Elsevier

La Presse Médicale

Volume 43, Issue 11, November 2014, Pages e369-e376
La Presse Médicale

Article original
Médicaments à l’origine d’insuffisances rénales aiguës allergiques en France en 2013Prospective study of drug-induced allergic nephropathy in eleven French nephrology units

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.032Get rights and content

Résumé

Objectifs

Recenser et déclarer les cas de néphropathies immuno-allergiques (NIA) observés dans les centres de néphrologie de l’Ouest de la France pendant un an. Étudier les médicaments en cause, la présentation clinique et biologique, la prise en charge et l’évolution de la fonction rénale trois mois après le diagnostic de NIA.

Méthodes

Avec l’aide du service de pharmacovigilance de Rennes, les néphrologues de Saint-Malo ont demandé à leurs collègues participant à la Société de néphrologie de l’Ouest (SNO) de déclarer l’ensemble des cas de NIA rencontrés pendant une année. Au sein de la SNO et avec l’aide du centre de pharmacovigilance de Rennes, nous avions mené un travail en 2011 pour déclarer des cas de NIA à la fluindione de manière rétrospective. Il était demandé aux néphrologues de compléter un recueil de données anonymisées sur le modèle des fiches Cerfa permettant d’avoir des informations cliniques, biologiques et histologiques sur ces cas qui ont été déclarés sur l’inter-région. Sur le même modèle, nous avons demandé aux néphrologues de la SNO de déclarer de manière prospective entre le 1er mai 2012 et le 30 avril 2013 tous les cas de NIA observés afin d’avoir un aperçu des classes médicamenteuses impliquées. Les questionnaires anonymisés ont été adressés au service de néphrologie de Saint-Malo, Un double a été transmis au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Rennes. L’ensemble des cas ont été déclarés par l’intermédiaire du CRPV de Rennes qui, pour les cas ne relevant pas de son territoire d’intervention, a travaillé conjointement avec les autres CRPV de l’inter-région. L’ensemble des données a été collecté par le service de néphrologie de Saint-Malo.

Résultats

Ce travail a permis de déclarer et d’analyser 24 cas de NIA sur une période d’un an dans cette inter-région. Dans 13 cas, une biopsie rénale a été réalisée permettant la mise en évidence de lésions interstitielles. Parmi les médicaments incriminés, les plus fréquents étaient : antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de la pompe à proton et antivitamine K avec noyau indanedione. Une majorité de patients (75 %) a été traitée par corticoïdes. Dans cette étude, le recrutement a été réalisé par des néphrologues. Certains patients étaient déjà suivis pour une néphropathie chronique avant la NIA : 4 avaient une insuffisance rénale chronique (IRC) de stade 3, et 2 une IRC de stade 4. À distance de l’épisode de NIA, une récupération incomplète de la fonction rénale a été fréquemment observée. À 3 mois, 9 patients avaient une IRC de stade 3 ; 6 une IRC de stade 4 et 1 une IRC de stade 5 ne nécessitant pas le recours à la dialyse chronique.

Conclusion

Face à une élévation significative de la créatininémie que nous avons définie par une augmentation d’au moins 50 % du taux initial quand celui-ci est connu, un mécanisme immuno-allergique d’origine médicamenteuse doit être recherché.

Summary

Objective

Certain medications have been associated with drug-induced acute interstitial nephritis (AIN), but few prospective studies have been published. This prospective observational study aims to record and assess incidents of drug-induced AIN observed over a period of one year in nephrology units in France. The goal is to determine which medications are involved in AIN and to expound the clinical and biological presentation, management, and evolution of AIN.

Methods

Between April 2012 and April 2013, drug-associated cases of AIN were prospectively recorded in 24 patients registered in 11 nephrology units that belong to the Société de Néphrologie de l’Ouest (SNO). Data sheets, including suspected and concomitant drug(s), kidney function assessment, biological disturbances, clinical signs, histological data, management, and evolution, were collected by the Rennes Regional Pharmacovigilance Center and recorded in the French pharmacovigilance database.

Results

In order, the most frequently involved medications in the AIN cases were: vitamin K antagonists (33.3% of the cases, almost exclusively fluindione), antibiotics (20.8% of cases) non-steroidal anti-inflammatory drugs (20.8% of cases), and proton pump inhibitors (16.7% of cases). The mean delay of onset to AIN was 8.3 weeks. At the time of diagnosis, mean serum creatinine was 366 μM, higher for vitamin K antagonists (VKAs), except in the case of warfarin. During the course of an AIN event, 70% of patients had complete blood count and/or urine analysis abnormalities, 55% had clinical signs of systemic hypersensitivity, and 13% of patients had hepatic disorders. Renal biopsies were performed in 54% of patients; however, only 37% of patients requiring therapeutic anticoagulation underwent a biopsy. Suspected drugs were discontinued in all patients and the majority was treated with oral corticosteroids. Renal function often continued to be impaired after an AIN event. At baseline, 25% of patients had chronic kidney disease (CKD); after an AIN event, 67% of patients were noted to have CKD.

Conclusion

Physicians need to be aware of the possibility of drug-induced acute interstitial nephritis as a common cause of acute kidney injury (AKI). This study supports increased vigilance when prescribing three therapeutic classes frequently associated with AIN: antibiotics, NSAIDs and PPIs (especially in instances of polypharmacy), which were associated with two thirds of the AIN cases in this study. Fluindione, an oral anticoagulant exclusively marketed in Luxembourg and France where it constitutes the vast majority of VKA prescriptions, was associated with one third of the AIN cases alone, making it a common possible culprit of drug-induced AIN, warranting particular attention.

