Un homme de 51 ans est venu consulter à notre hôpital pour des maux de tête, des nausées et une vision floue de novo persistant depuis 4 jours. Le patient, un fumeur, avait pour seul antécédent médical une thromboangéite oblitérante (aussi appelée « maladie de Buerger ») ayant nécessité une amputation tibiale gauche. Sa médication se résumait à 100 mg/j d’acide acétylsalicylique. À l’examen, le patient présentait un œdème papillaire bilatéral, mais aucun déficit neurologique focal. Une phlébographie par tomodensitométrie a révélé une thrombose des sinus veineux cérébraux (TSVC) (figure 1). Outre une thromboangéite oblitérante, les analyses sanguines n’ont mis en évidence aucune maladie infectieuse, auto-immune, néoplasique ou thrombophilique. Les symptômes du patient, à l’exception de l’œdème papillaire, se sont résorbés dans la semaine suivant l’amorce d’une anticoagulothérapie à la daltéparine. D’autres examens de neuroimagerie réalisés avant le passage à une anticoagulothérapie orale ont permis d’exclure la possibilité d’une hémorragie veineuse secondaire au traitement, malgré la persistance d’une importante TSVC (figure 2).
Les TSVC représentent environ 1 % des accidents vasculaires cérébraux, touchant 5 personnes sur 1 million chaque année1. Quatre-vingts pour cent des cas surviennent chez les personnes de moins de 50 ans; les facteurs de risque concernent tout le spectre des thrombophilies acquises et génétiques1. Les patients présentent généralement des maux de tête et des troubles visuels qui vont en s’aggravant, mais certains développent des déficits neurologiques focaux ou présentent des convulsions ou une altération de l’état de conscience. La présence concomitante de maux de tête et d’un œdème papillaire, en particulier chez une personne que l’on sait atteinte de thrombophilie, devrait renforcer les soupçons de TSVC. Ce trouble peut toutefois passer inaperçu si des examens de neuroimagerie sont demandés, mais qu’ils ne sont pas accompagnés d’une phlébographie; ce peut être le cas, par exemple, chez les patients qui ne présentent que des maux de tête ayant commencé de façon insidieuse et n’étant accompagnés d’aucun autre signe ou symptôme. En outre, la variabilité anatomique des sinus veineux fait en sorte que la sensibilité de la tomodensitométrie (TDM) n’est pas suffisamment élevée pour permettre le diagnostic de TSVC; en effet, seulement 30 % des cas de TSVC donnent des résultats anormaux à la TDM seule1. Les bilans systémiques repèrent des causes prothrombotiques chez les deux tiers des patients1. La plupart des patients ont un excellent pronostic après l’amorce rapide d’une anticoagulothérapie, qui freine la progression de la TSVC et améliore le drainage veineux1.
La thromboangéite oblitérante est une maladie inflammatoire segmentaire rare touchant les artères et les veines de petit et de moyen calibres des extrémités, mais parfois aussi les vaisseaux cérébraux2,3. Elle est caractérisée par la formation de thrombus occlusifs inflammatoires contenant de nombreuses cellules; l’atteinte de la paroi des vaisseaux est relativement modeste. Les patients sont souvent des hommes d’âge moyen qui fument et qui présentent une ischémie distale aux membres ainsi que des ulcères aux doigts. La coexistence d’une thromboangéite oblitérante et d’une TSVC est extrêmement rare.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.201166
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
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Les auteurs ont obtenu le consentement du patient.
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