Dans votre éditorial du 5 février1, vous avancez que le moment semble venu de se lancer dans la reconstruction de l'Afghanistan et de son système de santé. Il est effectivement temps, car qui se souciait de ce pays? N'oublions pas que l'aide totale apportée à l'Afghanistan a été en chute constante entre 1996 et 2000, passant de 7,9 dollars US à 5,5 dollars US par habitant2. Le Canada a adopté une politique moins draconnienne, puisque par rapport à 1994, année où les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont consenti le plus d'argent, il a conservé un niveau d'aide relativement stable jusqu'en 1999 (7,5 millions de dollars US par an)3. Cependant, si le Canada, comme vous le rappelez, reste un piètre pays au niveau mondial pour l'aide au développement (17e sur 22 pays de l'OCDE4), il nous semble qu'il doit non seulement déployer plus d'argent, mais surtout exporter les valeurs sur lesquelles repose (encore) son système de santé. La reconstruction de l'Afghanistan requiert, selon certains5, l'organisation d'un fonds commun alimenté par tous les bailleurs. Or, à la lumière de notre propre expérience en Afghanistan ou au Timor oriental, nous avançons que cette solution comporte le risque que la nature du système de santé proposé tende plus vers l'idéologie actuellement dominante de la privatisation et du paiement direct de la part des usagers que vers l'accès universel aux soins, et nous en connaissons les écueils. Cela revient plus cher à la société et les plus pauvres sont exclus de l'accès aux soins. Le Canada, par l'intermédiaire de son aide internationale, doit promouvoir et appuyer des solutions en lien avec ses propres valeurs. Dans ce cas, il doit soutenir la réorganisation du système de santé fondé sur un financement public qui demeure encore le seul moyen efficace et efficient pour offrir un accès universel et équitable aux soins de santé.
Valéry Ridde Étudiant au doctorat en santé communautaire Université Laval Québec (Qué.)