Le débat sur le contrôle de la glycémie comme facteur essentiel dans la prévention des complications associées au diabète de type 2 touche à sa fin. Pendant des années, on a tenté de réfuter par des arguments théoriques le rôle de la soi-disant toxicité du glucose en suggérant que le niveau de contrôle glycémique n’expliquait peut-être pas suffisamment ni ne permettait de prévenir les complications du diabète. Effectivement, d’autres facteurs tels que la dyslipidémie, l’hypertension et le tabagisme interviennent pour une grande part dans ces complications, et le contrôle de ces facteurs réduit sensiblement la mortalité. Toutefois, les preuves du rôle du contrôle glycémique s’accumulent, la plus convaincante nous provenant d’une récente méta-analyse qui montre que le contrôle glycémique intensif prévient l’infarctus du myocarde 1. Lorsque nous, praticiens, tolérons une glycémie aléatoire supérieure à 11 mmol/L ou un taux d’hémoglobine A1c (HbA1c) supérieur à 8 % parce que nous les jugeons «suffisamment conformes», nous risquons d’endommager la santé de nos patients.
Selon l’hypothèse de la toxicité du glucose, l’hyperglycémie diminue la sécrétion d’insuline et la sensibilité à celle-ci, entraînant un déplacement du métabolisme du glucose excédentaire de la voie glycolytique normale aux voies mineures du sorbitol, des hexosamines et de la glycation. Les produits cumulés de ces voies causent un stress oxydant et l’inflammation des cellules et des parois des vaisseaux sanguins, ce qui entraîne un dysfonctionnement des cellules bêta pancréatiques et l’athéros-clérose systémique 2. Des études d’observation auprès de personnes atteintes du diabète de type 2 ont montré une association claire entre le contrôle glycémique et les complications micro et macro-vasculaires 3. Toutefois, le test le plus pragmatique et convaincant de l’hypothèse de toxicité du glucose provient d’essais randomisés sur le contrôle glycémique intensif.
L’importance d’un strict contrôle glycémique a été clairement établie pour le diabète de type 1, où il y a une carence absolue en insuline. Dans l’étude DCCT (Diabetes Control and Complications Trial) sur le contrôle du diabète et de ses complications, menée auprès d’adultes atteints du diabète de type 1, l’atteinte d’un taux d’HbA1c moyen de 7 % avec contrôle glycémique intensif a entraîné une réduction de 30 à 76 % des microangiopathies telles que la rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie; un suivi à plus long-terme a révélé une réduction de 57 % des coronaropathies 4. Dans le cas du diabète de type 2, l’étude UKPSD (UK Prospective Diabetes Study) a permis de constater une réduction significative et soutenue des complications microvasculaires chez les patients recevant une insulinothérapie associée à une sulfonylurée pour atteindre un taux d’HbA1c de 7 % 5. Récemment, des suivis à plus long-terme des participants à la même étude ont révélé que, malgré une perte de la différence du taux d’HbA1c après l’étude, on a observé une réduction du risque d’infarctus du myocarde de 15 % chez les patients non obèses à qui on a administré une sulfonylurée et de l’insuline et de 33 % chez les patients obèses à qui on a administré de la metformine; la mortalité toutes causes confondues a également été réduite pour ce groupe 6. Parallèlement, dans la récente étude ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) sur le contrôle des risques cardiovasculaires résultant du diabète, dans le cadre de laquelle le groupe traité a atteint une HbA1c moyenne de 6,4 % contre 7,5 % pour le groupe témoin, on a constaté une réduction de 24 % du risque d’infarctus du myocarde non mortel, bien que cet essai ait été interrompu prématurément en raison d’une augmentation de la mortalité toutes causes confondues et de la mortalité cardiovasculaire globale chez le groupe de contrôle glycémique intensif 7. Les résultats de ces deux études appuient solidement la théorie selon laquelle l’hyperglycémie est, à tout le moins, une cause importante du nombre plus élevé d’infarctus du myocarde chez les personnes atteints de diabète de type 2.
Le doute qui subsiste concernant l’hypothèse de la toxicité du glucose découle des problèmes liés à la conception des essais, notamment une mauvaise stratification du risque de base, un échantillon de petite taille, un traitement de courte durée et une mauvaise exécution de l’intervention de contrôle du glucose. La nouvelle méta-analyse 1 a regroupé les études UKPDS et ACCORD avec trois autres qui ont tenu compte de ces faiblesses. Au total, l’étude concernait 33 040 patients cliniquement stables non hospitalisés qui ont fait l’objet d’un suivi pendant environ cinq ans. Le taux moyen d’HbA1c de l’intervention, soit 6,6 %, était de 0,9 % inférieur chez les sujets des groupes de traitement intensif. Dans l’ensemble, on a observé une réduction significative de 17 % de l’incidence de l’infarctus du myocarde non mortel et une réduction de 15 % des coronaropathies. Par ailleurs, aucun effet sur la mortalité toutes causes confondues n’a été observé, un résultat affaibli par l’hétérogénéité relevée entre les essais. Comme on l’avait prévu, on a noté une incidence plus élevée d’hypoglycémie et d’hypoglycémie sévère chez les groupes soumis au traitement intensif, en particulier dans les trois études où des taux d’HbA1c inférieurs à 7 % ont été atteints, un avertissement qui ne peut être ignoré.
Nous en savons suffisamment pour mettre un terme au débat à savoir si le contrôle glycémique est important ou non. Le fait est qu’il l’est. Nous devons certes poursuivre les recherches sur la meilleure façon d’atteindre l’équilibre glycémique en toute sécurité, mais nous avons suffisamment de preuves pour convenir d’une cible optimale provisoire: un taux d’HbA1c de 7 % pour tous les patients atteints de diabète de type 2, en particulier si le diabète est d’apparition récente et si les patients sont plus jeunes et en meilleure santé. Nous devons redoubler d’efforts pour atteindre cette cible en utilisant toutes nos armes à bon escient: contrôle du poids, exercice, hypoglycémiants oraux et insulinothérapie.
Footnotes
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Cet article a été soumis à l’examen des pairs.
Intérêts concurrents: Voir www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml
Traduit par le Service de traduction de l’AMC.