Chronosignatures : 9/11 et 1911 =========================================== Le temps est la plus continue de toutes les variables continues. Or, il est presque aussi certain qu'une seconde suit l'autre que les êtres humains considèrent pour leur part le temps comme discontinu et vivent leur vie «rubato» et non selon un rythme précis. Le temps «file». Parfois, il «suspend son vol». Nous prenons «un temps d'arrêt». En cette période de l'année, nombre d'entre nous tentons de freiner la course du temps. Avec la période des Fêtes et les réunions familiales, nous prenons une «pause» et, avec un peu de chance, nous pouvons «prendre le temps» de réfléchir à l'année qui se termine. Au *JAMC*, nous marquons la fin de l'année en sautant un numéro. Dans notre rétrospective de l'année 2001, les événements terribles du 11 septembre relèguent tous les autres au second plan. Le monde a changé et si la nature humaine, elle, n'a pas changé, du moins les réactions des politiciens, des stratèges et des gens ordinaires commencent à créer un monde qui semble nouveau et étrange. Il s'établit de nouveaux équilibres entre la protection de la vie privée et la sécurité. Une guerre d'un nouveau type – contre un comportement plutôt qu'un pays – fait rage. Seul le temps – il en faudra sans doute des décennies – nous dira dans quelle mesure et comment le monde a changé ou non. Nos réflexions sur le temps portent aussi sur l'apparente permanence du *JAMC*, qui publie maintenant depuis 90 ans. Nous avons comparé les premiers volumes de 1911 à ceux de 20011 (voir page 1631). Cette année, nous avons publié 25 éditoriaux, sous la signature du *JAMC*, sur des sujets aussi variés que l'itinérance, la maladie mentale, la prévention des effets indésirables des médicaments, la décriminalisation de la marihuana et son utilisation à des fins médicales, le téléphone cellulaire et le réchauffement de la planète. En 1911, dirigé à l'époque par Andrew Macphail, le *JAMC* a publié 34 éditoriaux non signés qui portaient sur le soin des «faibles d'esprit», la tuberculose, les laboratoires gouvernementaux, les effectifs médicaux et l'inscription dans les facultés de médecine. *Plus ça change…* La pratique de la médecine a-t-elle changé depuis 1911? Il serait difficile de soutenir le contraire, compte tenu de l'existence des vaccins, des antibiotiques, du VIH, de la médicalisation des comportements, des toxicomanies et des états d'esprit, ainsi que de l'instauration de l'assurance-maladie universelle. Bien des choses n'ont toutefois pas changé. En dépit de l'invention remarquable de Tim Berners-Lee et de la facilité avec laquelle le public peut depuis trouver des renseignements médicaux sur le web, la grande majorité des patients s'en remettent avant tout à leurs médecins lorsqu'ils ont besoin de conseils sur de graves problèmes de santé. En 1911, écrivant dans le *JAMC* au sujet de ce que nous appelons maintenant les ischémies transitoires, Osler avait une conscience intuitive de l'influence du style de vie sur le risque. Il formule des commentaires sur le cas d'un homme de 43 ans «qui avait poussé la machine à fond pendant 25 ans (…) pratiquant intensément le culte de Bacchus, de Vénus et de Vulcain». Les médecins considéraient alors que leur rôle ne consistait pas seulement à distribuer des médicaments, mais qu'ils devaient aussi essayer d'éduquer leurs patients. De nos jours, on montre à maintes reprises que les conseils d'un médecin sont le facteur de motivation le plus important de changement de comportement chez les patients. *Plus ça change*… C'est pourquoi nous présentons ce numéro des Fêtes en ajoutant une note à la partition : «ton léger mais réfléchi». Joyeuses Fêtes. – *JAMC* ## Référence 1. 1. Wooltorton E. *JAMC*, 90 years ago. *JAMC 2001;165(12):1631-4.*