Le temps est-il venu d'une autre révolution des programmes d'études en médecine? =================================================================================== * Kenneth M. Flegel, MDCM MSc * Paul C. Hébert, MD MScS * Noni MacDonald, MD MSc * © 2008 Canadian Medical Association Bien des médecins diraient sans doute que leurs études de médecine ont été longues et ardues et que certains cours ont été en fin de compte d'une pertinence douteuse pour leur pratique. Cela n'est peut-être pas aussi vrai chez les médecins plus jeunes qui ont suivi leur formation depuis l'adoption généralisée de l'apprentissage à base de problèmes. Une évaluation systématique de l'apprentissage à base de problèmes publiée dans ce numéro indique qu'il améliore à long terme la réflexion critique et les compétences dans les dimensions sociales de la médecine1(page [34](http://www.cmaj.ca/lookup/volpage/178/34?iss=1)). Au-delà de l'apprentissage à base de problèmes, nous nous demandons pourquoi personne ne semble accorder d'attention à une autre révolution possible des études de médecine, soit le programme de 3 ans. Au Canada, nous vivons depuis 30 ans une expérience naturelle dans 2 universités canadiennes, l'Université McMaster et l'Université de Calgary, qui ont opté pour un programme de médecine de 3 ans alors que toutes les autres ont gardé les 4 années habituelles. De nombreuses facultés de médecine des É.-U. qui ont raccourci le programme donnent des cours le samedi et l'été pour condenser sur trois ans un programme de quatre ans, ce que ne font pas les deux écoles canadiennes qui offrent des programmes de trois ans. Cette année de plus est-elle nécessaire? La formation de chaque étudiant en médecine au Canada coûte cher en temps et en argent. Chaque étudiant a besoin de centaines d'heures du temps de formateurs et de médecins de famille et spécialistes — temps que ces derniers pourraient autrement consacrer aux soins des patients. Et pour ce qui est du coût financier brut, on estime de façon conservatrice que le coût pour les contribuables canadiens de l'année supplémentaire de formation est d'environ 170 000 $ par étudiant2. L'année supplémentaire fait aussi peser un fardeau financier important sur les étudiants, dont les frais de scolarité annuels vont de 2181 $ à l'Université Laval à 16 862 $ à l'Université de Toronto. Compte tenu de données circonstancielles plutôt que comparatives, les médecins qui ont suivi le programme de 3 ans ne semblent pas moins compétents que les diplômés des programmes de 4 ans. Les ordres n'ont pas signalé de préoccupations au sujet de résultats d'examen inférieurs, du moins pas publiquement. Les programmes de formation en médecine familiale n'ont pas repéré de lacunes chez les diplômés des programmes de 3 ans. L'Association canadienne de protection médicale n'a pas indiqué non plus que ces médecins risquent davantage de faire l'objet de plaintes. La médecine moderne n'est plus une seule profession non différenciée. C'est une collection de spécialités, y compris les spécialités de première ligne que sont la médecine familiale et la médecine générale. Les spécialistes dont le savoir-faire doit être étroit mais profond devraient recevoir une exposition limitée à la théorie et à la pratique de la médecine générale et ensuite se concentrer principalement sur l'apprentissage de leur spécialité. Au contraire, les praticiens des premières lignes ont besoin d'une exposition importante aux outils qui leur donneront les moyens de diagnostiquer et de prendre en charge le vaste éventail de problèmes de santé qui se présentent3 et devraient consacrer moins de temps aux détails du traitement des maladies avancées complexes4. On peut définir les compétences de base comme étant les connaissances générales et spécialisées essentielles dont tous les médecins ont besoin pour réfléchir, parler et agir comme un médecin. Le médecin doit pouvoir poser le bon diagnostic, première étape essentielle qui prépare la suivante, celle du traitement et du prognostic5. Il incombe par la suite au médecin d'informer le patient de sa maladie et de son évolution probable. La formation de base doit aussi permettre à tous les médecins d'effectuer des évaluations critiques des publications médicales, de communiquer avec les patients et avec les autres professionnels de la santé, de comprendre l'éthique de leur profession et les principes fondamentaux de la santé publique. Combien de temps cela devrait-il prendre? Les 4 années sont-elles vitales, en particulier lorsque la fin des études en faculté de médecine ne constitue que la première étape d'un voyage beaucoup plus long qui exige au moins 2 autres années de formation pour obtenir le permis d'exercice en médecine familiale et 5 années supplémentaires en spécialité? Personne n'a de preuve concrète pour répondre. L'élimination d'une année réduirait les coûts de formation et les coûts pour les universités et les contribuables. Les médecins ajouteraient 1 an de pratique à leur vie active, ce qui aiderait à résoudre la pénurie de médecins au Canada. De plus, cette année s'accumulerait au moment où les capacités intellectuelles et physiques du médecin sont à leur maximum. Étant donné l'importance de l'enjeu, il faudrait comparer les résultats à court terme, et en particulier les résultats de l'examen d'obtention du permis d'exercice de la médecine, chez les diplômés des programmes de 3 ans et de 4 ans. Il faudrait aussi étudier les résultats à long terme, comme le pourcentage de diplômés qui jouent un rôle de chef de file, le pourcentage de ceux et celles qui desservent les domaines où le besoin est le plus important et le pourcentage des médecins dont le permis est assorti de restrictions ou qui font l'objet de mesures disciplinaires. C'est seulement en disposant de plus de données que nous pourrons savoir vraiment si l'engagement actuel envers un programme d'études de 4 ans est justifié. Sans évaluation systématique, il ne restera aux doyens de médecine que la tradition comme moyen de défense lorsque les ministres de l'Éducation exigeront de meilleures preuves, étant donné les coûts professionnels et sociaux élevés. Quant aux étudiants en médecine, ils et elles devraient demander si une quatrième année produira des médecins meilleurs et plus sages et non simplement des médecins plus âgés et plus pauvres. ## Footnotes * Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Matthew B. Stanbrook MD PhD, Barbara Sibbald BJ et Amir Attaran LLB DPhil) ## RÉFÉRENCES 1. 1. Koh GCH, Khoo HE, Wong ML, et al. The effects of problem-based learning during medical school on physician competency: a systematic review. JAMC 2008;178:34-41. [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo4OiIxNzgvMS8zNCI7czo0OiJhdG9tIjtzOjE5OiIvY21hai8xNzgvMS8xMy5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 2. 2. Valber LS, Gonyea MA, Sinclair DG, et al. Planning the future academic medical centre: conceptual framework and financial design. Ottawa : Association médicale canadienne; 1994. 3. 3. Miettinen OS, Flegel KM. Medical curriculum and licensing: still in need of radical revision. Lancet 1992;340:956-7. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1016/0140-6736(92)92827-3&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=1357356&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F178%2F1%2F13.atom) 4. 4. Flegel KM, Palepu A. Training on the internal medicine teaching wards. JAMC 2003;168:997-8. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjgvOC85OTciO3M6NDoiYXRvbSI7czoxOToiL2NtYWovMTc4LzEvMTMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 5. 5. Miettinen OS, Flegel KM. Elementary concepts of medicine: VIII. Knowing about a client's health: gnosis. J Eval Clin Pract 2003;9:333-5. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1046/j.1365-2753.2003.00421.x&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=12895151&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F178%2F1%2F13.atom)