Le Groupe de travail canadien sur l'examen médical périodique (rebaptisé par la suite Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs) a publié ses premières recommandations il y a presque 24 ans jour pour jour, en novembre 19791. L'époque du Groupe d'étude semble toutefois révolue : le 30 avril 2004, le Groupe d'étude perdra son financement de Santé Canada (voir page 1202).
Le premier rapport portait sur 78 problèmes cibles et la portée des recommandations allait de la sérologie de la toxoplasmose prénatale aux évaluations annuelles de l'incapacité progressive chez les patients âgés, en passant par le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 59 ans. Le Groupe d'étude a exercé une influence salutaire non seulement en évaluant attentivement les examens médicaux et les services de prévention, mais aussi en établissant des normes sur les données probantes. Sa classification systématique de la recherche en niveaux de données probantes (I, II, III) et catégories de recommandations (A à E) représente une innovation durable. La définition des lacunes de la recherche a aussi été importante. Dans son premier rapport, le Groupe de travail a établi 21 priorités de recherche, orientant ainsi les organismes subventionnaires et les chercheurs vers des domaines qu'il était urgent d'étudier.
Le Groupe de travail a lancé ce qui deviendrait (non sans problème) une véritable industrie des guides de pratique et des conférences de concertation. PubMed n'affiche que six articles sur les guides pour les années de 1970 à 1979 (mot clé «guideline», limite «practice guideline»). Pour les deux décennies suivantes, on trouve 218 et 4430 entrées respectivement. Cette tendance à l'augmentation dure toujours : on a déjà affiché 2683 guides depuis 2000.
Pourquoi donc le Groupe d'étude se retrouve-t-il sur la voie de sortie? Sauf pendant une brève période au cours de laquelle les provinces ont elles aussi contribué, Santé Canada a fourni le budget annuel en entier (environ 500 000 $), investissement louable qui a produit des dividendes sur les plans de la santé et des soins de santé. Santé Canada laisse peut-être tomber le Groupe d'étude à cause de l'abondance de guides de pratique et de conférences de concertation dont beaucoup (sinon la plupart) sont payés par l'industrie sous forme de subventions à des personnes et à des fondations spécialisées qui s'intéressent avant tout à des maladies allant de l'anémie au diabète, en passant par l'accident vasculaire cérébral.
Il faut toutefois faire preuve de prudence ici. Comme George Orwell l'a signalé au sujet des critiques de livres rémunérés (comme lui), le commanditaire privé peut compter sur le critique pour «trouver un élément à louanger, peu importe ce qu'il pense personnellement de l'ouvrage2» [trad.], comme le démontrent empiriquement de plus en plus d'évaluations de guides3.
Il y a bien entendu d'autres organismes subventionnés par le secteur public qui évaluent la technologie. Le gouvernement fédéral a injecté récemment 45 millions de dollars de plus dans l'Office canadien de coordination de l'évaluation des technologies de la santé (OCCETS). Des groupes d'évaluation de la technologie s'attaquent impartialement à d'importantes questions relatives aux soins de santé, mais ils orientent le programme vers des denrées vendables comme les médicaments et les appareils aux dépens d'interventions à facettes multiples comme l'éducation des patients, les programmes de prévention de la violence et la prise en charge de la lombalgie.
On pourrait soutenir que le Groupe d'étude a fait son travail : on a abordé la plupart des questions clés et il n'est pas rentable de consacrer les ressources du contribuable à des questions de second plan. Cet argument est toutefois faible : non seulement les questions sont-elles plus nombreuses, mais leurs répercussions sont plus coûteuses. Les progrès des techniques d'imagerie, de la génomique et d'autres domaines des soins de santé dévoilent de nouveaux facteurs de risque. Le besoin d'évaluer des moyens préventifs n'a pas diminué : il a plutôt augmenté. Des reportages récents aux États-Unis montrent l'existence d'une relation inverse entre la quantité des soins et l'espérance de vie, ce qui devrait nous encourager à nous pencher de nouveau non seulement sur le coût de certains soins médicaux, mais aussi sur leur utilité4.
La grande force du Groupe d'étude résidait dans son orientation vers les problèmes de santé clés auxquels fait face la population et vers leur prévention et leur traitement. Il est certain que de meilleures mesures de prévention et de traitement sont à l'origine d'une partie des progrès réalisés au niveau de l'espérance de vie. Sur le marché actuel des technologies des soins de santé, où les motifs sont mixtes et les frontières sont floues, le Groupe d'étude demeure une source crédible d'évaluation désintéressée. Nous espérons que l'annonce de sa disparition aura été très exagérée. — JAMC