Le Canada se glorifie d’être le premier pays à avoir un plan en cas de pandémie d’influenza – le résultat, en partie, de la pénurie de vaccins lors de la fausse alerte à la grippe porcine en 1976. On nous garantit un approvisionnement adéquat de source canadienne en vaccins contre la pandémie de grippe H1N1 1. Mais ce n’est là que la première étape.
La question plus importante qui se pose est la suivante: Serons-nous en mesure de vacciner à temps les populations vulnérables?
Selon le plan actuel, la réponse est «non». Avant d’être homologués pour distribution, les vaccins doivent traverser les étapes d’un processus réglementaire. Or, Santé Canada, l’organisme de réglementation en la matière, a décidé de traiter ce virus comme un nouveau sous-type plutôt que comme une variante de la souche H1N1, ce qui signifie que l’examen devra être plus approfondi et que la distribution du vaccin en sera ralentie. Mais, regardons les faits:
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Les antigènes immunisants du virus pandémique (H1N1) de 2009 sont étroitement apparentés à ceux de la «grippe porcine» moderne. Ils sont aussi apparentés à une série de virus humains que l’on a vu apparaître entre 1918 et 1956.
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Le fait d’avoir été exposé aux virus plus anciens de la grippe procure une certaine résistance aux virus apparentés. Dans les essais cliniques réalisés en 1976, les personnes nées vers 1957 ou avant ont bien réagi à une dose unique d’un vaccin contre la grippe porcine, sans adjuvant 2, 3. Similairement, les personnes nées vers 1957 ou avant ont été largement protégées contre le récent virus pandémique 4. Ainsi, la plupart des adultes de plus de 50 ans bénéficient d’une certaine résistance au virus de 2009, même s’il arrive souvent que les tests actuels ne détectent pas, dans leur sang, d’anticorps contre la nouvelle variante 5.
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Le virus H1N1 est réapparu en 1977 et a donné lieu, au cours des années suivantes, à des éclosions de grande envergure, principalement chez les jeunes de 25 ans ou moins 6. Les membres de cette cohorte sont maintenant âgés de 25 à 50 ans. Il n’est donc pas étonnant que les cas de maladies liés au nouveau virus grippal (H1N1) de 2009 aient atteint un sommet chez les adolescents et les enfants, qui ont été le moins exposés à des souches saisonnières de H1N1.
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À ce jour, l’éclosion actuelle n’a pas touché de larges secteurs de la population. En fait, on a observé des maladies respiratoires aiguës sévères causées par la souche du virus (H1N1) de 2009 surtout chez des adultes (principalement chez les membres des Premières nations, les personnes atteintes de diverses pathologies chroniques et les femmes en fin de grossesse). Le taux d’hospitalisation des jeunes enfants était aussi plus élevé, comme cela se produit lors de la plupart des épidémies de grippe 7.
Il faut vacciner un éventail d’individus à risque élevé, et plus tôt on le fera, plus grandes seront les chances de les protéger avant que l’épidémie de grippe ne soit à son apogée. Cela permettra de réduire le fardeau des hôpitaux et de mieux gérer le peu de lits disponibles aux soins intensifs.
Les stocks d’antigènes du vaccin augmentant rapidement, les organismes de réglementation ont deux choix. Le premier est d’étudier le vaccin et l’adjuvant comme un tout. Le deuxième est d’accélérer l’examen du vaccin et de procéder à un examen prioritaire, mais plus poussé donc plus lent, du vaccin et de l’adjuvant. Chacun de ces choix engendre les conséquences que voici:
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On pourrait distribuer rapidement le vaccin ordinaire sans adjuvant aux groupes à risque élevé, comme pour toute version saisonnière. Dans ce cas, cependant, on risquerait une pénurie de vaccins pour la population en général.
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L’utilisation d’un adjuvant nécessite un examen plus approfondi qui prend plus de temps, même lorsque le processus est accéléré. Par conséquent, la vaccination serait retardée, mais plus de personnes seraient immunisées.
D’autres pays, dont l’Australie, certains membres de l’Union européenne et les États-Unis, envisagent d’octroyer en accéléré leurs licences de vaccins antigrippaux pour 2009. Certains, en fait, ont choisi les deux voies: l’autorisation accélérée pour les groupes à risque élevé et le processus plus lent pour le reste de la population.
Santé Canada a opté pour le processus plus lent, ce qui pourrait être un choix raisonnable si le vaccin sans adjuvant se révélait inefficace. Mais que faire si les résultats cliniques en cours montrent que le vaccin homologué en accéléré donne de bons résultats? Peut-on avoir recours à cette approche accélérée pour approuver un tel produit rapidement? À l’heure actuelle, au Canada, la réponse est «non». Nous ne proposons pas de sacrifier la sécurité. Nous devons toutefois être en mesure de réajuster nos plans rapidement, en fonction des résultats des essais qui seront bientôt terminés.
Si le virus pandémique était très virulent pour une grande partie de la population, il serait plus sensé d’avoir suffisamment de vaccins pour immuniser tous les Canadiens. Or, vu les données probantes actuelles, il semble plus judicieux de vacciner le plus tôt possible les groupes à risque élevé.
Le temps presse. On réussira peut-être à protéger assez rapidement les groupes à risque élevé, mais seulement si on leur administre le vaccin ordinaire approuvé en accéléré, pendant que le reste de la population attend l’arrivée du vaccin avec adjuvant. Le Canada doit modifier immédiatement sa politique, sans quoi les groupes à risque élevé ici devront attendre d’être immunisés pendant que des groupes similaires aux États-Unis et en Europe recevront le vaccin. Si l’on veut protéger la population, les professionnels de la santé doivent avoir accès au vaccin ordinaire d’ici le début d’octobre et au vaccin avec adjuvant au plus tard à la mi-novembre.
Santé Canada semble avoir oublié que s’il est bien d’être le premier à avoir un plan, vacciner rapidement est encore mieux, car cela sauvera des vies.
Footnotes
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Intérêts concurrents: Voir www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml
Traduit par le Service de traduction de l’AMC.