Se préparer à la pandémie de grippe A H1N1 2009 ================================================== * Paul C. Hébert * Noni MacDonald Il ne faut pas sous-estimer un adversaire comme la pandémie de grippe A H1N1 2009, particulièrement par les temps qui courent. En effet, cette pandémie a déjà occasionné un certain chaos dans plusieurs collectivités à travers le monde, y compris au Canada. Avant les premières éclosions, même les experts n’auraient pas pu prédire le lieu d’origine du virus, la rapidité de sa propagation, ni la gravité de la maladie qu’il causerait chez des personnes par ailleurs en bonne santé. De plus, les efforts déployés pour le contenir ont échoué, alors qu’il s’agit là de la première étape du contrôle d’une éclosion. Le virus à l’origine de la pandémie de grippe A H1N1 2009, quoiqu’inoffensif chez la plupart des gens qui le contractent, est néanmoins potentiellement mortel chez certains patients. Si la maladie continue d’évoluer dans l’hémisphère Nord comme elle l’a fait dans l’hémisphère Sud, particulièrement au Chili et en Australie, nous assisterons probablement à une résurgence plus grave de cette dernière au cours de la prochaine saison grippale. La plupart des pays industrialisés ont déjà mis de l’avant leurs plans d’action en vue de la pandémie, et ce, avec succès. Or, si on se fie à la première vague de la maladie, on doit prévoir d’importantes augmentations du nombre de cas représentatifs des deux extrêmes de son spectre de gravité au cours de la pandémie de grippe A H1N1 2009. De toute évidence, la prévention par l’immunisation doit demeurer notre grande priorité. Au préalable, nous devons toutefois identifier les groupes les plus vulnérables ou à risque et convenir ensuite de la meilleure façon de les vacciner. Le Canada et l’Occident en général ne disposent que d’une expérience limitée dans le domaine des campagnes de vaccination à grande échelle en présence de contraintes temporelles. Chaque année, nous éprouvons de la difficulté à déployer nos programmes de vaccination antigrippale à l’intention de nos populations vulnérables. Ainsi, il arrive parfois que seulement 15% des habitants du Nunavut reçoivent leur vaccin 1. De même, lors de la plus récente éclosion d’oreillons chez des jeunes de la Nouvelle-Écosse, seulement 15 % des sujets ciblés ont reçu leur vaccin 2. Or, il s’agit précisément d’un des groupes d’âge susceptibles d’être des plus gravement atteints par la seconde vague de la pandémie de grippe A H1N1 2009, qui est pourtant à nos portes. Nous devons donc agir maintenant pour corriger ces problèmes d’accessibilité et de mise en application. Aucun programme de vaccination n’est efficace à 100 %. Si nous n’arrivons pas à prévenir un nombre suffisant de cas de pandémie de grippe A H1N1 2009, nous pouvons nous attendre à ce qu’un fort contingent de jeunes patients gravement malades occupent la totalité des lits dans les unités de soins intensifs des établissements de soins tertiaires. Contrairement à la plupart des souches de virus grippaux saisonniers, la souche de cette pandémie semble envahir les voies respiratoires inférieures et les alvéoles, et non seulement les voies respiratoires supérieures, engendrant par le fait même une maladie plus grave 3,4. À ce jour, l’expérience acquise dans le monde nous indique que la maladie associée à cette souche se manifeste souvent par une atteinte pulmonaire aiguë, qui entraîne une redoutable hypoxémie. Pour sauver de jeunes vies, il faut alors souvent avoir recours à des technologies avancées de maintien des fonctions vitales telles, par exemple, la ventilation par oscillation de haute fréquence, l’oxygénation extracorporelle par oxygénateur à membrane et l’usage prolongé de monoxyde d’azote. Or, ces technologies ne se retrouvent que dans les centres de soins tertiaires hautement spécialisés. Ces ressources étant cependant limitées, ces centres risquent rapidement de ne plus pouvoir fournir à la demande. Si cela se produit, nos principaux établissements de santé pourraient s’en trouver paralysés. Dans la plupart des régions, les plans d’urgence pour les périodes de pointe ne prévoient pas encore de mesures visant à assurer la disponibilité, en nombre suffisant, d’un personnel médical expérimenté et l’attribution d’équipement spécialisé. Nous aurons également de difficiles décisions à prendre quant aux priorités d’accès à ces ressources limitées. Les décideurs doivent donc, d’ores et déjà, souligner l’urgence de rajuster les plans d’urgence à la lumière des expériences récentes et des derniers commentaires des diverses parties prenantes. Pour commencer, tous les pays doivent se doter d’un leadership fort et résolu. Ainsi, il faut nommer un champion de la santé indépendant et reconnu qui sera investi de pouvoirs exécutifs à tous les niveaux administratifs et qui relèvera en bout de ligne de la plus haute autorité au pays. Il faudra ensuite nommer des responsables locaux. Tous ces intervenants devront disposer de canaux de communication clairs et efficaces et d’un accès rapide aux experts en la matière. En somme, il nous faut des responsables à tous les niveaux qui collaboreront rapidement les uns avec les autres pour résoudre des problèmes