Constat d'échec dans le monde ============================== Pour vaincre la pauvreté, il faudra faire un bond de géant, tant sur le plan matériel que dans nos ambitions... Théoriquement, il est encore possible d'atteindre les objectifs du Millénaire, même dans les pays les plus pauvres — mais le temps presse et la volonté politique fait largement défaut. — *Kofi Annan*, 20041 Le rapport de cette année sur les progrès réalisés vers les huit objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies1 doit avoir été difficile à rédiger : 27 pages d'échecs et de progrès chancelants. Habituellement prudent mais optimiste dans ses commentaires publics, le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan tient décidément des propos sombres cette fois-ci. Les objectifs du Millénaire vont de l'éradication de la pauvreté absolue (et non simplement débilitante) et de la faim jusqu'à l'éducation primaire (et non secondaire) universelle en passant par la réduction (et non l'élimination) des écarts entre les taux de morbidité et de mortalité chez les riches et les pauvres, l'égalité entre les sexes et la durabilité de l'environnement. Même si ces buts sont modestes et atteignables, les progrès ont toutefois été limités ou nuls dans la plupart des régions et à l'égard de la plupart des objectifs. En Afrique subsaharienne, en Amérique latine et dans les Caraïbes, les progrès de l'éradication de la pauvreté absolue et de la faim sont minimes ou nuls. En Asie de l'Ouest, ils sont plus marqués. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud respectivement, 31 % et 47 % des enfants de moins de cinq ans ont un poids insuffisant et le taux de mortalité chez les moins de cinq ans y est plus de 20 et 10 fois plus élevé respectivement que dans les pays industrialisés. On estime que 38 millions de personnes étaient infectées par le VIH en 2003. En Afrique australe, de 24 à 39 % des femmes enceintes des capitales urbaines sont infectées. Les statistiques sont les mêmes à l'égard de la plupart des 48 indicateurs du progrès vers les objectifs du Millénaire. Le secrétaire général se montre le plus sombre lorsqu'il brosse un tableau des effets dévastateurs des conflits armés qui perdurent dans le monde et qui ont fait plus de 5 millions de victimes au cours de la dernière décennie. Même si le conflit en Irak a dominé les médias depuis que les Nations Unies ont entendu l'argument américain en faveur de l'intervention militaire en 2002 et s'il a fait de 13 000 à 15 000 victimes (surtout des civils) ([www.iraqbodycount.net](http://www.iraqbodycount.net)), la plupart des pertes causées par la guerre sont le résultat de conflits que l'on mentionne à peine dans les nouvelles2. Les conflits armés et les luttes politiques coûtent cher à de nombreux égards : ils paralysent les économies et détournent pour les armements et les activités policières des fonds qui pourraient servir autrement à atteindre les objectifs du Millénaire. Le dysfonctionnement de la société est aussi associé à un phénomène croissant de criminalité transnationale visant «tous les trafics lucratifs — des déchets nucléaires et des armes à feu aux espèces protégées, aux objets culturels et, plus tragiquement, aux êtres humains».1 De nombreuses raisons persistantes sous-tendent l'échec collectif face aux objectifs du Millénaire. L'insuffisance du financement consacré à l'aide et à la recherche en est une. La stratégie de mendicité et de réprimande pratiquée par l'ONU n'a pas porté fruit : cinq pays seulement consacrent 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement. Le Canada n'est pas du nombre. Dans ce numéro (voir page 1203), Prabhat Jha et ses collaborateurs résument les principaux problèmes de santé dans le monde et passent en revue les données probantes indiquant qu'il est possible de corriger le fardeau international que constitue le mauvais état de santé par un investissement relativement mo-deste dans le traitement et la prévention des maladies3. Les technologies nouvelles constitueront une force habilitante importante. La génomique et la médecine moléculaire produisent de meilleurs vaccins et de nouveaux antimicrobiens contre des agents infectieux existants et nouveaux. Les techniques modernes d'éducation en santé et de prestation des services de santé ont amélioré les taux d'utilisation du condom et des moustiquaires enduites d'insecticide. De tels progrès réduisent les taux de mortalité et améliorent la santé et l'espérance de vie. Ils seront nécessaires pour faire face à de nouveaux agents pathogènes. Les progrès au niveau de l'espérance de vie font plus qu'améliorer l'état de santé : ils stimulent aussi l'économie directement. Ce rendement composé de l'investissement signifie que même un programme modeste de lutte contre des maladies importantes peut produire d'énormes retombées éco-nomiques. On estime, par exemple, que l'économie mondiale a évité 27 milliards de dollars de dépenses en 20 ans après l'éra-dication de la variole (qui n'a coûté que 300 millions de dollars). En Thaïlande, le taux de rendement de l'investissement dans la prévention de l'infection par le VIH atteint 12 % à 32 % par année3. De telles stratégies font l'objet de discussions cette semaine à Toronto, dans le cadre d'une conférence internationale parrainée par le Centre canadien de recherche sur la santé dans le monde ([www.cghr.org](http://www.cghr.org)). M. Annan rappelle sombrement dans son rapport que l'on ne pourra atteindre les objectifs du Millénaire sans respecter la règle du droit sur la scène internationale — ce qui est tout aussi important que «les connaissances, les moyens et la volonté politique d'agir». Si l'on ne règle pas les conflits dans la paix, il sera impossible de mettre en œuvre des programmes de santé efficaces, et la confiance des pays donateurs, ainsi que leur aide, resteront au point mort. — *JAMC* ## References 1. 1. Assemblée générale des Nations Unies. Application de la Déclaration du Millénaire adoptée par l'Organisation des Nations Unies. *Rapport du Secrétaire général*. 27 août 2004. Document no A/59/282. Disponible : [www.un.org/french/millenniumgoals](http://www.un.org/french/millenniumgoals) (consulté le 19 octobre 2004). 2. 2. Médecins sans Frontières. The top ten most underreported humanitarian stories of 2003 2004. Disponible : [www.msf.org/content/page.cfm?articleid=AA4451CE-6C9E-4516-A063A1D44C3205CA](http://www.msf.org/content/page.cfm?articleid=AA4451CE-6C9E-4516-A063A1D44C3205CA) (consulté le 19 octobre 2004). 3. 3. Global IDEA Scientific Advisory Committee. Health and economic benefits of an accelerated program of research to combat global infectious diseases. JAMC 2004;171(10):1203-8. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTcxLzEwLzEyMDMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTcxLzEwLzExNDMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9)