistance de la bactérie à la pénicilline et à la quinolone, on recommande l’administration de céphalosporines de troisième génération, comme la ceftriaxone, mais des souches résistantes préoccupantes sont toutefois en émergence1. Lorsque vous évaluez des lésions cutanées, envisagez la possibilité d’une infection transmissible sexuellement, faites une vérification approfondie des antécédents sexuels et recherchez la présence de manifestations systémiques atypiques, comme une pharyngolaryngite.
Voir la vidéo connexe en ligne, « Disseminated gonorrhea: scattered fibrinous lesions in the pharynx and larynx », accessible ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202183/tab-related-content.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202183
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Les auteurs ont obtenu le consentement du patient.
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