Même si personne ne pourrait dire que ce sont les VUS conduits par les nantis revenant maintenant vers le district cossu de la Nouvelle-Orléans qui ont attiré la furie de Katrina sur leur ville, il devient plus clair que les changements climatiques causés par les émissions de gaz à effet de serre du monde industrialisé rendent les ouragans de plus en plus violents dans cette région du monde et ailleurs. Le réchauffement des océans depuis 35 ans a fait grimper de 80 % le nombre des cyclones de catégories 4 et 5 dans le monde (et de 57 % dans le golfe du Mexique depuis 20 ans)1.
C'est pourquoi, pendant que l'assechèment de la Nouvelle-Orléans révèle les maisons détruites des personnes qui vivaient dans le secteur le plus vulnérable de la ville — la population noire pauvre privée de tout pouvoir — réfléchissons à un fait important : une catastrophe environnementale n'a pas le même effet sur toutes les populations. Les phénomènes météorologiques violents ont un effet disproportionné sur les pauvres qui, privés de tout pouvoir, ont moins de ressources pour réagir à la catastrophe. À la Nouvelle-Orléans, des hélicoptères rescapaient des sinistrés du toit d'hôpitaux privés pendant que les hôpitaux publics appelaient désespérément à l'aide. Les habitants des quartiers nantis ont fui dans leur propre véhicule. Les pauvres, surtout de race noire, habitant les quartiers de la basse-ville, n'avaient habituellement pas cette chance.
Si la répartition inégale de la sécurité suivant des lignes de démarcation sociales et raciales à la Nouvelle-Orléans a été un choc pour nous, il ne faut pas oublier que dans beaucoup de régions du monde, les populations marginalisées souffrent de façon disproportionnée à la fois de catastrophes environnementales et du changement climatique graduel. C'est en partie parce que les avantages de la science et de la technologie ne sont pas répartis également. Des phénomènes semblables d'égoïsme et de myopie interviennent dans le défaut de maintenir les jetées en dépit des modélisations de catastrophes effectuées par les ingénieurs et dans l'absence d'un système d'avertissement de raz de marée dans les régions vulnérables aux tremblements de terre (sauf celles qui sont voisines de notre monde industrialisé), tout comme dans l'absence d'un plan véritablement global de préparation à une pandémie de grippe aviaire.
La myopie caractérise certainement le défaut de chercher sérieusement à atteindre les objectifs du millénaire établis par les Nations Unies pour l'environnement. Même la légère élévation de la température planétaire sur-venue au cours des 30 dernières années cause déjà 150 000 morts et fait perdre 5,5 millions d'années d'espérance de vie saine par année. Ces chiffres doubleront au cours des 20 prochaines années, principalement à cause des maladies diarrhéiques et de la malnutrition qui sévissent dans le monde en développement. Tandis que les populations du monde industrialisé que nous sommes peuvent survivre aux effets du changement climatique en utilisant davantage leurs climatiseurs, en se protégeant avec du DDET contre le virus du Nil occidental et en fournissant des subventions aux agriculteurs frappés par la sécheresse, une seule saison d'inondation ou de sécheresse suffit pour déclencher une famine généralisée chez les pauvres du monde. Même au Canada, nous constatons que le fardeau de dégradation de l'environnement causée par le réchauffement de la planète est inégal : le changement de la distribution de la glace marine et la destruction des écosystèmes nordiques, par exemple, signifient que les Inuits du Nunavik et du Labrador ne peuvent se déplacer pendant certaines périodes de l'année pour aller chasser et avoir accès à l'eau potable2.
Les objectifs du millénaires fixés par les Nations Unies pour l'environnement comprennent des cibles relatives à l'accès à l'eau potable, aux installations sanitaires et au logement adéquat. Les investissements des pays industrialisés sont insuffisants dans tous les domaines, les gains réalisés sont peu nombreux et on constate même du glissement. Seulement 42 % de la population de l'Afrique subsaharienne a accès à de l'eau potable et seulement 50 % de la population mondiale a accès à des installations sanitaires adéquates. Le tiers de la population urbaine mondiale vit dans des bidonvilles (environ 1 milliard de personnes dans le monde entier) qui, comme ceux de la Nouvelle-Orléans, sont caractérisés par le surpeuplement, le chômage, le manque de sécurité d'emploi et des taux élevés de violence.
Les défauts collectifs révélés par la catastrophe de la Nouvelle-Orléans vont beaucoup plus loin que les lacunes de la préparation aux catastrophes et de la reprise des acti-vités. Ces défaillances montrent que nous avons tous omis d'aborder sérieusement les menaces environnementales mondiales et que nous ne sommes pas prêts à répartir la richesse et la santé plus équitablement. — JAMC