Une femme de 35 ans présentant des symptômes gastrointestinaux de la maladie de Crohn depuis 15 ans s’est présentée dans une clinique multidisciplinaire de la vulve, car elle avait des masses vulvaires symptomatiques depuis 18 mois et se plaignait d’un gonflement et d’une douleur vulvaires se manifestant de façon intermittente. Une biopsie cutanée superficielle pratiquée 2 ans plus tôt par son médecin de famille avait seulement montré une kératose bénigne; un traitement à base d’acide trichloracétique avait alors été administré contre les condylomes présumés, mais sans succès. L’examen clinique a révélé un œdème labial bilatéral, un épaississement des grandes et des petites lèvres ainsi que des papules de couleur chair ( figure 1A). Ces résultats étaient évocateurs d’une lymphangiectasie acquise secondaire à la maladie de Crohn vulvaire, confirmée par la présence de granulomes non caséeux à la biopsie ( figure 1B). Les lésions ont bien répondu à la vaporisation au laser au CO2. La patiente avait récemment commencé à prendre du vedolizumab pour traiter sa maladie de Crohn gastro-intestinale, ce qui pourrait à long terme réduire l’œdème vulvaire.
A) Photographie de la vulve d’une femme de 35 ans présentant un gonflement et un œdème bilatéraux des lèvres, un épaississement des grandes et des petites lèvres, ainsi qu’une plaque bien délimitée de papules de couleur chair (2–3 mm) sur les grandes lèvres supérieures (flèche noire) et sur le bord inférieur de la grande lèvre droite, évoquant une lymphangiectasie acquise secondaire à la maladie de Crohn vulvaire. B) Photomicrographie d’une biopsie vulvaire où on peut voir un granulome non caséeux (flèche blanche), évocateur de la maladie de Crohn vulvaire (coloration à l’hématoxyline et à l’éosine, grossissement 200×).
La maladie de Crohn vulvaire est peu fréquente, mais elle peut nuire à la qualité de vie, et elle est souvent non reconnue et mal diagnostiquée1–3. Le délai médian entre l’apparition des symptômes et le diagnostic est de 3,5 ans, les patientes devant souvent consulter plusieurs spécialistes avant qu’un diagnostic soit posé2. Bien que la plupart des patientes atteintes de cette pathologie (50 %–80 %) aient une maladie de Crohn gastro-intestinale sousjacente, ce ne sont pas toutes les patientes atteintes de la maladie de Crohn vulvaire qui développeront une maladie intestinale1,2.
Des symptômes gynécologiques non spécifiques associés, comme des démangeaisons, rendent le diagnostic difficile2. La vulve peut présenter les manifestations suivantes: œdème, hypertrophie labiale, lymphangiectasie, ulcérations en coup de couteau, ulcérations, abcès et fistules1–3. Les observations histologiques, comme la présence de granulomes non caséeux, d’une vascularite granulomateuse ou d’une lymphangite du derme, peuvent aider à confirmer le diagnostic1–3. Les autres diagnostics à considérer dans des présentations similaires à celle de notre patiente sont les acrochordons, les condylomes, le molluscum contagiosum, la néoplasie intraépithéliale vulvaire et la lymphangiectasie acquise4.
La maladie de Crohn vulvaire est une maladie chronique qui nécessite une prise en charge chirurgicale (ablation par laser au CO2, excision) ou médicale à long terme (par exemple par antibiothérapie, corticothérapie systémique ou traitement par agent anti-TNF-α [facteur de nécrose tumorale alpha])2. Elle peut être difficile à traiter et elle répond bien à une approche multidisciplinaire impliquant des gastro-entérologues, des gynécologues, des pathologistes et des dermatologues1,2. Chez les patientes atteintes d’une maladie de Crohn connue et présentant des anomalies vulvaires, la possibilité d’une maladie de Crohn vulvaire sous-jacente doit être envisagée3.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.190112
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Les auteurs ont obtenu le consentement de la patiente.
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