Au moment d'aller sous presse, les dirigeants du monde industrialisé et de la Russie quasi réhabilitée se réunissent à Gênes, en Italie, pour le Sommet du G8. Le G veut dire groupe, mais pour le public, il signifie aussi influence globale. Les dirigeants se réunissent une fois de plus pour leur sommet, Parnasse politique d'où ils entendent peu ou pas du tout les protestations (voir page 69)1.
La grande préoccupation des simples mortels qui secouent les clôtures en treillis métallique au pied de la montagne, c'est que pendant que les pays riches du monde cherchent à mondialiser le commerce des biens et des services privés, il y a lieu de craindre que les biens publics — comme l'intégrité de l'environnement, la sécurité alimentaire, les droits de la personne et la santé — ne disparaissent dans l'échange. Selon Paul Samuelson2, un bien public est un bien que chacun peut consommer ou utiliser sans réduire la consommation du même bien par quelqu'un d'autre. Le phare en est un exemple. Beaucoup des déterminants fondamentaux de la santé sont des exemples de biens publics : un environnement sûr, la stabilité de l'économie, l'éducation, le savoir et la paix, qui n'en est pas le moindre. Contrairement aux biens privés, les biens publics «ne peuvent être fournis facilement par la “main invisible du marché”3». La coopération est obligatoire. C'est très certainement vrai dans le cas des biens publics mondiaux, c'est-à-dire des avantages dont tous les pays peuvent jouir de façon équitable et sans rivaliser. On pourrait considérer ces biens comme des résultats dérivant des biens publics intermédiaires que sont les organismes (p. ex., l'OMS et l'ONU), les normes et les accords internationaux3.
À Gênes, les pays du G8 voteront pour alléger davantage la dette des «pays pauvres très endettés» — des pays comme l'Angola, la Bolivie et le Sierra Leone qui sont écrasés par le fardeau de la dette étrangère4. La réduction de la dette est une mesure de redressement incontournable dans la voie du «développement» (qui semble toujours signifier une croissance et une consommation sans cesse à la hausse). La réduction de la dette fera toutefois plus qu'accroÎtre la capacité des pays pauvres d'échanger avec les pays riches (qui est clairement la grande raison de la mondialisation) — elle devra aussi permettre davantage de produire des biens publics comme la santé.
Nous ne pouvons accroÎtre nos réserves de biens publics mondiaux sans la solidarité internationale. Les manifestants au pied du Parnasse ont toutefois raison de persister dans leur harcèlement vigilant du nouvel ordre de demi-dieux qui, non élus, prennent en main la gouvernance d'un monde corporatisé. La main invisible du marché a grossi, mais elle n'est pas plus visible. Dans la mesure où ce marché est régi par des intérêts privés, il sera enclin à l'injustice5. Quelles seront les répercussions sur le marché de la santé?
La mondialisation pourrait être l'avènement de l'Âge d'or de la coopération internationale — et donner naissance à des normes universelles sur la sécurité au travail, une amélioration de la surveillance et du contrôle des maladies infectieuses, une protection plus rigoureuse de l'environnement, l'instauration d'une plus grande équité en éducation, une circulation plus libre des compétences spécialisées, sans oublier les avantages que pourrait entraÎner une réglementation transnationale des aliments et des médicaments.
Bizarre toutefois comme nous sommes très peu nombreux à vouloir y croire. — JAMC
References
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