Ce qui était connu

  • Les néphropathies immuno-allergiques représentent la troisième cause de néphropathie médicamenteuse après les tubulopathies et les néphropathies fonctionnelles.

  • La triade fièvre, éruption cutanée, hyper-éosinophilie est rarement observée et parfois l’atteinte peut être isolée au rein. Quand cela est possible, il est important de conforter ce diagnostic par la réalisation d’une biopsie rénale pour montrer des lésions interstitielles.

Ce qu’apporte l’article

  • Bien que de nombreux traitements puissent entraîner une néphropathie immuno-allergique, la quasi-totalité des cas sont en relation avec l’un des quatre traitements suivants : ATB, AINS, IPP et AVK.

  • Parmi les AVK, il faut distinguer les dérivés coumariniques (pour lesquels ce risque semble exceptionnel) des dérivés indanedione (avec, en France, la fluindione qui était le médicament le plus rencontré au cours de cette première année de recueil).

  • Pour les AINS, la néphropathie immuno-allergique précoce peu ou pas protéinurique était plus fréquente que la forme « classique » qui associait une insuffisance rénale d’apparition progressive et un syndrome néphrotique.

Section snippets

Méthodes

Entre le 1er mai 2012 et le 30 avril 2013, nous avons collecté les cas de NIA recensés par les néphrologues de l’inter-région ouest. La SNO concerne 6 centres hospitaliers universitaires (Angers, Brest, Nantes, Poitiers, Rennes et Tours) ainsi que les hôpitaux généraux associés à ces centres. Onze centres de néphrologie répartis dans les 4 régions concernées et 14 néphrologues ont participé cette étude observationnelle. L’ensemble des services de néphrologie universitaires ont participé à

Résultats

Nous avons recensé 24 cas de NIA entre avril 2012 et avril 2013 dans les centres de néphrologie de l’inter-région ouest. Quatre classes médicamenteuses étaient impliquées (tableau I). Par ailleurs, le CRPV de Rennes a eu connaissance, sur la période et le territoire concernés par l’étude, de deux observations de NIA non inclues dans l’étude, enregistrées dans la BNPV (et ce sans que ces données ne soient exhaustives) et en rapport avec la prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) pour

Discussion

Nous avons recensé 24 cas de NIA sur une période d’un an (dont 13 avec réalisation d’une biopsie rénale) dans l’inter-région ouest, sans avoir connaissance sur la même période du nombre de cas d’IRA pris en charge sur ce territoire.

Il existe peu de données sur ce sujet. Dans les années 1980, une étude multicentrique nationale avait été faite sur les néphropathies médicamenteuses collectées au cours d’une année dans 58 services de néphrologie [2]. Cette étude avait permis de recueillir 398 cas

Déclaration d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (19)

There are more references available in the full text version of this article.

Cited by (16)

  • Anticoagulants in frail patients. Seven situations at risk

    2018, Design Studies
    Citation Excerpt :

    Furthermore, interstitial nephritis and glomerular bleeding induced by VKA have been reported [9]. In a small French study on 24 patients, 33.3% of the acute interstitial nephritis cases were attributed to VKAs [11]. The anticoagulant-related nephropathy is associated with CKD and increased mortality.

  • Pharmacokinetic variability of anticoagulants in patients with cancer-associated thrombosis: Clinical consequences

    2018, Critical Reviews in Oncology/Hematology
    Citation Excerpt :

    In patients with renal insufficiency, VKA represent an alternative to LMWHs and DOACs when these are contra-indicated in patients with severe renal impairment (Table 3). Even though they are usually considered in patients with severe renal impairment, VKA should be used with caution because the accumulation of inactive metabolites may lead to higher INR values with an increased risk of bleeding and rare although severe VKA-induced acute nephropathy (Leven et al., 2014). Finally, VKA are contra-indicated in patients with severe hepatic impairment.

  • Medication-Induced Interstitial Nephritis in the 21st Century

    2017, Advances in Chronic Kidney Disease
    Citation Excerpt :

    However, certain medications are associated with increased risk, with AIN identified in up to 17% of patients treated with methicillin. Additionally, the incidence of AIN appears to be increasing, particularly in the elderly, and after withdrawal of the offending agent and/or treatment, baseline kidney function is achieved in only 30%-70% of patients.9-13 Therapeutic agents are responsible for 70%-90% of biopsy-proven AIN, and in most cases, the etiology is a delayed hypersensitivity immune reaction driven by antigen-reactive T cells; therefore, the reaction is idiosyncratic, not dose related, and occurs with drug rechallenge.2,9

  • Drug-related acute renal failure in hospitalised patients

    2015, Nefrologia
    Citation Excerpt :

    Unlike a number of previous studies,5,8–11 aminoglucosides have not been the main cause of drug-related ARF in this study, probably as a result of the lower use at present.31,32 In addtion, no ARF cases related to β-lactamic antibiotics or quinolones, often associated with interstitial nephritis, were reported23,33 in this study. In fact no cases of acute interstitial nephritis were identified in our study.

  • Potential harms of proton pump inhibitor therapy: Rare adverse effects of commonly used drugs

    2016, CMAJ
    Citation Excerpt :

    Another hypothesis is that PPIs inhibit osteoclast proton pumps, leading to increased osteoclast activity and direct alteration of bone metabolism.30 A prospective multicentre study from France of drug-induced acute interstitial nephritis and a retrospective study from the US determined that PPIs were the culprit in 16.7% and 14% of cases, respectively.31,32 A nationwide nested case–control study from New Zealand estimated that, for every 100 000 current PPI users more than 60 years of age, there were about 20 cases of acute interstitial nephritis per year (NNH = 5000).33

View all citing articles on Scopus
View full text