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Dans le monde changeant de l'édition de journaux médicaux, le dernier arrivé et le plus audacieux est PLoS Medicine (http://medicine.plosjournals.org), journal médical général gratuit dont le premier numéro a paru en octobre 2003. Bien nantis d'une subvention de démarrage de 9 millions de dollars US reçue d'une fondation privée, les rédacteurs et fondateurs enthousiastes de la Public Library of Science voulaient «remettre en question le statu quo» de l'édition médicale. Les journaux «classiques» de premier plan comme le BMJ, Lancet et le New England Journal of Medicine (sans oublier, bien entendu, le JAMC) ont tous plus de 70 ans, signalent les rédacteurs de la PloS. C'est le moment de rénover, affirment-ils, le moment de «réinventer le journal médical»1.
Entre-temps, un intrépide pionnier de l'édition médicale électronique a malheureusement mis en place un nouveau système de péage. Le site web novateur du BMJ accueille maintenant près de 2 millions de visiteurs par semaine. Or, pour de vagues raisons financières, l'éditeur du BMJ, la British Medical Association, impose maintenant aux non-abonnés des frais de lecture sur tout le contenu sauf les communications scientifiques originales2. Cette réduction de l'accès se produit au moment même où de nouveaux journaux ouverts et gratuits font leur apparition et où de grandes bibliothèques conviennent avec Google de numériser intégralement leurs collections et d'en ouvrir l'accès.
Depuis juillet 1999, le texte du JAMC est disponible en version intégrale en ligne, sans frais ni restriction. Nous continuons de faire l'essai d'améliorations en ligne de notre contenu imprimé et chaque numéro du journal publié depuis 1911 sera bientôt accessible en ligne. Comme les modèles d'édition de journaux médicaux évoluent dans des directions opposées, on nous demande souvent ce que nous avons appris et si nous maintiendrons l'ouverture du JAMC. Nous nous posons aussi ces questions.
Nous avons appris qu'il y a une foule de lecteurs «éventuels» en ligne : nous nous attendons à ce que le trafic atteigne presque 20 millions de visites en 2005. Nous savons aussi que l'accès ouvert sur Internet a gonflé notre lectorat. Le dernier sondage que nous avons effectué auprès des lecteurs en ligne révèle que seulement 31% de ceux qui consultent le JAMCél s'identifient comme médecins, et que plus de la moitié de nos lecteurs en ligne consultent le site de l'étranger (voir www.cmaj.ca/pdfs/eCMAJsurvey2004.pdf).
Autant les promoteurs de l'accès gratuit que ses critiques reconnaissent qu'une diffusion plus générale du contenu savant et scientifique constitue un but valable. Les divergences de vues portent sur les aspects financiers de l'accès gratuit pour les utilisateurs. Si la subvention n'est pas renouvelée, PLoS Medicine comptera sur des frais d'auteur de 1500 $US par article, coût qu'il faudra intégrer dans le financement consacré à la recherche. D'autres modèles d'édition limitent l'accès aux abonnés payants et aux lecteurs disposés à payer pour chaque article. Il est clair que l'une ou l'autre des façons de procéder — imposer le recouvrement des coûts soit à l'auteur soit au lecteur — crée des obstacles à la diffusion des résultats de recherche.
L'argent est important, même si les coûts supplémentaires marginaux de la diffusion gratuite de contenu sur le web représentent un pourcentage relativement faible du budget d'un important journal imprimé. De toute façon, même les abonnés aux versions imprimées souhaitent que le contenu du journal soit disponible en ligne, ce qui en facilite la consultation et l'extraction. Le dilemme financier qui découle de l'accès libre repose en grande partie sur l'érosion des abonnements aux éditions imprimées et des recettes publicitaires qui se produit lorsque les publications rendent leur contenu intégral disponible gratuitement en ligne. La question d'ordre financier est la suivante : Quelle est l'envergure des pertes en question et sont-elles compensées par des avantages non financiers?
Il semble, du moins pour le moment, que la plupart des abonnés à des journaux comme le BMJ et le JAMC aiment toujours recevoir l'édition papier de leur journal et sont prêts à payer pour l'obtenir. La situation changera peut-être lorsque ceux qui sont nés après l'invention du web arriveront à l'université et à la faculté de médecine. Il faudra attendre encore quelques années pour le savoir. Pour l'instant, même s'ils fléchissent légèrement à cause de l'accès ouvert, les abonnements ne dégringolent pas encore.
Dans le cas du JAMC, les avantages non financiers ont inclus la possibilité de rendre le journal plus attrayant pour les auteurs qui souhaitent qu'on lise leurs travaux et qu'on en généralise l'application. Le nombre des manuscrits qu'on nous soumet a grimpé en flèche, ce qui a permis aux pairs critiques et aux rédacteurs du JAMC de hausser la barre de qualité et de faire leurs choix dans un éventail beaucoup plus vaste de contenu. Nous avons constaté des augmentations satisfaisantes de notre facteur d'impact, mesure de qualité et pôle d'attraction important pour les auteurs dont la carrière et la compétitivité sur le plan des subventions de recherche sont reliées en partie au prestige des journaux où ils publient. Avant longtemps, de nouveaux modes de paiement par Internet permettront peut-être à des publications électroniques d'imposer des frais de quelque cents par consultation et compenseront les coûts de rédaction sans créer de désincitation pour les lecteurs. Les annonceurs seront peut-être plus disposés à annoncer sur le web. Entre-temps, nous avons l'intention de maintenir l'accès ouvert (et gratuit) sans imposer de frais aux lecteurs ou aux auteurs. — JAMC