Depuis la fin des années 1980, plusieurs mesures ont été prises un peu partout au Canada afin d'accroÎtre l'offre de soins à domicile1,2. Au Québec, ces soins sont principalement sous la responsabilité des Centres locaux de services communautaires (CLSC). Depuis leur création en 1972 et suite au processus de régionalisation démarré en 1991, l'éventail de leurs responsabilités s'est largement étendu3. Plusieurs technologies favorisent un plus grand recours aux soins à domicile (pompes programmables, ventilateurs, monitoring à distance, etc.)4. Or, on peut se demander dans quelle mesure les CLSC utilisent des technologies de pointe et quels enjeux soulève cette utilisation. Dans le cadre d'une étude plus large sur l'utilisation des technologies à domicile, nous avons administré un questionnaire postal5 à l'ensemble des CLSC du Québec. À la fin de l'été 2000, le taux de réponse était de 69 % (97/140).
Le Tableau 1 révèle que l'antibiothérapie intraveineuse (IV) est la technologie à laquelle les CLSC ont été les plus fréquemment exposés (98 % avec pompe programmable), suivie de l'anticoagulothérapie IV (88 %), de l'oxygéno-thérapie (84 % avec concentrateur) et de la dialyse péritonéale (78 %). Près du tiers des CLSC (36 %) ont déjà été impliqués dans la chimiothérapie, ce qui est assez élevé compte tenu de la complexité des soins. L'alimentation parentérale (27 %) demeure peu fréquente. Les diverses formes de monitoring à distance ne sont pratiquement pas utilisées (de 2 % à 13 %).
Le Tableau 1 clarifie également dans quelle mesure le personnel du CLSC fournit des soins «directement» ou «indirectement» reliés à la manipulation de la technologie. La quasi-totalité des CLSC qui ont déjà offert des services d'antibiothérapie (99 % avec pompe programmable) ont prodigué des soins directement reliés à ces services (par exemple, irrigation de cathéter, changement de tubulures, manipulation de la pompe). Par opposition, on constate que la dialyse péritonéale est la technologie pour laquelle la plus faible proportion de CLSC (32 %) offrent des soins directement reliés. Ceci pourrait s'expliquer par le niveau élevé d'autonomie des patients recevant ce type de traitements et par le suivi offert par des unités hospitalières.
Si le personnel des CLSC est appelé à visiter des patients qui ont recours à diverses formes de traitements spécialisés, il demeure difficile de définir quels niveaux d'utilisation seraient souhaitables. Selon une étude américaine6 menée auprès d'agences de soins à domicile, celles-ci, comparativement aux CLSC, utilisaient en plus grand nombre le monitoring de l'apnée du sommeil (62 % c. 13 %), la chimiothérapie (57 % c. 36 %) et le monitoring cardiaque (16 % c. 3 %). Ces agences sont cependant beaucoup moins impliquées dans les services de dialyse (7 % c. 78 %).
Compte tenu du grand nombre de CLSC et, dans certains cas, du nombre limité de patients, la question du maintien de l'expertise du personnel infirmier se pose avec acuité. Il apparaÎt également crucial de clarifier comment les CLSC et les hôpitaux devraient coordonner leurs interventions de manière à assurer un usage optimal de ces technologies7. Notre étude, à partir de données recueillies par ce questionnaire et d'entretiens auprès de gestionnaires, de professionnels, de patients et d'aidants, apporte des éléments de réponses à ces interrogations8.
Footnotes
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Cet article a fait l'objet d'un examen par les pairs.
Collaborateurs : Pascale Lehoux était chercheure principale de l'étude. Elle a dirigé l'ensemble des travaux de l'équipe, a finalisé le développement du questionnaire et a rédigé l'article. Carole Charland a contribué au développement du questionnaire, a procédé à son envoi et a effectué les rappels postaux et téléphoniques. Elle a constitué les tableaux et les graphiques permettant de soutenir les premières analyses descriptives et elle a commenté les résultats de l'enquête. Lucie Richard a contribué aux différentes étapes du projet de recherche, a contribué au développement du questionnaire, a commenté les résultats de l'enquête et a contribué à l'écriture de l'article. Raynald Pineault a contribué aux différentes étapes du projet de recherche, a contribué au développement du questionnaire, a commenté les résultats de l'enquête et a contribué à l'écriture de l'article. Jocelyne St-Arnaud a contribué aux différentes étapes du projet de recherche, a contribué au développement du questionnaire, a commenté les résultats de l'enquête et a contribué à l'écriture de l'article.
Remerciements : Nous remercions Diane Crevier pour la mise en forme du questionnaire et pour la supervision de la saisie des données par lecteur optique. Nous remercions également Michèle Paré pour le traitement des données statistiques et pour son expertise lors des analyses.
Ce projet a bénéficié des conseils judicieux émis par les membres d'un Comité aviseur : Claire Amyot, Régie régionale de Montréal-Centre, Luce Beauregard, CLSC Montréal Nord, Pauline Bégin-Brosseau, ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Jean-Marie Lance, Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, Philippe Laporte, Régie régionale de la Montérégie, et Jacinthe Normand, Association des CLSC et des CHSLD. Notre gratitude va aux responsables et aux professionnels des programmes de soins à domicile des CLSC qui ont généreusement participé à l'étude.
Pascale Lehoux est chercheure-boursière du Programme national de recherche et développement en santé du Canada (PNRDS #6605-5359-48). La réalisation de l'étude a été rendue possible par des fonds de recherche octroyés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC #15472).
Intérêts concurrents : Aucun déclaré.
Pour correspondance s'adresser àu Dr Pascale Lehoux, GRIS, Université de Montréal, BP 6128, Station Centre-ville, Montréal QC H3C 3J7; télécopieur : 514 343-2448; [email protected]
References
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