tels, par exemple, le besoin imprévu de déplacer du matériel et des effectifs d’une région du pays à l’autre, sans que cela ne soulève d’obstacles relatifs aux permis d’exercice, aux privilèges hospitaliers et aux risques de poursuite pour faute professionnelle. Dans des pays comme le Canada où les responsabilités sont partagées entre de nombreux paliers de gouvernements, une telle collaboration et une communication claire et efficace deviennent une indispensable première ligne de défense. Par ailleurs, afin que tout se passe bien, les gouvernements doivent avoir ou mettre en vigueur des lois qui leur permettront d’avoir les coudées franches pour réagir rapidement en cas de problèmes complexes. Le champion de la santé doit également s’assurer que les chercheurs disposent, dès maintenant, des fonds nécessaires pour répondre aux questions urgentes qui demeurent en suspens, à savoir, pourquoi certains groupes spécifiques semblent plus vulnérables que d’autres relativement à cette menace pour la santé, et ce, dans le but d’identifier les traitements les plus efficaces. Ce champion de la santé doit également informer tous les secteurs de la société qu’il leur revient à chacun d’eux de se doter d’un plan d’action individuel en vue de la pandémie de grippe A H1N1 2009: tous les paliers de gouvernements (y compris l’échelon municipal), les commerces, les écoles, les garderies, les familles et les individus. Par exemple, nous aurions avantage à adopter l’approche du Royaume-Uni en instaurant un système de « pairs aidants en cas de grippe » par l’entremise duquel les individus seraient responsables de surveiller leur état de santé mutuel et de s’entraider les uns les autres. L’insouciance n’est pas de mise. Le champion de la santé et les autres leaders nationaux doivent immédiatement convoquer une réunion au sommet non seulement pour ériger des ponts entre les autorités sanitaires, les intervenants de première ligne, les responsables des soins d’urgence et autres professionnels de la santé, les décideurs, les planificateurs communautaires et le public, mais surtout afin de les renseigner sur les prochaines étapes et s’assurer que les mesures appliquées par les responsables fonctionneront au niveau de la base. Bien que nous espérions que tout se passe bien, nous devons agir dès maintenant pour être en mesure d’affronter le pire que la pandémie de grippe A H1N1 2009 pourrait nous réserver. Ce n’est qu’ainsi que nous sauverons des vies. ## Plan d’action national * Comme première ligne de défense, s’assurer de l’engagement et de la collaboration de tous les intervenants pour l’application des plans d’action modifiés.. * Comme seconde ligne de défense, nommer un champion de la santé investi du pouvoir et de l’autorité légale lui permettant de réagir en cas d’urgences nationales et d’agir à tous les paliers de gouvernements. * Ce champion doit avoir la confiance de la plus haute autorité au pays, avec laquelle il sera en contact direct, tout en disposant d’une indépendance suffisante pour prendre les décisions nécessaires, même si elles sont impopulaires. * Prioriser les groupes à vacciner et mettre à exécution les plans de vaccination à grande échelle. * Élaborer des plans visant à combattre les intensifications localisées de la maladie en assurant la mobilité des effectifs médicaux et de l’équipement spécialisé. * Inciter tous les secteurs de la société à créer des plans d’action individuels en vue de la pandémie. * Assurer l’examen et le financement rapides de nouveaux projets de recherche visant à solutionner des questions cruciales relatives à la pandémie de grippe A H1N1 2009. ## Footnotes * **Intérêts concurrents:** Voir [www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml](http://www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml) Traduit par le Service de traduction de l’AMC. ## RÉFÉRENCES 1. 1. Steenbeek A, MacDonald NE, Sobel I. Influenza vaccine use in Nunavut: A brief overview of the uptake rates across the regions [lettre]. *Can J Public Health* (sous presse). 2. 2. Hatchette TF. Students, saliva and swelling: a perfect storm for the sharing of mumps. Présenté au congrès de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada, Vancouver, Canada. Le 1er mars 2008. Disponible: [www.ammi.ca/pdf/2008\_ToddHatchette.pdf](http://www.ammi.ca/pdf/2008_ToddHatchette.pdf) (consulté le 5 août 2009). 3. 3. Munster VJ, de Wit E, van den Brand JM, et al. Pathogenesis and transmission of swine-origin 2009 A(H1N1) influenza virus in ferrets. Science 2009;325:481–3. [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6Mzoic2NpIjtzOjU6InJlc2lkIjtzOjEyOiIzMjUvNTkzOS80ODEiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMzoiL2NtYWovMTgxLzYtNy9FMTA0LmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==) 4. 4. Maine TR, Jayaraman A, Belser JA, et al. Transmission and pathogenesis of swine-origin 2009 A(H1N1) influenza viruses in ferrets and mice. Science 2009; 325:484–7. [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6Mzoic2NpIjtzOjU6InJlc2lkIjtzOjEyOiIzMjUvNTkzOS80ODQiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMzoiL2NtYWovMTgxLzYtNy9FMTA0LmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==)