Il est essentiel, pour garantir l'indépendance de la rédaction, de séparer les décisions éditoriales des questions financières. C'est pourquoi il importe de réfléchir sur les politiques et les pratiques actuelles en matière de publicité et de commandite des suppléments. Considérons d'abord la publicité. La politique de l'AMC est claire :
Les publicités et les commandites n'exercent aucune influence sur les décisions de la rédaction, qui sont prises sans égard à la publicité ou aux commandites à paraître. Les commanditaires et les annonceurs ne pourront déterminer un contenu rédactionnel particulier ou influencer de quelque façon que ce soit le processus de prise de décision de la rédaction, et ils n'auront pas non plus la possibilité d'examiner le matériel avant la publication. Aucune commandite ne sera vendue à charge de production subséquente d'un certain contenu rédactionnel. Les annonces et les commandites ne seront pas acceptées lorsque leur acceptation pourrait porter à croire qu'elles exercent une influence sur le contenu rédactionnel ou la prise de décision, ou encore que le Groupe des services aux membres ou l'AMC donnent leur aval au commanditaire, à ses produits ou à ses services (www.cma.ca/index.cfm/ci_id/25274/la_id/2.htm).
En pratique, le JAMC applique cette politique et les commanditaires ne connaissent pas le contenu rédactionnel avant la publication du numéro où paraît l'annonce qu'ils ont payée. De plus, la pratique du JAMC empêche de placer à proximité du contenu rédactionnel des annonces qui pourraient être réputées avoir un lien, quel qu'il soit, avec le contenu publicitaire. Même aucun examen systématique n'est actuellement en place pour évaluer la séparation entre la publicité et le contenu rédactionnel, un coup d'œil rapide sur de récents numéros du JAMC ne révèle aucun problème.
Le lien entre le contenu rédactionnel et le financement des suppléments est cependant plus troublant. Comme d'autres journaux indépendants dont le contenu rédactionnel est critiqué par les pairs, le JAMC ne publie dans ses suppléments que des articles critiqués par les pairs. Le JAMC demande toutefois à l'industrie et à d'autres commanditaires de couvrir les coûts de publication des suppléments. On encourage les groupes qui présentent un projet de supplément à collaborer avec le JAMC pour trouver si possible des commanditaires n'appartenant pas à l'industrie. La plupart des suppléments sont néanmoins financés par l'industrie. Même si le JAMC indexe seulement les suppléments pour lesquels il y a au moins un commanditaire n'appartenant pas à l'industrie, il se publie toujours des suppléments commandités seulement par l'industrie.
La politique de l'AMC prévoit que :
Même si les lecteurs, les commanditaires et les annonceurs peuvent obtenir de l'information générale sur le contenu d'une publication à venir de l'AMC (p. ex., ... suppléments ...), les détails particuliers sur le contenu demeurent confidentiels jusqu'à la publication.
En pratique, lorsqu'on propose un supplément, on informe les commanditaires éventuels du thème et parfois du titre des articles — façon de procéder très différente de celle que l'on suit pour le contenu principal du journal. Dans le cas des suppléments, l'industrie peut donc commanditer sciemment et sélectivement un supplément susceptible de se rapporter plus directement à son produit ou à ses secteurs de produits, ce qui soulève des préoccupations au sujet du placement des annonces, de l'influence sur les lecteurs et de la séparation entre les contenus publicitaire et rédactionnel dans les suppléments. Ces préoccupations sont particulièrement sérieuses étant donné que le choix des annonceurs pour tout supplément donné est beaucoup plus limité que dans le cas du journal principal.
La sélection des sujets est une autre préoccupation qui découle du processus de financement des suppléments. Étant donné qu'il faut du financement de commanditaires pour couvrir les coûts des suppléments, on n'accepte pour publication que les sujets qui peuvent attirer du financement de l'industrie ou de l'extérieur. Des suppléments proposés qui pourraient avoir beaucoup d'importance pour le système de santé du Canada ne sont pas publiés s'ils ne peuvent attirer suffisamment de financement. Quelques communications pourront se retrouver dans le corps principal du journal, mais le traitement plus détaillé ou approfondi du sujet qu'offre la structure du supplément n'est pas une option. C'est une question non pas de qualité, mais plutôt d'attrait pour les fournisseurs de financement disponibles. Les considérations financières exercent donc malheureusement une influence indirecte sur le choix des sujets des suppléments. C'est un problème qui se pose pour le JAMC et pour d'autres journaux semblables (www.cmaj.ca/pdfs/messagefromeditor.pdf).
Pour mieux garantir l'indépendance du contenu rédactionnel en regard de la publicité dans les suppléments et établir une meilleure façon de choisir les sujets, on pourrait notamment : 1) appliquer une «surtaxe» sur les suppléments commandités par l'industrie afin d'aider à payer les coûts des suppléments non commandités; 2) mettre en réserve de 0,5 à 1 % des profits du JAMC pour appuyer la production de suppléments ne contenant aucune publicité ou seulement de la publicité non reliée au contenu rédactionnel du supplément; 3) demander aux Instituts de recherche en santé du Canada de lancer un concours trimestriel de financement de suppléments (où tous les journaux du secteur de la santé pourraient présenter une demande) dans le cadre de l'appui qu'ils accordent aux initiatives d'application des connaissances; 4) demander à Santé Canada de consacrer un financement spécial à la publication de suppléments.
Il ne sera pas facile de dissiper les préoccupations soulevées par l'indépendance de la rédaction dans le cas des suppléments. La question est en effet complexe. Il faut toutefois trouver une solution, car la relation actuelle avec l'industrie est trop confortable.
Footnotes
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Cet article a fait l'objet d'un examen par les pairs.