Les intérêts qui contrôlent la recherche =========================================== Les coûts de la recherche médicale ont atteint des niveaux qui dépassent les moyens même des universités les mieux nanties. Poussée par l'appétit du public pour l'innovation, l'industrie privée a commencé à prendre en charge la part du lion de ces coûts, ainsi qu'une proportion intimidante du contrôle. Les frontières entre la science nouvelle et les technologies applicables, et, par conséquent, entre le savoir comme bien et le savoir comme denrée, sont maintenant brouillées1,2. Certains soutiennent que l'on regrettera le mariage de la recherche universitaire et du financement privé : les buts commerciaux et scientifiques sont si incompatibles, préviennent-ils, qu'il faudrait redonner aux milieux universitaires le contrôle de la quasi-totalité de la recherche sur la santé humaine3. D'autres, et en particulier ceux qui œuvrent dans des domaines à forte teneur en technologie comme la génomique et la recherche sur les phénotypes, soutiennent que le financement public n'est pas à la hauteur. Il faut des partenariats, mais nous devons mieux les gérer4. Nous adoptons cette seconde perspective, non pas parce que la résistance est futile (ce qui est peut-être le cas), mais plutôt parce que des partenariats avec l'industrie se sont révélés bénéfiques. Il faut toutefois les structurer avec prudence pour protéger les droits des sujets de recherche et la liberté intellectuelle des scientifiques. Les participants à des études cliniques ont le droit d'être informés entièrement et continuellement des risques auxquels ils s'exposent et il ne faut jamais dévaloriser leur participation en déformant ou en supprimant des résultats pour satisfaire à des objectifs commerciaux. Le droit des chercheurs d'effectuer des recherches et de publier les résultats de leurs efforts sans entrave constitue une valeur fondamentale non seulement pour les scientifiques, mais aussi pour l'ensemble de la société5. Les problèmes de suppression de données et de consentement mal éclairé sont-ils courants ou, comme dans le cas de la relation de recherche entre Nancy Olivieri et Apotex, spectaculaires mais rares6? Une enquête menée récemment auprès de 108 facultés de médecine des États-Unis révèle que très peu d'ententes entre des établissements universitaires de recherche médicale et leurs commanditaires de l'industrie protègent suffisamment l'indépendance des chercheurs7. Les résultats médians portant sur l'observation de principes aussi essentiels que celui de garantir aux chercheurs qu'ils auront accès à toutes les données au cours d'une étude multicentrique ont été ahurissants. Parmi les chercheurs des établissements que l'on a interrogés, 1 % seulement avaient accès à toutes les données d'étude et 40 % seulement contrôlaient la publication des résultats de leurs recherches. Ces chiffres confirment les pires craintes du Comité international des rédacteurs de revues médicales, qui a annoncé l'année dernière les critères éthiques d'admissibilité à la publication de résultats d'études8. La situation est-elle la même au Canada? Pour le savoir, il faudrait reproduire l'étude américaine. Il faudrait aussi sonder nos universités pour déterminer comment elles conseillent et encadrent le personnel enseignant et les étudiants qui ont des liens financiers directs avec les commanditaires de leurs recherches. On pourrait peut-être s'inspirer du modèle de Harvard et de l'Université de la Pennsylvanie pour encourager nos universités à proscrire les liens financiers personnels entre les chercheurs et l'industrie. Nous avons avant tout besoin de leadership national, et peut-être même d'un organisme national qui se chargerait de promouvoir et de surveiller le comportement conforme à l'éthique en recherche. Nous avons besoin de normes sans équivoque permettant de protéger les droits des patients qui participent à des recherches et de respecter le besoin de la société, soit que l'on puisse effectuer des recherches scientifiques et diffuser des résultats sans aucune entrave. — *JAMC* ## References 1. 1. Solomon JJ. Science policies in a new setting. Int Soc Sci J 2001;168:323-35. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1111/1468-2451.00318&link_type=DOI) 2. 2. Russo E. Reconsidering Asilomar. Scientist 2000; 14 (7):15. 3. 3. Lewis S, Baird P, Evans R, Ghali WA, Wright CJ, Gibson E, et al. Dancing with the porcupine: rules for governing the university–industry relationship. JAMC 2001;165(6):783-5. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjUvNi83ODMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY3LzExLzEyMjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 4. 4. Moses H III, Braunwald E, Martin JB, Thier SO. Collaborating with industry — choices for the academic medical center. N Engl J Med 2002; 347 (17):1371-5. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1056/NEJMsb021319&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=12397200&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F167%2F11%2F1223.atom) [Web of Science](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=000178781300014&link_type=ISI) 5. 5. Somerville MA. A postmodern tale: the ethics of research relationships. Nat Rev Drug Discov 2002; 1(4):316-20. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1038/nrd774&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=12120283&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F167%2F11%2F1223.atom) 6. 6. Phillips RA, Hoey J. Constraints of interest: lessons at the Hospital for Sick Children. JAMC 1998; 159(8):955-7. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6MzoiUERGIjtzOjExOiJqb3VybmFsQ29kZSI7czo0OiJjbWFqIjtzOjU6InJlc2lkIjtzOjk6IjE1OS84Lzk1NSI7czo0OiJhdG9tIjtzOjIyOiIvY21hai8xNjcvMTEvMTIyMy5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 7. 7. Schulman KA, Seils DM, Timbie JW, Sugarman J, Dame LA, Weinfurt KP, et al. A national survey of provisions in clinical-trial agreements between medical schools and industry sponsors. N Engl J Med 2002;347(17):1335-41. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1056/NEJMsa020349&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=12397192&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F167%2F11%2F1223.atom) [Web of Science](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=000178781300006&link_type=ISI) 8. 8. Davidoff F, DeAngelis CD, Drazen JM, Nicholls MG, Hoey J, Højgaard L, et al. Sponsorship, authorship and accountability [éditorial]. JAMC 2001; 165(6):786-8. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjUvNi83ODYiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY3LzExLzEyMjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9)