Au moment où les politiciens polissent leurs beaux discours en prévision de la campagne électorale, le grand débat canadien sur les soins de santé se retrouve une fois de plus dans la mire de la politique partisane. Les soins de santé sont l'enjeu sur lequel les Libéraux fondent leurs espoirs et, comme M. Pettigrew le sait maintenant, ils souhaitent vivement faire passer leur message : ils sont les loyaux défenseurs des soins de santé publics. Le programme de 120 milliards de dollars qu'est l'assurance-maladie sera réduit aux capsules de 10 secondes au sujet des périodes d'attente (trop longues), des médicaments (trop coûteux), des urgences (trop engorgées), des médecins (impossible d'en trouver un), des infirmières (trop peu nombreuses), des soins à domicile (sans blague!), etc. Des mots comme efficience et innovation orienteront la discussion sur les façons de renouveler le système de santé. Comme d'habitude, le débat prendra toutefois des directions bien connues axées sur le programme des partis : régime national d'assurance-médicaments et moyens de contrôle des prix des médicaments, augmentation de l'inscription dans les facultés de médecine et du nombre des appareils d'IRM, frais d'utilisation et comptes d'épargne médicale, consensus sur les services médicalement nécessaires et révision de la Loi canadienne sur la santé.
L'inquiétude collective soulevée par la viabilité des soins de santé publics et le fait que l'on croit que les dépenses consacrées à la santé échappent à tout contrôle sous-tendent tous ces éléments. Sauf erreur, nos dépenses par habitant ne diffèrent pas tellement de celles de systèmes semblables d'autres pays nantis. Sauf pour ce qui est des États-Unis, les huit premiers pays, y compris le Canada, consacrent de 8 à 10 % de leur PIB aux soins de santé.
Qui oserait toutefois faire campagne en affirmant que notre système de santé n'a pas de grands problèmes et qu'il suffit de maintenir à peu près au niveau actuel de financement l'engagement envers l'assurance-maladie universelle? En fait, les craintes soulevées par la viabilité sont proportionnelles aux plans d'expansion. Nous pouvons nous attendre à ce que les Libéraux promettent non seulement plus d'argent, mais aussi de l'argent pour de nouveaux programmes proposés dans le rapport Romanow1: assurance-médicaments, expansion des soins à domicile et des soins primaires, technologies visant à réduire les temps d'attente, technologies de l'information, etc. Ces grands plans relanceront le débat sur le rôle fédéral. Dans quelle mesure Ottawa devrait-il contrôler la façon de dépenser les paiements de transfert? Pour Lawrie McFarlane (voir page 1661), un changement du rôle du gouvernement fédéral qui, «d'acheteur passif de services de santé deviendrait le principal surveillant de la prestation des soins de santé […] [constituerait] un pari énorme» que plusieurs provinces contesteraient certainement devant les tribunaux.2
Il nous semble qu'une chose a été accomplie depuis l'époque où Paul Martin, alors ministre des Finances, sabrait dans les budgets de la santé dans un effort désespéré pour contrôler des déficits fédéraux écrasants, soit une période de financement relativement stable des soins de santé et de croissance graduelle. Le pourcentage du PIB consacré aux soins de santé n'a pas beaucoup changé en 10 ans, tandis que les dépenses annuelles par habitant en dollars constants ont augmenté considérablement.
Peu de patients et de prestateurs de soins ayant connu les coupures profondes pratiquées dans le financement de la santé seront maintenant en désaccord avec M. Martin lorsqu'il insiste sur le besoin de «garantir à long terme un financement fiable et prévisible». Nous sommes d'avis que les Canadiens devraient souhaité un tel engagement des politiciens fédéraux de maintenir la stabilité du financement de la santé à au moins 25 % des coûts provinciaux et territoriaux, comme l'a recommandé la Commission Romanow. Même sans tenir compte du problème de la légitimité constitutionnelle, le rôle accru du gouvernement fédéral dans l'orientation et la prestation des soins de santé posera un problème pendant des années encore. Des différences indéniables sur les plans de l'histoire, de l'expérience, de l'idéologie et du besoin séparent les provinces. Outre son leadership et sa responsabilité dans le domaine de la protection nationale de la santé publique, le rôle du fédéral devra se limiter à la surveillance continue des soins de santé publics et à assurer que les gouvernements provinciaux maintiennent les valeurs qui sont les piliers du régime national d'assurance-maladie : universalité, intégralité et transférabilité. Quel qu'il soit, le gouvernement fédéral qui sera élu à la suite des prochaines élections aura toutefois probablement peu de choix: il devra laisser aux provinces les décisions sur la gestion et la répartition — ne serait-ce que pour atténuer les conflits intergouvernementaux qui ont toujours posé un obstacle à la réforme. — JAMC