Plus tard au cours du mois, les participants présents à une conférence nationale essaieront de formuler une politique cohérente sur l'utilisation des placebos au cours des études contrôlées randomisées afin d'éliminer les incohérences qui ont affligé les efforts déployés pour concilier la Déclaration d'Helsinki, l'énoncé de politique des trois conseils et la directive, issue de la FDA, donnée par la Conférence internationale sur l'harmonisation1. On a décrit le débat sur l'utilisation des placebos, qui couve depuis la critique éclair de Rothman et Michels en 19942, comme un conflit entre la réflexion fondée sur les buts et celle qui repose sur les obligations3. Les arguments en faveur de l'utilisation des placebos posent comme principe que la rigueur scientifique est un but pouvant guider la pratique sur le plan éthique. Charles Weijer, notamment4, a exprimé l'argument contraire (voir page 603) en affirmant que l'obligation du médecin envers les participants à la recherche en tant que patients est primordiale.
Bien entendu, les progrès de la médecine intéressent les patients et les médecins doivent en favoriser l'intégrité. On ne peut considérer comme respectueuse de l'éthique la recherche qui n'offre aucun espoir de produire des résultats utiles. On a défendu énergiquement l'utilisation de placebos contrôlés pour des raisons de méthodologie — p. ex., en affirmant qu'ils permettent de réaliser des études d'envergure plus limitée, et d'exposer ainsi moins de participants à des préjudices possibles, et qu'elles permettent de distinguer plus nettement l'effet placebo des effets secondaires. On a contesté ces affirmations tout aussi vigoureusement5. Emanuel et Miller6 ont essayé de définir une position intermédiaire qui permettrait d'utiliser les placebos en présence d'une thérapie efficace et ayant fait ses preuves, mais seulement lorsque la méthodologie oblige à le faire et que l'on prend des mesures pour éviter les préjudices possibles. Ce terrain d'entente ne semble toutefois ferme que lorsque les risques sont limités – dans des études sur le traitement de la rhinite allergique, par exemple.
On pourrait soutenir que le fait d'exclure l'exposition même à un risque minimal dans le volet d'une étude à base de placebo mine le concept même du consentement éclairé et suppose que les patients qui s'inscrivent à des études cliniques n'ont aucune préoccupation altruiste pour les patients de demain. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la science est une créature qui émane de nous-mêmes, que nous avons inventée pour servir nos fins pratiques, comme pour aider les personnes malades à recouvrer la santé. Il est intéressant de signaler qu'à son état pur (c.-à-d., imaginaire), la science est une créature très différente de nous : elle n'a ni allégeance, ni opinion, ni ego, ni valence morale. En fin de compte, le débat sur l'utilisation des placebos semble porter sur le type d'acceptation de cette créature dans la clinique ou la chambre d'hôpital. C'est en effet au nom de la rigueur scientifique que l'on a refusé leurs médicaments à des patients atteints de psychose et que des patients atteints de Parkinson ont subi l'implantation trompeuse de cellules de fœtus et se sont exposés aux risques reliés à la chirurgie, à l'anesthésie et aux médicaments. Le fait que des cliniciens se penchent sur des concepts abstraits comme «la cause de la science» ne fait pas bon ménage avec l'obligation primordiale que constituent les soins. Sinon, comme certains commentateurs semblent heureux de le laisser entendre, les chercheurs cliniques sont distincts des médecins sur le plan de l'éthique6.
Au bout du compte, le meilleur critère qui permettra de déterminer s'il convient d'inclure un volet placebo dans le concept d'une étude consistera à déterminer si le patient peut donner son consentement avec confiance et si le clinicien se base sur un état d'équilibre clinique et moral pour solliciter le consentement en question. — JAMC