Lorsque les membres de l’Association médicale canadienne (AMC) se sont réunis en assemblée annuelle il y a 99 ans, ils ont décidé qu’il était temps que l’AMC ait son propre journal. Six mois plus tard, le 1er janvier 1911 pour être exact, le premier numéro du Canadian Medical Association Journal était publié 1.
Depuis lors, le Journal a survécu à deux guerres mondiales, à la Grande Dépression et à une pandémie de grippe qui a fait des millions de morts. Il a également été témoin de la découverte de l’insuline, dont un des premiers rapports figurait dans ses pages en 1922 2, du miracle de la pénicilline, de la victoire contre la poliomyélite et du séquençage du génome humain.
Sur le plan commercial, il a aussi été témoin de nombreux événements, des maigres années 1930 aux fastes années 1990. Aujourd’hui, les temps sont à nouveau maigres et ils forcent l’AMC, le Journal de l’Association médicale canadienne et ses rédacteurs à prendre des décisions difficiles.
Le JAMC est aux prises avec la même «tempête parfaite» qui fait des ravages ailleurs dans le monde de l’édition imprimée. À l’autre bout du monde, des problèmes financiers ont forcé le New Zealand Medical Journal à adopter, en 2002, un format exclusivement virtuel 3. Et en 2005, le British Medical Journal a mis fin à une expérience menée depuis 10 ans qui donnait gratuitement accès à tout son site web, pratique qui avait érodé sensiblement ses revenus d’abonnements 4. Au sud de la frontière, l’American Medical News, publié par l’American Medical Association, a annoncé en mars qu’il publierait désormais 24 numéros par an au lieu de 48. Ici, au Canada, le Medical Post, qui a dû licencier des employés, publie désormais 25 numéros par an, alors qu’il en publiait 40 il y a à peine deux ans.
Il en est de même des publications non médicales. Le Chronicle of Higher Education a réduit de moitié sa fréquence d’impression pour l’été. Les propriétaires du Los Angeles Times et du Chicago Tribune ont demandé la protection de la loi américaine sur les faillites. Le National Post a supprimé son édition du lundi pendant les mois d’été, et, à Montréal, La Presse a aboli son édition dominicale. Pour sa part, le Globe and Mail a annoncé en juin que ses recettes publicitaires pour mai 2009 avaient diminué de 28 % par rapport à la même période l’an dernier 5.
Cette tempête est l’aboutissement d’événements qui ont commencé dans les années 1990, période où l’Internet a pris racine. L’Internet a certes été une bénédiction pour notre profession, puisqu’il permet la transmission rapide d’information clinique, mais il a en même temps détruit le modèle d’affaires qui avait soutenu de nombreuses publications imprimées depuis des décennies.
Parallèlement, la publicité pharmaceutique qui appuie le modèle d’affaires du JAMC est fortement en baisse. Selon une analyse de marché, la réduction de 34 % des pages publicitaires dans les publications médicales en 2008 a été suivie par une baisse additionnelle de 38 % au cours du premier trimestre de 2009. Le JAMC a été durement frappé parce que la publicité commerciale compte pour environ 50 % du total de ses revenus. Une autre importante source de revenus, nommément les annonces sur les carrières et les petites annonces, est aussi en déclin cette année, probablement en raison de la conjoncture économique.
Mais nos problèmes ne s’arrêtent pas là. En effet, le ministère du Patrimoine canadien a annoncé qu’à compter de mars 2010, les publications des associations professionnelles n’auront plus droit à la subvention postale qui avait permis de réduire considérablement les frais d’expédition du JAMC.
Par ailleurs, non seulement les revenus diminuent, mais les coûts augmentent parce que l’AMC a investi massivement dans l’expertise éditoriale pour le JAMC afin de continuer à consolider son équipe de renommée mondiale et à améliorer notre produit de calibre international. Cette augmentation des dépenses, aggravée par des revenus publicitaires anémiques, rendra fort probablement le JAMC déficitaire en 2009.
Alors, quoi faire? Nous avons déjà sabré les coûts en réduisant le nombre de pages imprimées par numéro. Nous avons également décidé de combiner les numéros en juillet, en août et en septembre pour économiser sur les frais d’impression et d’expédition. Nous offrirons en outre davantage d’articles en version électronique sur jamc.ca que dans la version imprimée.
Ces changements n’ont pas été faits à la légère, parce que nous savons que les membres apprécient beaucoup le JAMC. Nos sondages montrent que le journal s’est toujours bien classé en ce qui concerne la visibilité et l’utilisation parmi les nombreux services et produits que fournit l’AMC. Toutefois, nous savons aussi que notre avenir repose sur l’élaboration d’un modèle d’affaires durable, et c’est sur ce modèle que nous concentrons maintenant nos efforts.
Voici un aperçu des initiatives entreprises, après consultation des rédacteurs du JAMC:
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Le Groupe Kaufman-Wills, une société d’experts-conseils spécialisée dans l’édition scientifique, nous aide à créer pour le JAMC un modèle d’affaires durable.
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Nous avons réalisé un sondage auprès des membres.
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Le Conseil d’administration de l’AMC a formé un groupe de travail qui fera rapport en octobre sur les options qui se présentent.
Beaucoup de questions demeurent: quel est le juste équilibre entre l’imprimé et le virtuel? Quel niveau de soutien financier l’AMC devraitelle fournir au JAMC, vu les nombreuses autres activités de représentation et de promotion de la santé qu’elle doit réaliser? Devraiton avoir des frais d’abonnement au JAMC? Sachez toutefois que peu importe les modifications qui seront apportées en consultation avec les rédacteurs du journal, nous ferons preuve de transparence et consulterons les lecteurs.
Et nous pouvons vous promettre ceci: dans ses règlements, l’AMC énonce huit objectifs, qui représentent les charges dont elle est investie, et l’une d’elles porte sur la publication du Journal de l’Association médicale canadienne. Notre modèle d’affaires sera sans doute appelé à changer à l’avenir, mais notre engagement à l’égard du JAMC, lui, ne changera pas.
Footnotes
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Intérêts concurrents: aucun déclaré.
Traduit par le Service de traduction de l’AMC.
Les opinions exprimées dans le contenu rédactionnel du JAMC sont celles des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne.