- © 2007 Canadian Medical Association or its licensors
Au Canada, nous sommes riches en information au sujet de nos pénuries de médecins, mais pauvres en progrès concrets. Nous disposons de masses d'études sur les modèles de prestation des soins et de multitudes de solutions proposées par les associations et les gouvernements. Pourtant, dans beaucoup de régions du pays, les besoins en services de santé demeurent criants. Sur la scène internationale, aucun pays ne semble avoir trouvé la bonne solution. Aux États-Unis, on réclame une augmentation de 30 % des inscriptions aux facultés de médecine. Certains pays d'Afrique connaissent une grave pénurie de médecins1, tandis que des pays d'Europe en ont trop. Selon des estimations conservatrices, le Canada aurait besoin d'au moins 5000 médecins de plus en pratique active. Il ne suffira pas de changer le modèle de soins et d'accroître l'efficacité du système de santé pour corriger cette pénurie importante, qui sévit dans toutes les régions géographiques (le problème n'est pas seulement rural) et dans toutes les disciplines : on manque notamment de médecins de famille, d'anesthésistes, de gériatres et d'oncologues.
Dans l'intérêt de la viabilité à long terme, le Canada doit s'autosuffire. Nous devons former suffisamment de médecins pour répondre à nos besoins, tout en reconnaissant la contribution importante des diplômés de facultés de médecine étrangères, l'évolution de la démographie et de la charge de travail de la profession médicale, ainsi que l'arrivée de nouveaux professionnels de la santé. Même si les discussions sur l'autosuffisance ont été nombreuses, nous n'avons pas choisi d'approche collective pour la définir et pour prendre des décisions à l'intérieur d'un cadre qui la placerait au centre du processus de planification. La multitude des facteurs qui peuvent jouer sur la prévision des besoins en ressources médicales constitue l'une des difficultés inhérentes à la planification. L'équation comporte des variables telles que le nombre de médecins, tant globalement que dans chaque discipline, leur répartition géographique, leur charge de travail et leur régime de travail. En dépit des complexités, des mesures simples et généralement acceptées permettraient de commencer à s'attaquer à la pénurie actuelle de médecins. Dans ce numéro du JAMC, Phillips et ses collaborateurs analysent la migration, entre le Canada et les États-Unis, des médecins formés au Canada et suggèrent des façons possibles de résoudre la pénurie de médecins au pays, particulièrement dans les régions rurales2.
Phillips soutient que nous perdons trop de médecins aux États-Unis. Même si l'exode a ralenti un peu, nous devons comprendre davantage les motifs de cette perte continue et trouver des moyens d'encourager ces médecins à pratiquer au Canada. Le rapatriement de ces médecins apportera une contribution modeste mais importante à nos effectifs médicaux.
Et si nous voulons recruter à l'étranger, que ce soit au sud de la frontière ou dans des pays dont les ressources en santé sont limitées, nous devons dans un premier temps établir des pratiques de recrutement respectueuses de l'éthique. Il nous faut intégrer à notre système de santé davantage de diplômés de facultés de médecine étrangères, mais les défis à cet égard sont importants. Pour les relever, nous aurons besoin d'une stratégie nationale appuyée par un financement suffisant. La stratégie devra comporter un programme d'évaluation normalisé permettant de reconnaître les diplômés de facultés de médecine étrangères prêts à pratiquer, ceux qui ont besoin d'une formation d'appoint et ceux qu'il conviendrait mieux de diriger vers d'autres professions de la santé. Nous devons aussi tenir compte du fait que l'intégration d'un plus grand nombre de diplômés de facultés de médecine étrangères dans notre système d'éducation alourdira le fardeau déjà imposé à notre système surtaxé. Nous devons veiller à ce qu'il y ait davantage de financement consacré à l'infrastructure et davantage d'enseignants. Enfin, l'autosuffisance commence chez nous, en admettant davantage d'étudiants canadiens dans les facultés de médecine. Nous frisons les 2500 places dans les facultés de médecine au Canada, mais il nous en faut 3000 le plus tôt possible. Cette augmentation de 20 % exercera des pressions énormes sur notre système d'éducation. Or, nous avons déjà besoin d'enseignants et de ressources supplémentaires — il faudra donc planifier cette expansion avec prudence. Nous devons veiller à ce que nos facultés de médecine reçoivent un appui suffisant pour gérer la hausse des inscriptions et maintenir une formation de grande qualité.
Les enjeux associés à l'autosuffisance alourdissent la complexité de la planification des ressources humaines en médecine. Comme on l'a dit à maintes reprises3,4, le besoin d'un mécanisme multilatéral pancanadien de planification des effectifs médicaux demeure évident. Qu'est-ce qui empêche de franchir ce pas crucial? Le leadership. Il faut agir dès maintenant. Les gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux doivent concevoir rapidement un plan d'action et y consacrer du financement pour s'attaquer à nos pénuries. D'autres études ne feront qu'entraîner davantage de paralysie d'analyse sans améliorer vraiment les soins de santé pour la population canadienne.
Footnotes
-
Cet article a été critiqué par les pairs.